L’Europe centrale et les pays baltes dans la tourmente

par François Faure et Alexandre Vincent, économistes chez BNP Paribas

La croissance des pays d’Europe centrale ralentit fortement depuis fin 2008, reflétant la contraction de la demande extérieure mais aussi l’essoufflement de la consommation et de l’investissement. Les pays baltes traversent déjà une récession sévère.

Globalement la liquidité extérieure est précaire, surtout pour les pays baltes. La Hongrie et la Lettonie ont déjà été contraintes de solliciter l’aide des institutions financières internationales et de l’UE. Pour les pays ayant des régimes de change flottants, l’endettement en devises du secteur privé pèse d’autant plus lourd que les monnaies se sont fortement dépréciées. Pour les pays en régime de change fixe, c’est le maintien même du peg qui pourrait être mis en question.

La plupart des secteurs bancaires sont fragilisés par l’assèchement des financements extérieurs, notamment les lignes interbancaires entre les établissements de la zone euro très présents dans la région et leurs filiales. Le soutien déjà actif des institutions financières internationales sera un paramètre crucial dans les mois à venir pour éviter un scénario de double crise (crise de balance des paiements – crise bancaire).

La crise financière heurte les pays d’Europe centrale et les pays baltes de plein fouet. Ses effets sont d’autant plus forts qu’elle a éclaté dans un environnement déjà fragile. Ainsi, la croissance a été particulièrement déséquilibrée dans les dernières années, aboutissant au creusement de déficits courants importants et à un gonflement de la dette extérieure privée. Surtout, ces économies très ouvertes sont fortement exposées au ralentissement de la zone euro, débouché privilégié de leurs exportations. Enfin, dans plusieurs pays, les entreprises et ménages se sont massivement endettés, souvent en devises, ce qui les place dans une situation d’autant plus délicate que les monnaies locales se déprécient.

Dans le cas de celles qui sont ancrées à l’euro, les pressions pour une modification de la parité fixe peuvent s’accentuer avec la récession.

Un fort ralentissement de la croissance, appelé à se prolonger

Les pays de la zone connaissent dans leur ensemble un retournement cyclique particulièrement marqué depuis la fin de l’année dernière. En fait, le ralentissement économique avait commencé dès 2007 en Hongrie, après la mise en œuvre d’un programme d’austérité budgétaire à la mi-2006, et, dans les pays baltes, l’Estonie et la Lettonie sont entrées en récession dès le printemps 2008.

Dans le reste de la zone, c’est surtout au quatrième trimestre 2008 que la conjoncture s’est dégradée, Les indicateurs de production industrielle se sont violemment retournés à la baisse et la morosité du climat de confiance ne laisse espérer aucune inflexion de tendance au premier semestre 2009. Dans cette perspective, plusieurs pays pourraient connaître en 2009 une croissance nulle, voire une récession. 

L’exposition de ces pays à la dégradation de la situation économique dans la zone euro rend partiellement compte de ce retournement conjoncturel. Les économies d’Europe centrale sont effectivement très ouvertes, et le dynamisme de leurs exportations a joué un rôle crucial dans les années d’expansion rapide. Ainsi, le poids de l’Allemagne dans les échanges commerciaux de la République tchèque et de la Slovaquie est aujourd’hui un facteur clef du ralentissement qui les affecte. La Pologne échappe partiellement à ce schéma, avec une demande interne plus large, demeurée robuste courant 2008. Mais celle-ci connaît aussi des signes nets d’essoufflement.

La consommation et l’investissement, désormais déprimés dans l’ensemble de la zone, vont lourdement peser sur les perspectives de croissance non seulement en 2009 mais probablement en 2010 dans la mesure où, en Europe centrale, le retournement du cycle du crédit est encore à venir (voir infra).

D’une part, les projets d’investissement sont largement tributaires de l’évolution des exportations, D’autre part la demande des ménages est déprimée dans un contexte de détérioration du marché du travail. La croissance rapide des salaires réels observée dans le passé récent, en particulier en Pologne et dans les pays baltes, est aujourd’hui interrompue et l’ajustement des coûts salariaux unitaires pourrait prendre plusieurs trimestres. Les tensions sur le marché du travail sont par ailleurs entretenues, au moins temporairement, par le retour d’une main d’œuvre émigrée dans plusieurs pays comme la Slovaquie et la Roumanie. Enfin, le processus de désendettement des ménages pourrait être lent, freinant leurs perspectives de consommation.

L’ampleur de la dégradation conjoncturelle dans les pays d’Europe centrale est perceptible à l’aune de l’importance, à l’échelle de ces économies, des secteurs les plus affectés. C’est notamment le cas de l’immobilier, qui connaît en Europe de l’Est une profonde crise après avoir été un moteur de croissance.

L’effondrement des investissements réalisés dans ce secteur en 2008 est symptomatique des difficultés qu’il rencontre, en Hongrie (-79%), en Slovaquie (-78%), en République tchèque (- 60%) et, dans une moindre mesure, en Roumanie (-39%) et en Pologne (-36%). L’effondrement du marché se traduit déjà, dans certaines zones, par une chute des prix.

Il en va de même de l’automobile, secteur pour lequel une spécialisation forte a été acquise depuis les années 1990 par plusieurs pays : Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie où le processus a sans doute été le plus marqué. Le caractère récent des investissements directs étrangers réalisés dans le secteur va de pair avec une bonne qualité technologique, des équipements en place, et donc une productivité du travail élevée. Pour autant, le ralentissement mondial frappant l’automobile avec une grande violence, le recours au chômage partiel est devenu massif. Plus généralement, les difficultés rencontrées par les secteurs exportateurs contribuent au maintien des déséquilibres extérieurs qui se sont creusés au cours des dernières années.

Balances des paiements et liquidité extérieure sous pression

L’expansion économique des pays d’Europe centrale et des pays baltes au cours des dernières années a débouché, dans plusieurs cas, sur une surchauffe ayant entraîné un creusement inquiétant du déficit courant (de manière particulièrement prononcée en Bulgarie et en Roumanie, mais aussi dans les Etats baltes et, à un moindre degré, en Pologne). Ces déficits devraient normalement se résorber courant 2009 compte tenu du ralentissement/contraction de la demande intérieure. Toutefois, les exportations faiblissant plus vite que les importations, les déficits courants se sont accrus au quatrième trimestre 2008 et devraient rester élevés en ce début d’année.

Jusqu’à l’automne 2008, le financement de ces déficits courants n’a pas vraiment posé de problème grâce aux importantes entrées de capitaux sous la forme d’investissements directs mais aussi d’investissements de portefeuille et de prêts bancaires transfrontaliers alimentant ainsi la dette extérieure. Depuis lors, la méfiance croissante des investisseurs à l’égard des marchés émergents s’est traduite par une raréfaction de ces entrées de capitaux. En particulier, les investissements de portefeuille ont fait montre d’une grande volatilité : cela a notamment touché la Hongrie, qui a connu une grave crise de liquidité en octobre et novembre, mais aussi de la Pologne (en octobre) et de la République tchèque (en novembre). Dans les Etats baltes, ce sont les opérations bancaires qui se sont taries, alors qu’elles constituaient une source majeure de financement des déficits courants.

Aussi, à court terme, les pays de la zone risquent-ils de se trouver confrontés à la fois à un creusement temporaire des déficits courants et à un assèchement durable des nvestissements de portefeuille et des prêts bancaires.

Les réserves de change des banques centrales sont-elles suffisantes pour faire face aux échéances extérieures ? La réponse à cette question est toujours délicate. Si l’on ne tient pas compte de la dette commerciale qui s’éteint mécaniquement avec la contraction des échanges extérieurs et a donc moins besoin d’être renouvelée, la dette extérieure à court terme est couverte par les réserves officielles de change dans la plupart des pays hormis l’Estonie et la Lettonie. Mais si on ajoute le service de la dette à moyen et long terme (i.e obligations internationales et prêts syndiqués), la couverture est largement insuffisante. Il faudrait un taux de renouvellement des échéances à moyen et long terme d’environ 80% pour arriver à un ratio de couverture proche de, ou supérieur à, 100% pour l’ensemble des pays à l’exception des pays baltes.

En fait, pour l’Estonie et la Lettonie, la dette extérieure à court terme est composée pour une part significative de dépôts de non résidents dépassant nettement le montant des réserves de changes. Plus généralement, la dette extérieure à court terme non commerciale est constituée des dépôts des non résidents mais aussi des investissements de portefeuille en titres du marché monétaire – supports des opérations de carry trade – dont il est difficile de prévoir la stabilité. D’où la limite de l’exercice. Cependant, on peut constituer trois groupes par ordre de risque croissant : la Pologne, les républiques tchèque et slovaque seraient relativement les moins exposées à une crise de liquidité extérieure, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie sensiblement plus, les pays baltes étant de loin les plus vulnérables, Globalement la liquidité extérieure des pays de la zone est malgré tout précaire.

Fortes dépréciations des devises

Pour les pays ayant un régime de change flexible, la dépréciation en cours depuis l’été dernier a interrompu une tendance à l’appréciation qui, parfois, prévalait depuis quelques années (cf. graphique 4). La dégradation des déficits courants, la montée de l’endettement extérieur et le tarissement des entrées de capitaux devraient entretenir les pressions à la baisse sur l’ensemble de ces monnaies.

Cette évolution est certes susceptible de soutenir les exportations, mais les gains de compétitivité qu’elle occasionne sont de peu de poids face au ralentissement de la demande externe. La dépréciation des devises locales a en revanche un effet pénalisant sur les ménages et les entreprises, en particulier les PME, qui ont eu recours à l’endettement en devises alors que leurs revenus sont principalement en monnaie locale, et se sont imparfaitement protégés contre le risque de change.

Pour les pays dont la monnaie est ancrée à l’euro (Bulgarie, pays baltes), la récession, la montée du chômage et la pression concurrentielle des pays voisins dont les monnaies se sont dépréciées pourraient remettre en question le maintien des parités fixes en dépit de l’assouplissement de la politique monétaire dans la zone euro. Etant donné que les pays concernés sont aussi ceux qui présentent le ratio d’endettement le plus élevé, le remède (i,e le rétablissement hypothétique d’une politique monétaire et de change indépendante) serait bien pire que le mal, tout au moins à court terme. En Lettonie, l’intervention du FMI et de l’Union européenne a permis de préserver le peg après un épisode de stress au mois de novembre. Mais le maintien des parités fixes s’est fait au prix d’une érosion des réserves de changes en octobre et novembre. 

Dans le contexte actuel, des rumeurs de marché renaissent périodiquement, évoquant le possible abandon de ces systèmes de change et contredisant par là le volontarisme affiché par les classes politiques des différents pays concernés.

 Les interventions et déclarations de soutien se multiplient

Dans ce contexte, des voix nombreuses en appellent au soutien des organisations internationales. Elles ont ainsi été conviées au chevet de la Hongrie au plus fort de la crise : dès le mois d’octobre, la BCE avait ouvert une ligne de crédit spécifique de 5 milliards d’euros. En novembre, des accords ont été conclus avec le FMI et l’Union européenne qui ont prêté respectivement 12,5 et 6,5 milliards d’euros, la Banque mondiale apportant de son côté l’équivalent de 1 milliard. Un ensemble de 20 milliards d’euros a donc été rassemblé, en vue de soutenir à moyen terme la balance des paiements. Cet ensemble de mesures a contribué à résoudre la crise de liquidité qui frappait le pays, même si des tensions sur la liquidité internationale persistent.

De manière équivalente, en décembre, la Lettonie, dont le régime de change était soumis à de fortes pressions, a fait l’objet d’un soutien coordonné du FMI (1,7 milliard d’euros), de l’Union européenne (3,1 milliard d’euros), de la Banque mondiale (400 millions d’euros) et d’un ensemble de bailleurs bilatéraux incluant le Danemark, la Norvège, la Suède et l’Estonie (7,5 milliards d’euros). On peut constater aussi que la BCE a été amenée en novembre à ouvrir à destination de la Pologne une ligne de crédit de 10 milliards d’euros, afin de parer à toute éventualité. Enfin, il semble que la Roumanie ait noué des contacts informels avec le FMI et l’UE. Mais la Bulgarie, par exemple, a déployé beaucoup d’énergie à démentir les rumeurs de contact avec le FMI en octobre, jugeant qu’elles étaient préjudiciables à la soutenabilité de son peg dont la suppression aurait pu être demandée par l’institution de Washington.

L’Union européenne s’est gardée jusqu’ici de proposer un plan global à destination des pays d’Europe centrale et orientale. Si la Hongrie appelle de ses vœux une telle initiative, la Pologne, en revanche, refuse toute stigmatisation. Toutefois, des demandes en ce sens ont émané de l’Autriche, dont les banques sont particulièrement présentes dans l’ensemble de la zone. Une aide de 24,5 milliards de dollars sous forme de prêts ou de garanties pourrait être débloquée conjointement par la Banque mondiale, la BEI et la Berd.

Les systèmes bancaires : nouveaux talons d’Achille

Les marchés financiers s’interrogent également sur la solidité des systèmes bancaires. En décembre, l’Etat letton a été contraint de se porter caution de Parex banka, seconde banque du pays menacée d’illiquidité en raison des sorties massives de dépôts de non résidents. Fondamentalement, les marchés craignent que les systèmes bancaires de la zone connaissent tour à tour le sort de ceux des économies anglo-saxonnes dont la croissance a reposé fondamentalement sur le développement du crédit au secteur privé et, pour l’alimenter, sur le recours à l’endettement externe. De fait, les pays de la zone ont connu une expansion très soutenue du crédit domestique au cours des dernières années, notamment la Bulgarie, la Roumanie et les pays baltes.

En moyenne simple, le crédit au secteur privé a augmenté d’environ 40 points de PIB entre décembre 2002 et septembre 2008, soit près de 7 points de PIB par an, mais avec des écarts très importants. Les pays baltes et la Bulgarie ont connu une véritable bulle de crédit avec des progressions supérieures à 50 points de PIB. Viennent ensuite la Hongrie et la Roumanie avec des progressions de 30 points de PIB. Dans le cas de la Hongrie, l’essentiel de la croissance a été réalisé entre 2002 et 2005 contrairement à la Roumanie où l’accélération est récente. En Pologne, République tchèque et Slovaquie, le développement du crédit a été plus modéré même s’il s’est accéléré au cours des trois dernières années. Les bulles de crédit dans les pays baltes, en Bulgarie et plus récemment en Roumanie ne se comparent pas loin s’en faut et heureusement avec la bulle islandaise qui a conduit à l’effondrement du système bancaire. Mais le retournement du cycle de crédit va être beaucoup plus violent que dans les autres pays (il l’est déjà dans les pays baltes).

Avec la crise des subprimes, les marchés accordent une plus grande attention à la répartition du crédit bancaire entre ménages et entreprises. De fait, comme aux Etats-Unis et dans la plupart des pays d’Europe de l’Ouest, la progression du crédit bancaire en Europe centrale a surtout reposé sur l’essor des prêts aux ménages(1). Fin 2007, ces derniers représentaient, suivant les pays, entre 40% et 60% du total des crédits. 

Toutefois, à l’exception de l’Estonie et de la Lettonie, les prêts hypothécaires ne dépassent pas un tiers du total des crédits et les ratios de solvabilité (service de la dette rapporté au revenu, dette rapportée à la valeur du bien immobilier) sont assez conservateurs.

En revanche, dans un contexte d’affaiblissement des devises par rapport à l’euro, la forte part des crédits en devises, vulnérabilité soulignée depuis plusieurs années notamment dans le cas hongrois, fait peser un risque important sur la solvabilité des ménages mais aussi et surtout des entreprises. Au sein des pays à régime de change flottant, la Hongrie et la Roumanie sont clairement dans ce cas. Par ailleurs, en Pologne, des entreprises ont eu recours à des produits structurés répondant à leurs anticipations d’appréciation du zloty. Le retournement de tendance les a donc prises au dépourvu, et les pertes liées à ces stratégies de hedging agressives représenteraient l’équivalent de 1,25 milliard d’euros.

Enfin, la prédominance des filiales ou succursales de banques étrangères, qui, avant la crise, était considérée comme un gage de solidité des systèmes bancaires locaux, est désormais vue comme une faiblesse. En effet, dans la quasi-totalité des pays, les banques locales ont eu recours à l’endettement et en particulier à l’endettement externe (au travers notamment des lignes interbancaires entre les maisons mères et leurs filiales) pour financer une activité de crédit qui se développait plus rapidement que la base des dépôts (cf. tableau 5).

Ainsi, à l’exception de la République tchèque, la position extérieure nette des banques est largement débitrice. Les systèmes bancaires les plus vulnérables à la réduction de lignes de financement interbancaires sont sans surprise ceux des pays baltes, de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Hongrie.

Mais, même en Pologne, où cette position est relativement faible, le secteur bancaire va faire face dans le courant de l’année 2009 à des tombées de dettes importantes.

Les autorités monétaires sont placées devant un dilemme classique

Alors que les économies de la région ralentissent fortement ou entrent en récession, les politiques monétaires ont commencé à s’assouplir. La République tchèque s’est engagée dans ce processus dès l’été 2008, la Pologne en novembre. Quant à la Hongrie, après avoir augmenté son principal taux directeur de 300 points de base fin octobre dans le contexte de la crise, elle a maintenant entamé à son tour un cycle de baisses. Il en va de même de la Roumanie depuis février, alors que les craintes de surchauffe étaient encore patentes fin 2008, au vu des chiffres du troisième trimestre et de la politique fiscale expansionniste menée par le gouvernement dans un contexte d’échéances électorales.

Pour autant, et bien que les tensions inflationnistes soient vraisemblablement appelées à se résorber dans les prochains mois, les marges dont disposent les pays de la zone en matière de baisse des taux sont fortement contraintes par la situation sur le marché des changes et la nécessité de maintenir l’attractivité de ces marchés pour les capitaux étrangers. De ce fait, les pays de la zone se montrent désireux d’intégrer au plus vite le mécanisme de change européen et l’Union économique et monétaire, dans l’espoir de réduire leur risque de change. Cette stratégie n’est pourtant pas sans soulever certaines questions, en particulier un passage à la monnaie unique à une parité trop forte pourrait pénaliser les nouveaux entrants pour de nombreuses années. Pour l’heure en tout cas, la forte volatilité des monnaies face à l’euro, ainsi d’ailleurs que la distance qui sépare encore certains de ces pays des critères de Maastricht, rend discutables les velléités, particulièrement manifestes ces derniers jours, d’entrée rapide dans la zone euro (même si ces critères semblent perdre aujourd’hui une partie de leur pertinence).

Les politiques budgétaires sont également contraintes

La possibilité d’un recours à des politiques budgétaires contracycliques est, elle aussi, limitée. Le rétrécissement de l’assiette fiscale ou l’infléchissement de sa dynamique rendent naturellement coûteuses les politiques expansionnistes. Il en va de même du poids croissant des dettes contingentes, liées notamment à une possible détérioration de la qualité des systèmes bancaires, Or la volonté de rejoindre l’euro exerce une contrainte sur l’évolution du déficit et de la dette publics à moyen terme. En outre, pour les pays qui font appel à lui, le FMI devrait se montrer soucieux du maintien des grands équilibres budgétaires.

Les situations des finances publiques dans les pays de la zone sont loin d’être homogènes : alors que la Hongrie par exemple a su réduire son déficit de 7,8% en 2005 à 3,3% en 2008, celui de la Roumanie est sensiblement plus élevé, atteignant 5,2% en 2008, en forte augmentation par rapport à l’année précédente.

D’une manière générale cependant, on peut s’attendre à une dégradation en 2009, en réponse aux évolutions conjoncturelles.

Des dérapages sont d’ailleurs possibles, en particulier en Roumanie. En outre, les équilibres politiques qui se sont noués dans plusieurs pays semblent souvent peu favorables à la mise en œuvre de réformes structurelles (gouvernement ne disposant pas d’une majorité au Parlement en Hongrie, cohabitation en Pologne, coalition ministérielle virtuellement instable en Roumanie, démission du gouvernement letton fin février qui eut mettre en péril le soutien du FMI). L’augmentation du risque sociopolitique pourrait d’ailleurs se traduire par des tensions dont la Lettonie a fourni quelques exemples en janvier.

Quoi qu’il en soit, les politiques budgétaires sont contraintes par le renchérissement de l’endettement public en cours depuis l’automne : la méfiance accrue des marchés à l’égard des émergents, parfois étayée par les downgrades auxquels ont procédé les agences de rating, a abouti à un écartement des spreads souverains et donc à un renchérissement du refinancement de la dette, particulièrement perceptible dans le cas de la Hongrie et la Lituanie.

Le devenir des pays de la zone suscite de manière croissante l’inquiétude des marchés depuis l’automne dernier. Au vu des fragilités de la zone, la question qui se pose est en effet celle d’un risque de double crise, affectant simultanément les balances des paiements et les systèmes bancaires. Par-delà les similitudes entre les pays, qui tous sont exposés au ralentissement de l’Europe de l’Ouest et connaissent une dégradation significative de leurs perspectives de croissance, il convient de faire des distinctions. Ainsi, dans les cas de la Pologne, de la République tchèque et de la Slovaquie, les déficits courants et l’endettement extérieur sont restés relativement sous contrôle, ce qui contribue à des perspectives plus favorables que pour les autres pays de la zone.

A l’inverse, la situation des baltes demeure très fragile après la crise qui a frappé la Lettonie et suscité l’intervention du FMI. Il en va de même pour la Hongrie et la Roumanie dont les ratios d’endettement extérieur sont élevés. De plus, la Roumanie fait face, après une période de surchauffe alimentée par des politiques budgétaires laxistes, à un brusque retournement conjoncturel qui fragilise l’ensemble de l’économie tout en ne permettant pas une réduction significative des déséquilibres courants. La Bulgarie se trouve dans une situation analogue en termes de rupture du cycle, de déficit et d’endettement extérieurs, mais bénéficie de la bonne tenue de ses finances publiques qui assure jusqu’à présent la crédibilité du régime de caisse d’émission.

NOTES

(1) Cf « Faut-il s’inquiéter de la forte progression du crédit en Europe centrale et orientale ? » – Conjoncture – Février 2007

Retrouvez les études économiques de BNP Paribas