L’inflation : un risque à considérer à moyen terme

par Grégoire Marière, Analyste Gérant Taux et Inflation et Multigestion chez OFI AM

Malgré de faibles niveaux historiques et un consensus global rejetant l’éventualité d’une forte hausse des prix, l’inflation reste selon nous un risque non négligeable à moyen terme.

L'inflation peut se définir par la perte du pouvoir d'achat de la monnaie, matérialisée par une augmentation généralisée et durable des prix. Ses causes peuvent être multiples (inflation par la monnaie, par la demande, par les coûts…) mais ses effets peuvent être dévastateurs en termes de pouvoir d’achat pour les consommateurs et d’érosion des performances pour les investisseurs.

Si la hausse des prix a été extrêmement limitée en Occident au cours de ces vingt dernières années, les changements structurels qui surviennent dans les marchés émergents, les politiques monétaires accommodantes et les excès de liquidité sont propices aux pressions inflationnistes à moyen terme. À cela, il faut encore ajouter la tentation que pourraient avoir les pays industrialisés à accepter un peu plus d’inflation que par le passé pour diminuer le fardeau de la dette.

Pour tenter de se prémunir au mieux des effets de l’inflation, plusieurs classes d’actifs font référence comme par exemple les actions, les matières premières, l’or ou encore l’immobilier. Les obligations indexées sur l’inflation semblent néanmoins présenter une bien meilleure protection et une moindre volatilité, particulièrement pour un investisseur obligataire. Les obligations indexées sur l’inflation se distinguent des obligations « classiques » (ou nominales) par le fait que les paiements qu’elles génèrent (généralement coupons et capital) soient indexés sur un indice d’inflation. Cette indexation procure une protection contre l’inflation jusqu’à maturité et une moindre volatilité par rapport aux obligations nominales. En contrepartie, l'investisseur accepte de bénéficier d'une rémunération moins élevée qu'avec une obligation à taux fixe.

Les emprunts indexés à l’inflation n’en restent pas moins des actifs obligataires, principalement sensibles à la variation des taux réels et aux anticipations d’inflation (inflation « point mort » ou « breakeven »).

Développé tout d’abord en Grande-Bretagne en 1981, et progressivement suivi par le Canada (1991), les États-Unis (1997), la France (1998) et l’Allemagne (2006), le marché des obligations indexées inflation représente aujourd’hui environ 2 000 Mds$. En zone Euro, les indices sont composés par les trois principaux États émetteurs que sont la France (52 %), l’Italie (34 %) et l’Allemagne (14 %).

Quel contexte pour les obligations indexées à l’inflation ?

Aujourd'hui, ce type d'obligation est valorisé sur la base d'une inflation nettement inférieure à celle que nous devrions enregistrer à l'avenir. Suite à sa forte baisse fin 2011, et malgré une hausse récente, les anticipations d’inflation à 10 ans reflètent en effet une progression des prix de seulement 1,9 % en France, 1,7 % en Allemagne et 2,2 % aux États-Unis, ce qui laisse entrevoir un net potentiel de revalorisation.

Pour les investisseurs qui sont convaincus d’une progression de l’inflation, les niveaux de valorisation actuels présentent donc des opportunités considérables comparés aux emprunts d’État nominaux dont les rendements sont à des niveaux « plancher » (1,8 % pour les 10 ans allemands et US au 31 janvier 2012).

Il est à noter, qu’en cas de retour de l'inflation, les Banques Centrales réagissent généralement en remontant le niveau de leurs taux d'intérêt afin de limiter l'emballement des prix. Même si les conséquences de ces tensions sont moins importantes sur les titres indexés que sur les obligations nominales, le risque de taux ne doit donc pas être négligé. De plus, face à la crise souveraine en zone Euro, la prise en compte du risque « pays » va rester primordiale.

Les titres indexés, tout comme les titres nominaux, sont donc sensibles aux variations de taux, et plus particulièrement aux taux réels (taux nominaux – inflation). Le fort mouvement de fuite vers la qualité constaté depuis plusieurs années a donc poussé les investisseurs vers les emprunts de qualité, entrainant les taux réels vers des plus bas et même vers des valeurs négatives !

Pour un investisseur en obligations indexées, la gestion dynamique du risque de taux est donc très importante.

Même si elles ne doivent pas être considérées comme un placement refuge à part entière, les obligations indexées sur l’inflation représentent donc un bon outil de diversification de portefeuille. Dans un environnement encore très incertain, et malgré une valorisation encore attrayante, une gestion dynamique reste primordiale puisque cette classe d’actifs présente néanmoins un risque de taux à ne pas négliger.

Univers d’investissement

Depuis le 12 juillet 2011, le groupe OFI propose un nouveau compartiment de la SICAV luxembourgeoise Single Select Platform dont la gestion est déléguée à armored Wolf. Ce fonds a pour stratégie principale d’investir majoritairement au sein des obligations indexées sur l’inflation de la zone Euro.

Armored Wolf est une société de gestion indépendante créée en 2008 par John Brynjolfsson, expert mondial des obligations indexées sur l’inflation. Pionnier sur cette classe d’actifs, il a passé 19 ans chez PIMCO à développer et gérer la stratégie Actifs Réels (80 Mds$ sous gestion).

SSP Armored Wolf Euro inflation a pour objectif de surper- former l’indice Barclays Euro Government Inflation Linked All Maturities. Cependant, une latitude de gestion suffisante a été donnée au gérant pour diversifier et allouer dynamiquement son portefeuille :

  • Face à des taux d’intérêt historiquement bas, la sensibilité obligataire du fonds pourra osciller entre 0 et 10. Le marché des obligations indexées sur l’inflation ayant une duration élevée, le risque de tension des taux dans l’environnement actuel reste important.
  • Une diversification à hauteur de 34 % maximum au sein des obligations indexées sur l’inflation hors zone Euro est autorisée, tout comme l’éventuelle gestion de l’exposi- tion aux devises qui en résulte.
  • Des investissements au sein des matières premières et de la dette émergente (respectivement 10 % maximum), tout en respectant une exposition globale de 90 % à minima aux titres « Investment Grade » (notation comprise entre AAA et BBB-).

Performances et positionnement

Dans un contexte de marché difficile, le fonds affiche depuis son lancement une surperformance de 92 pb face à son indice (+ 1,04 % vs + 0,12 % du 12 juillet 2011 au 31 janvier 2012). Au vu des incertitudes quant à la résolution de la crise souveraine de la zone Euro, la sélectivité en termes d’allocation pays reste prépondérante et a poussé Armored Wolf à rester absent des titres italiens jusqu’à fin octobre puis nettement prudent depuis.

Le portefeuille, positionné pour 75 % sur les titres indexés à l’inflation de la zone Euro, est en ligne avec l’indice sur les titres allemands et présente une légère sous-pondération sur les titres français et une forte sous-pondération pour les titres italiens. Ces derniers connaissent par ailleurs un fort rebond depuis le début de l’année mais au prix d’une volatilité extrême.

Les gérants restent positifs sur la dynamique présente aux États-Unis et l’expriment notamment par une diversification au sein des titres américains et un biais long sur la devise américaine :

  • Positionnement pour 16 % sur des titres indexés sur l’infla- tion américaine (TIPS) qui ont permis de générer une contribution positive à la performance depuis le début de l’année.
  • Position longue en dollars contre euros pour environ 6 % du portefeuille.

La gestion tactique du portefeuille s’est manifestée principalement par le biais de prises de positions sur les contrats futures obligataires (positions vendeuses sur le 30 ans américain [- 6,5 %] et sur le 10 ans allemand [- 16,5 %]) permettant de réduire la sensibilité du fonds d’environ 2,4 pour arriver à 8.

Ce positionnement permet de maintenir une sensibilité en ligne avec celle de l’indice (7,8) dans un environnement européen qui reste encore très incertain.

Par ailleurs, les gérants se sont positionnés pour 1,1 % en emprunts privés émergents ayant des activités liées aux matières premières.

SSP Armored Wolf Euro inflation, qui présente un encours de 83,5 M€, nous semble donc offrir un potentiel de performance et de diversification attrayant pour un investisseur obligataire dans l’environnement incertain que nous traversons.