La BCE doit s’inspirer de la Fed

La Banque centrale européenne (BCE) prend au sérieux le risque d’une déflation mais ses outils traditionnels semblent dépassés. Il est temps de s’inspirer de ce que font les banques centrales aux Etats-Unis et au Japon…
 
Alors que l’activité reste atone et que le taux d’inflation ne cesse de baisser (0,4% en août), le président de la BCE, Mario Draghi, a annoncé en juin un TLTRO (Targeted Longer Term Refinancing, Opérations de refinancement ciblées à long-terme) visant à fournir sur le long terme (quatre ans) aux banques des liquidités abondantes – jusqu’à 1.000 milliards d’euros – afin de prêter aux petites et moyennes entreprises (PME).
 
Pour la première émission, jeudi 18 novembre, 255 banques ont demandé « seulement » 82,6 milliards alors que le chiffre de 100 milliards était considéré comme une borne basse. Autant dire un échec majeur. Pourquoi ? Parce que les banques n’ont plus vraiment besoin de la BCE pour se refinancer et que, surtout, il n’y a pas de forte demande de prêts de la part des PME, qui hésitent à investir face à l’incertitude.
 
« Il faut attendre un peu pour savoir si le LTRO est suffisant. Si les banques ne demandent pas plus c’est parce qu’il n’y a pas de demande (de prêts de la part des entreprises) », résume Jean-Marie Mercadal, Directeur général délégué d’OFI Asset Management en charge des gestions.
 
D’autres professionnels des marchés jugent que la question d’un vrai assouplissement monétaire quantitatif – Quantitative Easing –, prévoyant le rachat des obligations d’Etat comme c’est le cas aux Etats-Unis et au Japon, se pose dès à présent pour la BCE.
 
C’est le souhait de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) en dépit de l’hostilité de l’Allemagne à toute intervention de la BCE sur la dette publique des Etats membres. « Il faut en finir avec cette perception, qui est que la politique monétaire en zone euro, c’est toujours trop tard et trop peu », a jugé Rintaro Tamaki, chef économiste de l’OCDE.
 
Pour Patrick Moonen, Stratégiste senior chez ING IM, l’échec du 18 septembre démontre « la faiblesse du LTRO, dans lequel ce sont les banques qui décident, par rapport au Quantitative Easing, dans lequel c’est la banque centrale qui décide. »
 
Le rachat d’obligations d’Etat dans le cadre « QE » soulagerait à la marge les pays européens car les taux d’intérêt convergent à la baisse depuis plusieurs mois, y compris dans les Etats périphériques. Cela aurait surtout pour effet de gonfler le bilan de la BCE et, probablement, de faire baisser l’euro contre les autres grandes devises. En renchérissant les prix des biens importés, cela pourrait ainsi faire repartir l’inflation. 
 
Comme le constate Philippe Weber, responsable des études et de la stratégie chez CPR Asset Management, le discours sur l’inflation a changé car la crainte principale est aujourd’hui la déflation. Au point que certains économistes, y compris ceux du FMI, recommandent un objectif d’inflation plus élevé, par exemple 4%. La BCE se fixe pour sa part « un taux inférieur mais proche de 2% ».
 
Reste à savoir comment convaincre l’Allemagne, toujours obsédée par l’inflation et surtout soucieuse de ne pas donner un chèque en blanc à des gouvernements européens n’ayant aucune envie de procéder à des réformes.
 
De ce point de vue, la responsabilité de la France est écrasante. Contrairement à l’Italie, à l’Espagne, au Portugal, à l’Irlande et même à la Grèce, les différents gouvernements français depuis cinq ans n’ont engagé aucune politique sérieuse de réduction des déficits publics. La situation s’est aggravée en 2012 avec un président de la République, François Hollande, persuadé que la croissance reviendrait comme par enchantement et éviterait des mesures douloureuses pour ses électeurs. 
 
Mais les augmentations massives d’impôts ont découragé l’initiative privée sans mettre un terme aux dérives budgétaires, le gouvernement se montrant incapable de tailler dans les dépenses. La France vient de demander pour la troisième fois un nouveau délai pour essayer de tenir ses objectifs en matière de réduction des déficits publics. Et on peut penser qu’elle sollicitera de nouveau, d’ici 2017, l’indulgence de ses partenaires.
 
Il y a aujourd’hui une impasse à cause de la France : la zone euro a besoin d’une BCE encore plus accommodante mais l’Allemagne ne peut pas accepter que son grand partenaire européen refuse perpétuellement les réformes structurelles nécessaires.