La bourse, les arbres et le ciel

Dans le sillage des marchés américains et japonais, les indices boursiers européens ne cessent de monter depuis quelques semaines alors que la récession s’installe. Le mouvement haussier peut-il continuer ? D’une part, les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. D’autre part, les fondamentaux de la zone euro demeurent inquiétants.

 
L'indice Stoxx Europe 600 dividendes réinvestis vient d’enregistrer une onzième hausse mensuelle consécutive. A la clôture du 17 mai, l’Euro Stoxx 50 affiche un gain de 6,9% depuis le début de l’année, le CAC 40 français de 9,9%, le Dax allemand de 10,3%, le FTSE britannique de 14%. Il en est de même des bourses des pays du Sud de l’Europe : le MIB italien (+8,2%) et l’Ibex espagnol (+5,1%) par exemple.
 
C’est encore loin des indices américains. En Europe, seuls le Dax et le FTSE sont au-dessus de leur niveau de la fin de l’année 2007. Aux Etats-Unis, le Dow Jones est en hausse de 15,8% par rapport à cette date, le Nasdaq de 31,9% et le S&P 500 de 13,6%.
 
Au Japon, le Nikkei gagne 45,6% depuis le début de l’année et vient de dépasser aussi son niveau de fin 2007.
 
Les Etats-Unis et le Japon ont décidé de tout faire pour relancer l’activité économique. Cela passe notamment par une baisse de la monnaie, le yen ayant perdu plus de 30% de sa valeur face au dollar et à l’euro ces derniers mois. Un tel mouvement a un impact considérable sur les entreprises exportatrices et ce n’est donc pas surprenant que les grandes entreprises multinationales dans ces pays sont privilégiées par les investisseurs.
 
Rien de tel en Europe. La Banque centrale européenne (BCE) a bien baissé d’un quart de point à 0,5% son principal taux directeur, le refi. Cette mesure peut-elle suffire à favoriser la distribution de crédit alors que la zone euro est en récession ? Pas évident. Tous les indicateurs (directeurs d’achat, chômage, production industrielle, etc.) sont orientés à la baisse. Point positif, l’inflation est sous contrôle.
 
« Le paradoxe de la situation, c'est que les marchés se sont convaincus qu'avec une inflation maîtrisée, la Banque centrale européenne ne pouvait faire autrement que baisser son taux directeur pour relancer la croissance. Il n'en fallait pas moins pour ramener les indices en territoire positif sur la dernière quinzaine du mois », expliquent dans une note récente les spécialistes de la société de gestion Financière de l’Oxer.
 
La combinaison d’une politique monétaire accommodante et le moindre accent mis sur l’austérité (l’Espagne et la France ont obtenu d’un délai pour assainir leurs finances publiques) ne pouvait que soutenir les indices boursiers.
 
Mais comme le soulignait mi-mai à Paris Patrick Moonen, Senior Strategist d’ING Investment Management, le rally boursier européen a surtout favorisé des secteurs comme la pharmacie et l’alimentation. Car les dividendes sont toujours là et le taux de distribution peut encore monter. « C’est ce qui explique pourquoi les valeurs défensives ont fait mieux que les valeurs cycliques, qui généralement profitent le plus d’un rally boursier ».
 
La hausse peut-elle se poursuivre ? Pour Patrick Moonen, l’évolution sera franchement positive quand il y aura une rotation des souscriptions des obligations vers les actions. Or, ce n’est le cas. Depuis le début de l’année, plus de 100 milliards de dollars nets ont été placés sur les actions dans le monde mais dans le même temps les obligations ont attiré 50 milliards. Les placements monétaires ont subi une décollecte de quelque 100 milliards.
 
Selon Patrick Moonen, « pour qu’il y ait rotation vers les actions, il faut attendre que les investisseurs prennent leurs pertes sur les obligations. Pour cela, il faut que les données macro-économiques s’améliorent et il faut que les risques systémiques et politiques diminuent ».
 
Pour le moment, on n’entrevoit pas un retournement de la situation économique en Europe. Et les investisseurs vont s’apercevoir rapidement que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel.