La hausse de la volatilité ne devrait pas péjorer un rebond

par Christophe Donay, 
Responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéconomique Chef stratège chez Pictet

Après une longue période de volatilité relativement faible sur les marchés actions, la tendance s’est fortement inversée cette année. Comme le montre le graphique ci-contre, l’indice Vix, largement utilisé pour mesurer la volatilité des marchés actions, a connu un régime de risque systémique pendant quinze jours cette année, contre seulement deux en 2014, et aucun en 2013. La durée du régime de volatilité de cette année n’est pas extrême en comparaison historique, mais elle représente un changement marqué comparé aux conditions de volatilité modérée prévalant les deux années précédentes. Comment expliquer ce changement?

La hausse de la volatilité des marchés s’explique en partie par le manque de visibilité sur la croissance économique et sur les bénéfices. Toutefois, les politiques monétaires divergentes et incertaines des banques centrales constituent un autre facteur important.

Les banques centrales sont en fait enclines à limiter la volatilité des marchés, afin de préserver l’effet de richesse créé par l’assouplissement quantitatif, et de maintenir à des niveaux planchers les coûts de financement, le tout pour soutenir la reprise économique. C’est pourquoi elles ont laissé les taux d’intérêt à des niveaux extrêmement bas pendant une période inhabituellement longue après la crise de 2008-2009, et développé des guidages des anticipations (forward guidance) afin de «télégraphier» leurs intentions aux marchés. Cet état de fait sous-tend également l’émergence implicite d’un nouveau style de politique monétaire: le ciblage asymétrique des prix des actifs, qui cherche à imposer un plancher pour les prix des actifs, comme nous l’avons déjà expliqué1.Toutefois, l’ambition des banques centrales de limiter la volatilité des marchés est actuellement bridée, car leurs politiques manquent de coordination, tout en étant de plus en plus incertaines.

Tout d’abord, les politiques des banques centrales sont toujours désynchronisées. La Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque d’Angleterre (BoE) ont mis fin à leur assouplissement quantitatif et sont prêtes à augmenter les taux d’intérêt. En revanche, la Banque du Japon (BoJ) et la Banque centrale européenne (BCE) poursuivent leur politique d’assouplissement quantitatif et sont susceptibles de les prolonger en raison d’une inflation faible et d’une croissance économique atone. La banque centrale chinoise (PBoC) assouplit également sa politique monétaire à travers des outils différents de ceux utilisés par la BoJ et la BCE. Enfin, les banques centrales des marchés émergents sont prises entre deux feux: le besoin de réduire les taux d’intérêt pour contrecarrer la faiblesse de la croissance économique et la nécessité de les augmenter pour réduire les fuites de capitaux à l’approche du premier relèvement de taux de la Fed.

Deuxièmement, les intentions des banques centrales restent floues. Ceci est en partie dû à un manque de visibilité, qui complique leurs prises de décisions. Les tentatives de la Fed, en septembre, de continuer à suggérer une hausse de taux en 2015, tout en ne les augmentant pas, en sont l’exemple. Le doute a de nouveau été instillé, deux semaines plus tard, par des statistiques décevantes de l’emploi. Par ailleurs, l’économie mondiale étant faible, les banques centrales doivent toujours davantage tenir compte, dans leurs prises de décisions, des conditions économiques exogènes, sur lesquelles elles n’ont aucun contrôle. La Fed, encore une fois, en est un bon exemple. Elle a reporté en septembre son relèvement de taux pour cause, en partie, d’inquiétudes quant à l’impact d’un ralentissement en Chine. Ceci accroît toutefois les incertitudes du marché quant à la politique de la Fed.

Résultat, confusion sur les marchés et volatilité exacerbée, et cette situation est peu susceptible de changer à court terme. Les politiques des banques centrales resteront désynchronisées, car la BCE et la BoJ se situent encore à une étape relativement précoce de leur assouplissement quantitatif. Elles devraient donc attendre encore quelques années avant de suivre la Fed et la BoE, en resserrant leur politique monétaire. Le manque de visibilité économique devrait également perdurer. En particulier, la transition économique ralentie en Chine est loin d’être terminée, et il faudra du temps à son économie pour se stabiliser sur une trajectoire plus stable. Le pays restera donc une source d’instabilité pour l’économie mondiale, même si les données conjoncturelles chinoises du quatrième trimestre apaisent les craintes immédiates d’un effondrement économique.

Ainsi, d’un côté, les banques centrales soutiennent globalement les marchés, étayant un scénario de hausse des actions. Mais, de l’autre, malgré leur bonne volonté, la désynchronisation des politiques des banques centrales et les incertitudes quant à l’évolution de ces dernières sont synonymes du maintien d’une volatilité forte. Cette analyse confirme notre positionnement surpondéré en actions des marchés développés. Mais il requiert une diversification solide, afin de réduire l’impact de la volatilité sur les portefeuilles. Nous visons cet objectif à travers des bons du Trésor américains et des titres assimilés à des actions, mais décorrélés de ces dernières.

NOTE

  1. Voir Perspectives, juin 2015, «Thème du mois – Un nouveau style de politique monétaire et ses conséquences»; ainsi que le Financial Times, 19 août 2015, «Overvalued Equities Can Keep Rising».