La reprise de l’immobilier dans la zone euro est plus rapide que prévu

par Michel Martinez, responsable adjoint de la stratégie chez Amundi AM

En zone euro, la baisse des prix immobiliers s’est probablement interrompue au premier semestre 2010. Elle aura été de courte durée, à peine dix huit mois. La persistance de taux d’intérêt hypothécaires historiquement faibles laisse présager que cette reprise devrait se poursuivre, à l’exception cependant des pays les plus durement touchés par la bulle du crédit (Espagne, Irlande). Etant donné que la croissance économique reste faible et le chômage élevé, ces hausses devraient rester modérées. Nul doute cependant que la Banque Centrale Européenne surveillera avec attention ces évolutions : le pire scénario serait que la faiblesse des taux d’intérêt donne naissance à des bulles immobilières dans les pays jusqu’ici relativement épargnés.

La baisse des prix s’est interrompue

En zone euro, la baisse des prix immobiliers s’est probablement interrompue au premier semestre 2010. Après dix ans de hausse, la baisse des prix aura été de courte durée, dix huit mois entre juin 2008 et fin 2009, ce qui est faible en comparaison des crises immobilières passées. Dans les années 1990, la baisse des prix avait duré près de 4 ans.

Les disparités sont fortes au sein de la zone euro. On distingue notamment les pays où les prix immobiliers avaient le plus grimpé avant la crise, où l’éclatement de la bulle immobilière s’est montré violent tant en termes de prix que d’activité (transactions, mises en chantier) : Espagne, Irlande voire Pays-Bas. Dans ces pays, les prix de l’immobilier continuent de baisser et deviennent plus accessibles. Mais le stock de logements vacants reste élevé et il faudra probablement plusieurs années avant que les ménages finissent de restaurer leur bilan et demandent de nouveaux prêts hypothécaires. Dans le reste de la zone euro, les prix immobiliers sont repartis à la hausse sur des rythmes compris entre 5 et 10% l’an. A noter qu’en Grèce, où les ménages sont durement touchés par le durcissement budgétaire mais peu endettés, les prix immobiliers progressaient de 10% sur un an en juin dernier.

En France, la hausse des prix immobiliers était de 6% sur un an en juin, en retrait de 3,8% par rapport aux plus hauts de juin 2008. Selon les notaires, les prix battaient à nouveau leurs records de 2008 à Paris en juillet (+11% sur un an).

Vers des hausses de prix modérées

Les taux d’intérêt hypothécaires sont tombés à 3,6% en moyenne pour l’ensemble de la zone euro. Si l’on devait reconstituer une série depuis la seconde guerre mondiale, ce serait probablement un plus bas historique. On comprend dès lors que le crédit immobilier accélère à nouveau (+6% l’an sur trois mois en août). Par ailleurs, l’investissement immobilier revêt un statut de valeur refuge, qui joue à plein dans le contexte actuel. Jusqu’ici, cette reprise du crédit immobilier se traduit par une hausse des transactions, mais les mises en chantiers restent à des niveaux faibles et n’augmentent guère. Or, historiquement, les booms des prix immobiliers ne s’observent que de façon concomitante à une forte hausse de l’activité en construction.

D’une manière générale, plusieurs facteurs plaident pour une hausse modérée des prix immobiliers :

  1. le chômage reste élevé (10,1%) et la dynamique des revenus est à l’image de la conjoncture économique : molle. Ainsi, entre 2009 et 2011, la croissance du revenu disponible des ménages dépassera à peine 2,5% en cumulé.
  2. dans de nombreux pays, France en tête, le durcissement budgétaire se traduit par une réduction des avantages fiscaux à l’acquisition de logements.
  3. les indicateurs patrimoniaux de l’immobilier (indépendamment de son statut de « valeur refuge »), comme les ratios de prix/revenu disponible, de prix/loyers (ou taux de rendement) sont restés défavorables. Le ratio prix/revenu reste proche de ses plus hauts après la hausse récente des prix. Et les taux de rendement restent faibles car les loyers avaient peu progressé dans la période précédent la crise. Selon IPD (Investment Property Databank)), ils étaient inférieurs à 2% l’an fin 2009 dans la plupart des grands pays de la zone euro, à l’exception de l’Allemagne (5%). Dit autrement, les prix restent encore significativement surévalués.

En moyenne en zone euro comme en France, la hausse des prix immobiliers devrait rester modérée en 2011, même si certains investissements sélectifs pourront s’avérer très profitables.

La BCE attentive

Selon nous, les évolutions économiques actuelles ne sont pas de nature à conduire à des hausses des taux directeurs d’ici fin 2011. A moins d’une nouvelle envolée des matières premières, l’inflation devrait rester significativement en dessous de 2% à moyen terme. Toutefois, la hausse récente des prix immobiliers, plus rapide que prévu, rappelle qu’il existe un risque de formation d’une bulle du crédit dans certains pays (où l’endettement des ménages est déjà élevé). Nul doute qu’une nouvelle accélération des prix immobiliers offrirait des arguments aux partisans au sein de la BCE de la normalisation rapide de la politique monétaire.