Législatives aux Pays-Bas : l’embarras du choix

par Raymond Van der Putten, Economiste chez BNP Paribas

Le 15 mars prochain, les Néerlandais se rendront aux urnes pour élire les 150 membres de la Chambre basse du Parlement.

Les principaux thèmes de la campagne électorale sont l’immigration, l’âge de départ à la retraite, les dépenses de santé, l’éducation et l’Europe.

Le VVD (libéral-conservateur) pourrait de nouveau arriver en tête. Au vu des sondages, le gouvernement sera probablement issu d’une coalition de centre-droit entre le VVD, les chrétiens-démocrates (CDA et CU) et les sociaux- libéraux (D66).

Une telle coalition aura certainement pour objectif l’équilibre du budget sur la durée du cycle et, concernant les politiques européennes, la stricte application du Pacte de stabilité et de croissance.

Le 15 mars prochain, les Néerlandais seront appelés aux urnes pour élire les 150 députés de la deuxième chambre du Parlement (ou Chambre basse). Le système électoral est celui de la représentation proportionnelle. Tous les partis soumettent à l’électorat une liste de candidats ; les sièges sont attribués au prorata des voix obtenues. Le seuil électoral est calculé en divisant le total des suffrages exprimés par le nombre de sièges à pourvoir.

Le pays est divisé en vingt circonscriptions. Pour participer au scrutin, les partis qui ne sont pas déjà représentés au Parlement doivent déposer une caution de EUR 11 250, qui sera remboursée si la liste recueille au moins 75 % du seuil électoral. De plus, les nouveaux partis doivent obtenir au minimum trente déclarations de soutien dans chaque circonscription où ils présentent une liste (dix dans celle de Bonaire). Les partis en lice, lors du scrutin de 2017, seront au nombre de vingt-huit, un nouveau record. Cependant, d’après les sondages moins de quinze remporteront au moins un siège.

La reprise économique n’a pas bénéficié à tout le monde

Aux Pays-Bas, où aucun parti n’a jamais obtenu de majorité au Parlement, tout est affaire de coalition. L’actuel gouvernement est ainsi issu d’une alliance peu commune entre les libéraux-conservateurs (VVD) et le parti travailliste (PvdA), deux formations qui se situent de part et d’autre de l’échiquier politique. Ce gouvernement de coalition n’en a pas moins réussi à redresser l’économie. En 2016, le PIB a dépassé de 3,5 % le point culminant atteint en 2008. L’emploi est de nouveau en hausse et le taux de chômage a reculé à 5,3 % en janvier. Le chômage reste, néanmoins, plus élevé qu’avant la crise. De plus, la qualité de l’emploi se dégrade. Un salarié sur cinq environ est employé sous contrat à durée déterminée. Enfin, sous l’effet des politiques d’austérité, de nombreuses catégories de population s’estiment lésées. Par ailleurs, le pouvoir d’achat moyen n’a pas progressé depuis la crise financière.

Des programmes ambitieux

Avant la tenue des élections, les principaux partis ont pour coutume de demander à un organisme public indépendant, le Bureau central du Plan (CPB), d’évaluer l’impact économique de leur programme électoral afin de se prémunir contre des promesses irréalistes. Cette fois, le PVV (extrême droite) et 50Plus (les plus de 50 ans) sont les seuls grands partis à s’être soustraits à l’exercice. Le Bureau du plan pour l’environnement (PBL) a, pour sa part, analysé l’impact sur l’environnement de certaines plates-formes électorales.

Ces analyses montrent les différences considérables existant entre les programmes des divers partis. Le programme du VVD est celui qui réussit le mieux à préserver la pérennité des finances publiques et la croissance de l’emploi. Il risque, cependant, d’aggraver les inégalités de revenus. En revanche, le programme du parti socialiste (SP, gauche radicale) contribuerait dans une large mesure à combler les inégalités de revenus, mais au détriment de l’emploi en raison de la hausse des coûts de main-d’œuvre. Comme on pouvait s’y attendre, la Gauche Verte (GL) est la formation la mieux placée concernant l’impact sur l’environnement. Mais la hausse des taxes environnementales, une recette bienvenue pour les finances publiques, pourrait être moins bien accueillie par les automobilistes. Le parti préconise, en effet, d’augmenter de près de 30 % l’utilisation des transports publics et de diminuer de 20 % le kilométrage parcouru. Les conclusions de ces organismes ont pour effet de stimuler le débat mais leur impact sur les résultats du vote reste limité.

Les principaux thèmes de campagne sont les suivants :

– Réfugiés, immigration et intégration

Sans surprise, le PVV est celui qui se montre le plus véhément sur ces questions. Le parti souhaite en effet rejeter les demandes d’asile et mettre un terme à l’immigration en provenance de pays musulmans. Les autres partis veulent continuer à proposer le statut de réfugié aux demandeurs d’asile, mais certains d’entre eux sont favorables à un durcissement des règles. Une meilleure intégration des immigrés fait aussi partie de leurs propositions.

– Remise en question de certaines mesures prises par le gouvernement sortant

Les politiques d’austérité de l’actuel gouvernement n’ont pas toujours été bien accueillies. Les partis, actuellement dans l’opposition, souhaiteraient en particulier revenir sur certaines d’entre elles. Mais l’analyse du CPB montre que l’annulation de ces mesures pourrait se révéler assez coûteuse.

Ce serait notamment le cas du rétablissement de l’âge de départ à la retraite à 65 ans (précédemment porté à 67 ans) qui est inscrit au programme du PVV, de 50Plus et du SP. Selon les estimations du CPB, les coûts structurels d’une telle mesure pour le régime général s’élèveraient à EUR 12 mds (soit 2 % du PIB). Et ce chiffre ne tient pas compte de l’impact sur les régimes complémentaires. La présentation des calculs du CPB, lors d’un débat télévisé, s’est soldée par un net repli des intentions de vote en faveur de 50Plus.

Le PVV et les partis de gauche (PvdA, SP et GL) veulent abolir la participation financière des patients dans le secteur de la santé au motif que nombre de personnes renoncent à se faire soigner en raison du coût. Les autres formations défendent un maintien de cette participation financière et craignent qu’autrement les dépenses de santé n’échappent à tout contrôle. Le CPB estime, quant à lui, que les coûts pourraient s’élever à EUR 4,5 mds.

Enfin, le PVV, 50Plus, le SP, et les partis chrétiens démocrates (CDA et CU) préconisent le remplacement du système de prêts étudiants par des bourses pour ceux inscrits en premier cycle universitaire. Les sociaux-libéraux (D66) proposent un accroissement des dépenses de EUR 4 mds en faveur de l’éducation, soit plus qu’aucun autre parti, mais avec affectation de ces ressources à l’amélioration de la qualité de l’enseignement.

– Europe

Le PVV est le parti le plus eurosceptique. Il fait campagne en faveur d’une sortie de l’Union européenne. A gauche, le SP, également hostile à l’UE, demande une renégociation du Traité européen allant dans le sens d’une réduction des pouvoirs accordés à Bruxelles.

Les autres partis sont pour le maintien dans l’UE, mais avec une plus large application du principe de subsidiarité pour bon nombre d’entre eux, et le strict respect des accords antérieurs comme le Pacte de stabilité et de croissance. Par ailleurs, la plupart des formations estiment que la réduction des risques dans le secteur bancaire européen doit être un préalable à l’Union bancaire et au système de garantie des dépôts.

Le VVD, le CDA et D66 sont favorables au récent accord de libre- échange conclu avec le Canada (AECG). Le PvdA, le SP et GL y sont, pour leur part, opposés. Même lorsqu’il aura été approuvé par le parlement néerlandais, le traité pourra toujours être rejeté, ses détracteurs étant en droit de demander, pour ce faire, la tenue d’un référendum.

Que se passera-t-il après les élections ?

Selon les derniers sondages, treize partis environ pourraient entrer au Parlement, certains d’entre eux avec quelques sièges seulement. Une situation qui n’a rien d’exceptionnel. Le Parlement sortant compte aussi treize formations plus quatre membres indépendants. La coalition va probablement perdre sa majorité. Selon les derniers sondages, elle n’obtiendrait que 37 sièges sur 150. Le PvdA se dirige vers une défaite cuisante avec la perte des deux tiers de ses sièges. Le VVD devrait rester le principal parti, suivi du PVV.

Après le scrutin, le nouveau Parlement se réunira pour débattre du résultat des élections et de la formation du nouveau gouvernement. Il confiera probablement à un membre du principal parti une mission exploratoire en vue de constituer une éventuelle coalition. Après avoir consulté toutes les formations, la personne ainsi missionnée rendra compte au Parlement, ce qui marquera le coup d’envoi des négociations entre les leaders de la coalition envisagée. Au vu des sondages, l’issue la plus probable serait un gouvernement constitué de représentants du VVD, du CDA, de la CU et de D66.

La formation d’un nouveau gouvernement peut prendre du temps (les tractations les plus longues ont duré 208 jours). Des compromis devant être trouvés, on aboutit souvent, si ce n’est toujours, à une solution politique médiane. Le changement de gouvernement ne devrait guère avoir de conséquences sur la politique budgétaire. Les partis sont, pour la plupart, favorables à un équilibre du budget sur la durée du cycle et au maintien du cadre fiscal actuel, selon lequel les partenaires de la coalition doivent convenir des plafonds de dépenses au début du mandat du nouveau gouvernement.

On pourrait néanmoins assister à une accentuation des politiques mises en œuvre. Même si le PVV a peu de chances d’entrer au gouvernement, la progression des voix recueillies par ce parti pourrait amener la nouvelle coalition à durcir ses positions sur l’immigration et à adopter une position plus critique vis-à-vis de Bruxelles. Concernant l’euro, la nouvelle coalition va probablement s’en tenir à la stricte application du Pacte de stabilité et de croissance pour tous les pays de la zone euro. On peut également s’attendre à ce que les mesures en faveur des seniors occupent une place plus importante. En réponse à la montée de 50Plus dans les sondages, d’autres partis politiques ont d’ores et déjà annoncé un accroissement de la prise en charge des soins de longue durée et du financement des maisons de retraite.

Pendant la durée des négociations, le gouvernement en exercice demeurera en place pour expédier les affaires courantes et préparer les budgets, mais il ne devrait pas adopter de nouveaux textes de loi.

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