Le « sweet spot » actuel pourrait se prolonger

par Jean-Marie Mercadal, Directeur Général Adjoint en charge des gestions d’OFI Asset Management

L’aversion au risque a continué à baisser, matérialisée notamment par la volatilité cotée qui se situe à son plus bas niveau depuis deux ans.

Les Banques Centrales et les gouvernements ont réussi : la reprise est réelle et synchronisée internationalement. La probabilité d’une croissance mondiale 2010 sensiblement supérieure au taux de 3,1% estimé par le FMI s’accroît. Le consensus est plutôt actuellement de 3,5%, avec 3% au moins pour les États-Unis, 1,6% au Japon. Cette croissance sera principalement tirée par le monde émergent où la croissance est attendue avec le soutien des plans de relance et la modération du prix du baril.

Paradoxalement, la reprise rapide de l’économie remet de la pression sur les Banques Centrales. Désormais, il va falloir doser la sortie de crise, sans provoquer de bulle ni de krach.

Politiques Monétaires : vers un processus de normalisation « en douceur » et en 3 étapes

Dans un premier temps, une préparation des marchés à un changement dans la politique de refinancement des Banques. Cette phase sera suivie – à notre avis pas avant 6 mois – par un passage à l’acte : les prises en pensions sans limite seront progressivement réduites. Ce changement se fera, selon nous, très progressivement car le système profite à la fois aux banques (elles bénéficient d’un financement très avantageux) et à l’État qui trouve ainsi des investisseurs face aux montants de plus en plus importants de dettes émises. Ces opérations bénéficient directement à l’État Fédéral dont le montant des émissions va exploser. Enfin, dans un troisième temps, les taux seront relevés, mais nous ne l’attendons pas cette année. De même, nous estimons que les efforts budgétaires vont se poursuivre en 2010 : les plans de relance sont dépensés à seulement 54% en moyenne de par le monde et seulement à 35% aux États-Unis. Nous pensons que la BCE suivra la même voie.

Taux d’intérêt : chercher « de la pente» et du rendement

En conséquence, nous anticipons une poursuite des tendances récentes sur les obligations. Du fait de la courbe des taux très pentue de part et d’autre de l’Atlantique, les émissions gouvernementales trouveront encore de la demande dans les prochains mois. Les rendements gouvernementaux à long terme vont se stabiliser autour des niveaux actuels, soit dans une marge de 3,5/4% sur les titres à 10 ans. Par ailleurs, nous pensons que la partie courte de la courbe des taux (1/3 ans) présente un ratio performance/risque très intéressant relativement à un placement monétaire.

Concernant les obligations d’entreprise, il est probable que les « spreads » actuels se stabilisent et n’atteignent pas les faibles niveaux des années 2006/2007. Elles sont cependant intéressantes pour leur portage positif, ce qui donne des rendements de l’ordre de 4 à 5% pour des titres « Investment Grade » et de 7 à 9% pour le segment « High Yield », pour des maturités de 4 à 7 ans.

Une certaine volatilité sur les obligations gouvernementales de la zone Euro pourrait s’instaurer, mais nous ne croyons pas à une crise telle qu’un pays sorte de l’union monétaire. Enfin, les obligations émergentes bénéficient dans l’ensemble de bons fondamentaux et nous paraissent également attractives pour leur rendement relatif.

Nous conservons une vue positive sur les obligations convertibles qui présentent actuellement beaucoup d’avantages. Le gisement s’est élargi avec de nombreuses émissions : plus de 35 milliards en Europe et près de 85 milliards dans le monde. Les coupons ont monté et les primes de conversion ont baissé dans l’ensemble à près de 25% contre plus de 30% historiquement. Par ailleurs, la volatilité implicite inscrite dans les cours des options attachées est très faible actuellement et le delta de l’univers est proche de 45. Il s’agit aujourd’hui d’une classe d’actifs présentant l’un des meilleurs «mix » potentiels performance/risque. 

Actions : rotation sectorielle et M&A

Notre équipe actions s’est livrée à une étude très intéressante sur la valorisation des marchés. Il en ressort trois points majeurs :

  • Les études de valorisations des grands indices sur des critères de prix/valeurs d’actifs et de primes de risque ajustés sur 5 ans font apparaître que les marchés sont désormais à leur « fair value ». De même, les PER normalisés sont revenus à leur moyenne de long terme (voir graphique). Il n’y a donc pas de sous-évaluation manifeste, ce qui signifie que la performance globale des marchés ne bénéficiera pas d’un «effet de rattrapage» comme constaté depuis 6 mois. On peut donc s’attendre pour l’ensemble de l’année à des progressions plus modérées, mais le mouvement de hausse va probablement se poursuivre : les flux positifs s’enclenchent à peine et le marché reste dans l’ensemble soutenu par des dividendes élevés, ce qui est favorable dans un environnement de faibles taux d’intérêt. 
  • En revanche, il existe de grandes divergences de valorisations entre les secteurs: les grandes valeurs «défensives» offrent aujourd’hui un potentiel de revalorisation par rapport à l’ensemble du marché. Il faut donc privilégier, à notre avis, les entreprises de qualité présentant une bonne visibilité sur leur activité et une régularité des chiffres d’affaires et des profits. Les secteurs les plus riches en valeurs de ce type sont la santé, les télécoms, la distribution et, dans une moindre mesure, les grandes valeurs pétrolières.
  • Le thème des M&A continuera à animer le marché. En conséquence, il convient donc de privilégier le thème de la croissance (sous diverses formes) plutôt que celui de la «sous-évaluation/rattrapage/cyclique». Sur le plan géographique, notre comité n’a pas émis de préférence nette et nous continuons à penser qu’il faut privilégier les grandes capitalisations sensibles à la croissance mondiale, aux États-Unis, en Europe et même au Japon. Pour ce qui est des marchés émergents, les performances récentes illustrent un marché probablement « over-extended » à court terme, mais les fondamentaux sont solides. 

Enfin, notre comité n’a pas émis de préférence nette sur les devises. L’euro est certes cher contre la majorité des grandes devises comparables et pourrait être mis à l’épreuve par la dégradation de la notation de quelques dettes souveraines.

Mais le timing ne semble pas encore propice à une franche diversification. Le dollar fait l’objet d’une défiance vis-à-vis de son rôle de monnaie de réserve et continue à être victime de carry trade.