Le retour en grâce des sophistes

par Cyrille Geneslay, gérant allocataire chez CPR AM

Dans la Grèce antique, des hommes prestigieux arpentaient les routes pour dispenser leur savoir et partager leur sagesse. Leur but était simple : « former les grands talents de demain » ! Cet ambitieux projet dont la punchline ferait pâlir d’envie n’importe quel communiquant avait un prix, le prix de la connaissance.

Et on peut dire qu’à l’époque la connaissance coûtait cher, très cher. C’est donc loin de la vie d’ascèse ou d’une existence basée sur le renoncement, que nos sophistes, prospéraient monnayant à prix d’or leurs enseignements. Parmi ce groupe hétéroclite de professeurs d’éloquence, Gorgias fut sans doute le maître incontesté de la rhétorique.

Ennemi naturel de la philosophie socratique, Gorgias ne voyait, dans la rhétorique, que l’efficacité persuasive laissant de côté la justice, l’éthique ou même la vérité, qu’il considérait comme toute relative. « La puissance du discours » provient, nous expliquait le Sicilien, du fait que « les gens n’ont pas la mémoire du passé, ni la vision du présent et encore moins la divination de l’avenir ». Ces théories, qui pourraient paraître désuètes à l’air d’internet, ont pourtant été largement reprises par Donald Trump et son équipe.

Ainsi la réalité alternative affichée pour masquer l’absence pathologique de véracité des déclarations de l’équipe dirigeante pourrait être une forme nouvelle de sophisme politique.

Ce positionnement politique délicat pourrait entraîner un surcroît de tension nationale et internationale. C’est en tout cas ce qu’anticipe l’un de nos scénarios de risque. Dans ce scénario, l’ensemble des marchés actions baisseraient fortement. Parallèlement le nouveau président pourrait exploiter les faiblesses de la vérité et imposer son pouvoir sur les esprits et sur les émotions grâce à la force de son langage et grâce à une argumentation persuasive habile. Dans ce scénario d’illusion collective, tout se passerait pour le mieux sur les marchés actions, les marchés obligataires baisseraient de manière mesurée. Plus transversal, notre troisième scénario fait état des tensions politiques que nous pourrions rencontrer en Europe. L’imminence de l’élection présidentielle et l’incertitude quant aux candidats encore en lice font craindre le pire tant sur les marchés actions que sur les marchés obligataires de la zone.