Le Royaume-Uni et le Brexit : conséquences économiques

par William De Vijlder, Chef économiste chez BNP Paribas

Après le vote historique du Royaume-Uni en faveur de la sortie de l’Union européenne (UE), les Britanniques vont probablement commencer un long processus de négociation sur un accord de sortie et les nouvelles relations qui en découlent.

Au sein du parti conservateur, les spéculations relatives à un changement de direction vont probablement aller bon train désormais.

Les électeurs écossais ayant exprimé le souhait de rester dans l’UE, un deuxième référendum sur l’indépendance de l’Ecosse n’est pas exclu.

Les incertitudes entourant les relations à venir entre le Royaume-Uni et l’UE ainsi que les perspectives politiques de ce pays ne manqueront pas de peser sur l’économie. L’activité économique connaîtra, selon nos prévisions, une stagnation dans les deux à trois prochains trimestres. Dans l’ensemble, le PIB devrait être en repli de près de 2 % en 2018 par rapport aux prévisions antérieures.

Le recul attendu de la livre sterling exercera des pressions à la hausse sur l’inflation. L’IPC devrait ainsi grimper à 2,6 % en 2018, contre 2,0 % dans nos prévisions précédentes.

La Banque d’Angleterre va, selon nos prévisions, assouplir sa politique monétaire en ramenant le taux directeur à zéro et en augmentant les rachats d’actifs de GBP 100mds.

Le début d’un long processus

Après le vote historique du Royaume-Uni en faveur du départ de l’UE, les Britanniques vont, selon toute vraisemblance, entamer des négociations sur un accord de sortie et les nouvelles relations de ce pays avec l’UE. La procédure de sortie de l’Union européenne prendra selon nous du temps. La première étape consiste pour le gouvernement britannique à notifier son intention de quitter l’UE au Conseil européen. Nous estimons qu’une telle notification n’aura probablement pas lieu avant fin 2016. L’envoi de cette notification déclenchera les négociations sur un accord de sortie, avec une date butoir fixée à deux ans, après quoi les règlements européens (ou tout au moins certains d’entre eux) cesseront automatiquement de s’appliquer. Jusqu’à cette date, le Royaume-Uni reste soumis à la législation de l’UE.

La négociation d’un accord de sortie dans ce délai de deux ans n’ira pas de soi compte tenu des importants liens commerciaux existant entre le Royaume-Uni et l’UE, de l’étendue de la législation britannique liée à l’UE et adoptée depuis l’entrée du Royaume-Uni dans l’Union il y a quarante ans, sans parler des nombreux citoyens de l’UE résidant au Royaume-Uni et vice versa, dont le statut reste à déterminer. Si les Britanniques venaient à opter pour une adhésion à l’Espace économique européen (EEE), une telle décision pourrait être mise en œuvre plus rapidement qu’un accord sur mesure. Cependant, en cas d’adhésion à l’EEE, le Royaume-Uni devrait appliquer les lois européennes relatives au Marché unique, continuer à verser une contribution (néanmoins réduite) au budget de l’UE et accepter la libre circulation des travailleurs, citoyens de l’UE. S’il s’avère que l’adhésion à l’EEE n’est pas une option viable (à long terme), l’une des questions les plus difficiles et importantes à traiter du point de vue économique sera celle des futures relations commerciales du Royaume-Uni avec l’UE et ses Etats membres. Il faudra également établir des accords commerciaux avec plus de 50 pays non membres de l’Union européenne avec lesquels le Royaume-Uni traite actuellement sur la base de conventions signées avec l’UE. En général, les négociations commerciales mettent du temps avant d’aboutir.

Incertitudes politiques

De fortes incertitudes entourent les perspectives politiques au plan national. M. Cameron peut-il rester Premier ministre après un vote en faveur du départ de l’UE, compte tenu de sa position de principal héraut du maintien dans l’Union et des tensions qui ont marqué la campagne ? Une autre question se pose : la victoire du Brexit peut- elle conduire à la tenue d’un second référendum sur l’indépendance de l’Ecosse ? Une telle possibilité ne pourrait qu’aggraver l’instabilité relative de la situation politique intérieure au cours des années à venir.

Impact défavorable sur l’économie

L’économie va s’en ressentir, et ce, par le biais de quatre canaux : incertitude et confiance ; marchés financiers ; investissements étrangers directs et autres flux de capitaux ; flux commerciaux et de revenus. Mais le départ de l’UE pourrait aussi avoir des avantages susceptibles d’atténuer un tel impact : la fin de la contribution du Royaume-Uni au budget de l’UE, ou tout au moins une réduction de cette dernière, si le Royaume-Uni finit par rejoindre l’Espace économique européen (EEE) ; la possibilité de conclure des accords commerciaux bilatéraux avec des pays non membres de l’UE (c’est actuellement l’UE qui s’en charge au nom du Royaume-Uni) ; un contrôle plus large sur la réglementation, qui pourrait entraîner une augmentation de la productivité et du potentiel du côté de l’offre ; enfin, une compétitivité accrue, consécutive au glissement attendu de la livre sterling.

Suite à la victoire du Brexit, nous avons globalement révisé à la baisse nos prévisions de croissance d’environ 0,3 point de pourcentage cette année et de près de 1,5 pp l’année prochaine. Nous tablons également sur une croissance en 2018 légèrement en deçà des prévisions précédentes. Au final, le PIB se situe à près de 2 % en dessous de nos prévisions antérieures. Nos principales conclusions sont les suivantes :

  • L’aggravation des incertitudes et de la volatilité des marchés financiers va entraîner un net ralentissement des investissements.
  • Le retrait des entreprises va aussi probablement se solder par une réduction des créations d’emplois et une hausse du chômage.
  • Dans l’hypothèse d’une chute de 10 % de la livre par rapport à sa valeur pondérée des échanges à la fin mai, l’inflation sera soumise à des pressions à la hausse via les prix à l’importation.
  • Le ralentissement de la croissance des salaires nominaux et la remontée de l’inflation se traduisent par une compression des salaires réels, qui stagnent en 2017 et n’augmentent que très modestement en 2018. Les dépenses de consommation devraient être par conséquent nettement inférieures à ce qu’elles auraient été si le Royaume-Uni avait choisi de rester dans l’UE.

La Banque d’Angleterre va, selon nos prévisions, assouplir sa politique monétaire, avec un taux directeur ramené de 50 pb à zéro, l’injection de liquidités et l’augmentation de l’assouplissement quantitatif à hauteur de GBP 100mds. Bien entendu, toutes les prévisions exposées ici sont nettement plus incertaines que la normale.

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