Le scénario négatif semble tellement évident

par Jean-Marie Mercadal, Directeur Général Délégué en charge des gestions chez OFI AM

La gestion catastrophique de la situation européenne a créé un sérieux trouble qui commence à se diffuser au reste du monde. L’économie ralentit partout alors que les entreprises s’apprêtent à publier leurs comptes semestriels. Alors, nouvel été agité ?

La confiance a été sérieusement ébranlée : le dogme de l’impossibilité de faillite d’un État membre de la zone euro est tombé. Voilà pourquoi personne ne veut acheter des obligations gouvernementales d’un grand État de la zone euro à presque 7 % de rendement à 10 ans (l’Espagne actuellement). La gestion du cas grec a été tellement catastrophique que le doute fondamental sur la notion de taux sans risque s’est immiscé dans l’esprit des investisseurs. Les marchés obligataires se sont donc complètement disloqués avec des taux nuls sur les pays qui inspirent confiance (Allemagne, suisse, Etats-Unis, France…) et des taux beaucoup trop élevés compte tenu de la conjoncture économique sur d’autres pays (Espagne, Portugal, Italie…). Les obligations d’entreprises de bonne qualité sont considérées comme moins risquées. elles offrent d’ailleurs des rendements absolus aujourd’hui assez faibles.

Cette perte de confiance fondamentale créé une spirale négative, dont les conséquences se diffusent internationalement : les banques européennes qui détiennent des titres gouvernementaux voient leurs portefeuilles se déprécier, ce qui requiert davantage de capital et suscite la méfiance des marchés. Les crédits à l’économie diminuent donc et le marché interbancaire se bloque. Au final, le doute sur le système financier international est très important et fait craindre un risque systémique si l’euro explose.

Il faudrait donc aujourd’hui donner une nouvelle perspective à l’Europe et les décisions politiques seront cruciales. Une seule voie est possible et viable pour être compatible avec le maintien d’une monnaie commune l’intégration budgétaire, avec transferts de souveraineté, harmonisation fiscale… Bref, la création des Etats-Unis d’Europe. Si cette voie est partiellement évoquée, les marchés réagiront probablement positivement après les sommets de la fin juin. Mais il faut garder à l’esprit que ce chemin sera long et ne convient pas à la rapidité des marchés. La volatilité risque donc de rester élevée à court terme.

Cette situation purement européenne est problématique pour l’ensemble du monde et les autres pays ont en effet montré une sorte d’exaspération lors du dernier G20. L’Europe est en récession, ce qui pèse sur les exportations des pays émergents et américaines. La croissance finit donc par ralentir un peu partout, ce qui a eu au moins le mérite de faire reculer sensiblement les prix des matières premières. Aux Etats-Unis, la Fed a ainsi abaissé les perspectives de croissance de 0,5 %, désormais dans une fourchette 1,9/2,4 % contre 2,4/2,9 % préalablement. En Chine, le rythme de croissance a sérieusement baissé ces dernières semaines et les indicateurs de production montrent un rythme qui serait plus proche de 5 % actuellement, ce qui pourrait donner une croissance de l’ordre de 7 % sur l’année. Dans ces conditions, les résultats des entreprises commencent à être révisés à la baisse : on est ainsi passé (hors financières) d’une estimation 2012 de + 5 % en Europe à +1,5% actuellement. Aux Etats-Unis, on attend désormais +7% de progression des bénéfices des sociétés de l’indice S&P 500 contre + 12 % en début d’année. Les guidances qui seront données par les chefs d’entreprises à partir du mois prochain ne s’annoncent pas très optimistes…

Au vu de ce contexte pour le moins troublé, comment expliquer que les marchés actions ne soient pas plus bas ? Nous voyons deux explications majeures : 

  • Les investisseurs, particuliers et professionnels, sont très peu investis, ils n’ont donc plus grand-chose à vendre, ce qui crée théoriquement plutôt des conditions favorables pour un rebond ; 
  • Il y a un sentiment diffus que les actifs européens ont beaucoup baissé et que les valorisations sont faibles, ce qui éloigne les intervenants « plus spéculatifs ».

Et comme à chaque fois que le pire paraît certain, il ne se produit que rarement. La lumière pourrait venir des politiques : s’il y a une bonne nouvelle dans la direction de la construction européenne, alors un mouvement positif pourrait s’enclencher, puis s’estomper à partir de la publication des résultats des entreprises. Dans tous les cas de figure, il faudra essayer de tirer parti des mouvements de baisse pour se positionner à plus long terme, car les actions ne sont vraiment pas chères.