Les ajustements sont toujours brutaux et profonds

par Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management

Chiffres du chômage en France

La situation sur le marché de l'emploi en France s'est nettement dégradée au cours des derniers mois. En janvier, le nombre d'inscrits au pôle Emploi a augmenté de 90 200. C'est le 9ème mois consécutif de hausse de cet indicateur et la progression la plus rapide depuis juillet 1974. Le détail des statistiques montre une hausse du nombre d'entrées mais aussi un net recul des sorties. La hausse des entrées reflète notamment l'accroissement des fins de Contrats à Durée Déterminée et des licenciements économiques. Les fins de mission d'intérim ne sont pas en hausse au mois de janvier, par rapport à décembre, mais restent à un très haut niveau. Le recul des sorties indique principalement une réduction nette, depuis l'été, des reprises d'emplois.

Il y a un phénomène d'accumulation puisque les entrées augmentent alors que les sorties ralentissent.

Ce phénomène ne va pas s'inverser rapidement. L'indicateur cyclique sur le marché du travail (somme des fins de CDD, fins de missions d'intérim et licenciements économiques) est cohérent avec l'indicateur cyclique calculé mensuellement par l'INSEE à partir de l'enquête auprès des chefs d'entreprise. Le changement de tendance constaté sur l'indicateur du marché du travail depuis juin 2008 est net. Cependant, il est très en retard par rapport à l'indicateur cyclique de l'INSEE. L'ajustement sur le marché du travail va donc continuer à un rythme élevé au cours des prochains mois. Les sorties vers la reprise d'emploi vont encore s'infléchir et l'ajustement des entreprises à un niveau d'activité beaucoup plus faible va provoquer de nouvelles dégradations de notre indicateur cyclique sur le marché du travail. Je n'attends pas d'amélioration avant l'été 2009.

Chiffre du marché du travail allemand

En Allemagne aussi le marché du travail s'ajuste aux conditions d'activité. Le nombre de chômeurs augmente pour le 4ème mois consécutif en février et le taux de chômage revient à 7.9 %.

On observe la grande cohérence entre l'évolution avancée de 6 mois de l'indicateur IFO et celle de l'emploi. Le mouvement est brutal. L'emploi progressait encore de 1.5 %, sur un an, à l'été 2008. Il n'augmente plus que de 0.26 % en janvier et recule de -0.5 % sur les 3 derniers mois (par rapport aux 3 précédents en rythme annualisé). Au regard de la cohérence des deux indicateurs, il n'y aura pas de retournement rapide du marché du travail allemand.

Indicateurs européens

Cette fragilité durable des marchés du travail français et allemand va limiter la demande interne de chacun de ces deux pays. La situation de la zone euro s'en trouvera affectée. L'enquête italienne auprès des chefs d'entreprise montre une nouvelle dégradation en raison notamment d'une réduction très rapide des commandes tant domestiques qu'étrangères. Comme les autres pays de la zone Euro, l'Italie subit un nouveau choc négatif brutal et profond au premier trimestre 2009 après celui déjà constaté au dernier trimestre 2008. La moyenne des deux derniers mois est en net retrait par rapport à la moyenne du T4 – 2008, elle-même déjà en très fort retrait par rapport à T3. La cohérence du cycle européen et l'intensité des échanges entre les pays de la zone euro suggèrent que les chiffres du premier trimestre sur le PIB dans les différents pays européens resteront très négatifs.