Les Banques centrales ont le mérite d’agir et améliorent la visibilité

par Jean-Marie Mercadal, Directeur Général Délégué en charge des gestions chez OFI AM

Ce n’est déjà pas si mal. Dans un environnement anxiogène d’incertitudes sur la croissance (même en Chine), sur le financement des dettes publiques et juste avant les élections américaines, soyons clairs, la crise n’est pas finie mais cette visibilité plaît aux marchés.

Personne ne connaît réellement les conséquences des politiques monétaires « non conventionnelles » mises en place par les Banques centrales. Elles consistent à sortir de leur rôle classique de fixation des taux d’intérêt à court terme et à acquérir des titres privés et publics. Cette voie a été clairement choisie dès 2008 par la Réserve fédérale américaine devant l’ampleur de la catastrophe : l’endettement privé et public américain s’élève en effet à 350% du PIB, ce qui est de loin le plus haut niveau historique (le précédent pic avait été atteint durant la crise des années 30 autour de 250% du PIB). tous les programmes mis en place par les autorités américaines (TARP, QE 1,2,3…) ont, in fine, la logique suivante : permettre aux actifs des ménages (immobilier, actions…) de se revaloriser, recréant ainsi un effet richesse positif afin de relancer une croissance économique plus saine (consommation, investissement des entreprises, baisse du chômage…).

L’Etat pourra ensuite se désendetter. Il s’agit d’un pari. Rappelons au passage que le bilan d’Obama (favori pour la prochaine élection) est l’un des pires historiquement : sous son mandat, le chômage est passé de 4 à 8 %, la dette publique s’est accrue de 50 % à près 15 000 milliards de dollars, le déficit budgétaire est de près de 8 % du PIB… sa réélection serait un exploit car jamais un Président américain n’a été réélu après un tel bilan économique !

L’Europe a commencé par suivre une autre voie : celle de la rigueur budgétaire, en plein marasme économique et avec une politique monétaire orthodoxe. L’impasse était évidente et la BCE a fini par suivre un chemin inspiré par la Fed. elle est ainsi sortie quelque peu de ses statuts rigides hérités de l’esprit de la Bundesbank sous l’impulsion de son nouveau Président Mario Draghi : le virage a été clair cet été, éloignant ainsi quasi définitivement le spectre dévastateur d’explosion de la zone euro. Les allemands ont bien compris qu’ils n’avaient rien à perdre d’une aventure solitaire et ont donc laissé faire.

Les marchés en ont pris acte et la prime de risque systémique s’est ainsi réduite d’autant plus rapidement que certaines valorisations étaient très basses (actions européennes particulièrement). La situation technique des marchés est donc désormais bien meilleure : 87 % des 45 indices pays de l’indice MSCI all Countries se situent désormais au-dessus de leurs moyennes mobiles 200 jours, ce qui illustre théoriquement un « momentum » désormais beaucoup plus positif. de même, à la faveur du rebond estival, un certain nombre d’indicateurs mathématiques de moyen/long terme ont donné des signaux d’achat… Prometteur.

Par ailleurs, les Banques Centrales ont clairement indiqué aux marchés que les taux monétaires allaient rester quasi nuls pendant longtemps. dans ces conditions, le risque d’assister à une tension des taux d’intérêt obligataires apparaît très faible. Les investisseurs vont donc continuer à aller « chercher » du rendement sur les émissions d’entreprises « Investment Grade » et « High Yield », et certainement à nouveau sur les obligations émergentes. Des excès de « détente » des spreads pourraient d’ailleurs être commis, mais « on verra plus tard »…

Le terme « Exit Strategy » n’est pas prêt de redevenir d’actualité, à moins que la croissance économique ne s’accélère, ce qui est faiblement probable. L’économie mondiale est en effet en phase stationnaire de croissance « molle », sans chute brutale d’activité comme en 2008/2009. Les prochains mois resteront toutefois encore assez mous aux Etats-Unis en raison de l’incertitude sur le fiscal « Cliff » qui retarde les décisions d’investissement des entreprises. De même, en Chine, les programmes de relance éventuels seront décidés après la mise en place du nouveau pouvoir.

Les actions, prises globalement, présentent aujourd’hui beaucoup d’avantages dans un monde de taux d’intérêt très faibles et de croissance atone en occident : des dividendes élevés, bien souvent des expositions à la croissance mondiale, des valorisations absolues et relatives (prix/valeurs d’actifs net comptables souvent proches de 1) qui sont plutôt dans des basses eaux historiques.

Le seul « bémol » aujourd’hui concerne la dynamique des bénéfices des entreprises : ils sont révisés à la baisse de part et d’autre de l’atlantique du fait de la faible croissance actuelle. Ils sont désormais attendus en baisse de 2 % en Europe et en faible progression de 6 % aux Etats-Unis. Les prévisions pour 2013, de respectivement + 16 % et + 11 %, paraissent aujourd’hui irréalistes. Mais, en période de faibles taux d’intérêt et de faible croissance, il est possible d’assister à moyen terme à une expansion des PER, donc de la valeur des entreprises. Ce mouvement serait d’autant plus logique que la confiance envers les titres gouvernementaux devrait baisser au vu des faibles capacités financières de remboursement. Les belles entreprises devraient de ce fait devenir des « valeurs refuge » et il conviendra de tirer parti des phases de volatilité pour s’y positionner.