Les faillites bancaires se multiplient aux Etats-Unis

par Estelle Honthaas, économiste au Crédit Agricole

  • Les faillites bancaires se multiplient aux Etats-Unis et devraient rythmer l’actualité tout au long de l’année 2010. Elles sont principalement le fruit des excès observés lors de la phase de forte croissance des prix immobiliers.
  • Leur impact devrait théoriquement rester limité, mais il ne doit pas être sous-estimé pour autant.

 

Près de 150 banques ont fait faillite aux Etats-Unis depuis le début de la crise, dont 123 en 2009, et tout laisse penser que ces chiffres vont encore augmenter considérablement au cours des prochains mois. Pour impressionnant qu’il soit, ce chiffre doit néanmoins être relativisé. D’abord parce qu’il reste modeste au regard des crises précédentes, notamment celle des Caisses d’épargne des années 90, au cours de laquelle plus de 1 500 établissements avaient fait faillite. Ensuite parce que le système bancaire américain est encore morcelé : il comptait 16 000 banques il y a vingt ans, et encore plus de 8 000 aujourd’hui. Enfin parce que les banques ayant fait faillite depuis le début de l’année sont pour la plupart très petites : la moitié d’entre elles comptait moins de cinq agences. Au total, les faillites bancaires enregistrées en 2008 et 2009 représentent 3,8 % du total des actifs bancaires.

A l’origine, un cocktail immobilier et taux

La crise immobilière a, de façon relativement inattendue, touché des banques situées aussi bien dans des Etats ayant connu une bulle immobilière, que dans des Etats restés à l’écart de ce type d’excès. Dans les premiers, tels la Californie ou la Floride, les banques ont massivement prêté et sont confrontées à une accélération brutale de la dégradation de la qualité des actifs sur les crédits immobiliers résidentiels, mais également sur le segment de l’immobilier commercial1, aujourd’hui sévèrement touché par la récession. Dans les seconds, les banques ont tenté de compenser la faiblesse des volumes (et des revenus), en investissant massivement sur les titres émis par les agences de refinancement hypothécaires Fannie Mae et Freddie Mac.

Or la crise financière et immobilière a provoqué un effondrement de la valeur de ces titres, contraignant les banques à enregistrer des dépréciations importantes. L’Illinois, dans lequel vingt banques ont fait faillite depuis le début de la crise, entre typiquement dans ce cas de figure. Que l’impact de la crise immobilière ait été direct (via les défauts enregistrés sur les prêts accordés) ou indirects (via les titres immobiliers achetés), l’effet a été d’autant plus dévastateur que les bilans des plus petites banques sont souvent faiblement diversifiés, limitant leur capacité à faire face à une conjoncture durablement dégradée.

La baisse des taux a également accéléré la déstabilisation de ces établissements, dont le financement repose principalement sur les dépôts : répercuter ces baisses sur la rémunération des dépôts entraînerait un risque d’assèchement de la ressource.

Elles sont donc contraintes à maintenir des taux de rémunération artificiellement élevés réduisant d’autant leurs marges et leurs revenus.

La question de l’impact des faillites

L’importance de ces faillites devra être jugée à l’aune de la taille des institutions et des contagions qu’elles pourraient entraîner, bien plus qu’au regard de leur nombre. En l’état actuel des choses, l’impact des faillites sur la stabilité financière et la distribution de crédit devrait théoriquement rester marginal. La situation semble aujourd’hui parfaitement contrôlée par la FDIC2 qui a, depuis sa fondation en 1934, organisé en moyenne quarante-cinq faillites bancaires par an, et dispose d’un réel savoir-faire en la matière.

Pour autant, les conséquences potentielles de ces faillites ne doivent pas être sous estimées. D’abord parce que les ressources de la FDIC s’épuisent, et l’ont contrainte à réclamer à l’avance les primes d’assurance annuelles des banques pour les trois prochaines années. Ensuite, parce que la faiblesse persistante du marché immobilier, et la fragilité qu’elle induit sur une partie des banques commerciales, font aujourd’hui partie des facteurs de risques baissiers importants qui continuent de peser sur la croissance américaine.

NOTES

  1. L’immobilier commercial représente en moyenne près du tiers des crédits au bilan des quelques 7 000 banques américaines dont le bilan est inférieur à 1 milliard de dollars.
  2. Federal Deposit Insurance Corporation, chargée d’assurer les dépôts détenus par les particuliers, et de gérer les faillites bancaires.

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