Les grands moyens pour stopper la crise

par Estelle Honthaas et Florence Touya, économistes au Crédit Agricole

  • Les pouvoirs publics d’une majorité de pays occidentaux sont entrés en action pour soutenir leurs systèmes bancaires, en appréhendant simultanément les problématiques de liquidité et de solvabilité, afin de mettre un terme aux enchaînements systémiques qui se sont matérialisés après la faillite de Lehman Brothers.
  • Ces orientations sont déclinées en fonction des contextes et des besoins spécifiques de chaque pays. 

Inspirés des mesures britanniques et élaborés de manière concertée (G7, sommet européen), les plans de soutien aux secteurs bancaires mettent l’accent sur la solvabilité et sur le refinancement des banques. L’objectif est de ramener la confiance et d’assurer la continuité du financement de l’activité économique. Aussi, les Etats-membres se sont-ils engagés à empêcher toute faillite d’établissement bancaire important, en définissant des mesures de refinancement des fonds propres ou d’injection de capitaux en cas de besoin. Ce renforcement de la solvabilité, associé à une réactivation des marchés interbancaires et aux injections massives de liquidité des banques centrales, devrait faciliter les refinancements des banques, à la fois sur le marché interbancaire, à très court terme, et sur les marchés de dette. Les Etats-Unis se sont inscrits dans la continuité de cette démarche, utilisant 250 Mds USD sur les 750 du Troubled Asset Relief Program pour injecter du capital dans les plus grandes banques américaines.

Si les gouvernements européens ont tous pour objectif de répondre simultanément à la double problé-matique de liquidité et de solvabilité, les palettes d’instruments mis en place varient d’un pays à l’autre. Ainsi, les fondamentaux relativement sains de l’économie française et le profil de risque bien diversifié de ses principales banques suggère qu’un scénario de recapitalisation comme au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis n’est pas à l’ordre du jour. Ces mesures sont par ailleurs temporaires, ayant clairement pour objectif de lutter contre une défiance excessive. Elles viennent en complément de celles prises par la BCE, visant également à favoriser une détente significative et durable sur les marchés monétaires. 

Le plan français prévoit d’une part, la création d’une structure dédiée au renforcement des fonds propres des banques (la Société de Prises de Participations de l’Etat), disposant d’une enveloppe pouvant s’élever à 40 Mds €, qui sera utilisée pour le refinancement des titres hybrides constituant une partie des fonds propres réglementaires, et pour des injections de capital si nécessaire. D’autre part, une structure bénéficiant de la garantie de l’Etat sera créée pour faciliter le refinancement de la dette à moyen terme des banques parvenant à échéance jusqu’à fin 2009. Ce véhicule émettra des titres en échange des actifs que les banques lui apporteront en collatéral et re- prêtera ensuite ces fonds aux banques. Le montant que pourra lever cette structure sur les marchés internationaux est plafonné à 320 Mds €. 

Ces mesures ont clairement pour objectif de restaurer durablement la confiance dans les banques, de stopper la dynamique de crise financière et, en renforçant la solvabilité du système bancaire, d’éviter un rationnement brutal du crédit. 

Un certain nombre de questions reste néanmoins en suspens. Dans le cas du véhicule de refinancement, le prix de la garantie apportée par l’Etat sera reporté sur les banques qui feront appel à cette structure, si bien que le coût d’émission sera au minimum couvert par le taux auquel les prêts seront refacturés aux banques. En revanche, l’utilisation du fonds destiné au refinancement ou au renforcement des fonds propres induit un accroissement de la dette publique dans le seul cas d’injections supplémentaires de fonds propres (à l’exclusion donc du refinancement des titres hybrides). Sachant que ces mesures ont un caractère temporaire, les participations prises dans les banques étant destinées à être revendues ultérieurement. Le plus probable en ce qui concerne l’utilisation de ce fonds de renforcement des fonds propres est d’ailleurs que les banques françaises cherchent à bénéficier de la garantie de refinancement des titres de dette hybride constituant leur Tier 1 qui viendront à échéance jusqu’à fin 2009. Ce qui relève d’un fonctionnement classique. 

Par ailleurs, une dernière mesure forte de la Commission européenne vise à transférer sous certaines conditions les titres des portefeuilles de trading vers d’autres catégories. 

L’efficacité à attendre de ces plans est bien réelle. Les mesures adoptées ne permettront certes probablement pas d’éviter le ralentissement économique à l’œuvre, mais elles l’atténueront considérablement.