Les investisseurs astucieux peuvent surmonter le pessimisme

par John Chatfeild-Roberts, CIO chez Jupiter Asset Management

Les hypothèses classiques d’investissement sur les marchés actions ou obligataires ont été chamboulées par la crise européenne de la dette. Prendre des décisions d’investissement n’a jamais été aussi délicat avec d’un côté, des perspectives pour l’économie mondiale plus que sombres, mais d’un autre côté, des valorisations attractives pour beaucoup d’actifs. Les marchés balancent comme un pendule, poussés par les réponses des investisseurs à ces pressions opposées.

Le début d’une nouvelle année n’y change rien. 2012 sera une année au cours de laquelle les investisseurs auront besoin de ce que Tolstoï appelait « les deux guerriers les plus puissants » – la patience et le temps – de manière à tirer le meilleur profit de leurs investissements. La crise en Europe continue de gronder et en prédire l’issue est très difficile, si ce n’est que davantage de pertes devront se réaliser avant que l’économie mondiale ne se relève. Les politiciens européens ont traité cela comme une crise de liquidité au lieu d’une crise de solvabilité, dans laquelle les budgets des Etats sont insoutenables. En conséquence, les mésaventures de la zone Euro pourraient faire beaucoup de dégâts sur la croissance mondiale. S’il y a une récession en Europe Continentale, le Royaume-Uni en subira forcément les effets.

La crise a créé un dilemme pour les investisseurs soucieux d’évaluer les risques. Les idées reçues placent les liquidités et les obligations souveraines dans la partie basse du spectre des risques, et les actions à son extrémité haute. Aujourd’hui, tout cela est remis en question. Dans un monde où les dettes souveraines et le système bancaire subissent de telles tensions, les liquidités et les obligations souveraines ne fournissent plus aux investisseurs le confort qu’ils en attendent habituellement. Même les supposés « valeurs refuges » pourraient s’avérer ne pas être aussi sûres ou aussi peu risquées qu’elles le semblent.

Les obligations d’Etat émises par le Royaume-Uni et par les Etats-Unis, par exemple, sont en ce moment très demandées par les investisseurs car elles apparaissent comme un refuge face aux troubles en Europe. Mais si vous les analysiez de la même manière que vous le feriez pour des actions, vous pourriez penser différemment.

Les obligations souveraines du Royaume-Uni, par exemple, procurent un rendement inférieur à 2%. Cela ne vous couvre pas contre une inflation à 4.8%, ne vous procure pas de croissance des dividendes. Ces obligations sont émises par un pays fortement endetté et avec de très faibles perspectives de croissance à long terme.

Pourtant, la demande est telle que ces obligations sont valorisées à un plus haut jamais atteint en 100 ans. On ne peut pas mettre les Etats-Unis, bien que fortement endettés aussi, dans la même catégorie que le Royaume-Unis étant donné que le dollar reste la monnaie de réserve mondiale. Tout de même, un rendement aux alentours de 1.9% sur 10 ans suggère que les US Treasuries ne sont pas un investissement bon marché.

Cependant, il y a de nombreuses opportunités pour les investisseurs qui sont prêts à prendre une vision de long terme. Les actions de multinationales saines, présentant un bilan robuste, qui peuvent maintenir de bons dividendes, sont bien plus séduisantes.

Le prix des actions peut être plus volatile sur le court terme, mais je serai bien plus confiant en détenant un portefeuille composé d’actions avec un rendement de bonne qualité, comme Glaxo ou Shell, qui ont une valorisation attrayante et versant des dividendes compris entre 4.7% et 4.4%, que si je devais détenir des obligations émises par la plupart des pays soi-disant notés Triple A. Ou encore, détenir un compte de dépôt dans la plupart des banques européennes. De tels dividendes sont une bonne compensation de la volatilité des prix à court terme.

Les marchés émergents n’ont pas été rentables pour les investissements en 2011, mais les perspectives pour certains de ces marchés se sont aujourd’hui un peu améliorées. Le marché immobilier chinois semble souffrant, mais quand la classe moyenne, qui croît rapidement dans ces pays, commencera à consommer à la même échelle que les occidentaux, nous pourrions assister à un véritable découplage dans une économie mondiale à deux vitesses. Les investisseurs doivent garder une vision de long terme s’ils veulent en tirer profit.

Avec un redressement des Etats-Unis qui semble de plus en plus probable, le marché immobilier américain, qui a chuté de 30%, semble avoir touché le fond, et étant donné la croissance continue de la population, acheter une maison aux Etats-Unis semble aujourd’hui être un bon investissement pour le long terme.

Même l’Europe finira par se rétablir ; et les marchés se positionneront dans cette perspective bien avant que les problèmes ne soient effectivement résolus. Les grandes crises ont pour habitude de créer de grandes opportunités d’investissement – l’Europe traverse une crise particulièrement importante, donc avec le temps, on peut s’attendre à voir apparaitre de magnifiques opportunités.

Mais à ce stade, nous restons positionnés de manière défensive. Le moment viendra où la balance penchera à nouveau en faveur d’une augmentation du risque, mais nous n’en sommes pas encore là.