Les marchés d’actions ne sont-ils pas bien optimistes ?

par Patrick Artus, directeur de la recherche et des études économiques de Natixis

La hausse des marchés d’actions dans les pays de l’OCDE au 1er trimestre 2009 est forte. Les marchés sont tirés :

  • par la reprise industrielle, qui vient d’ailleurs largement de la reprise chinoise ;
  • par l’arrêt des flux de capitaux vers les pays émergents, ces capitaux s’investissant alors dans les pays de l’OCDE ;
  • par la fin de l’ajustement de l’emploi aux Etats-Unis par l’amélioration de la confiance des ménages, la baisse de l’aversion pour le risque ;
  • par le maintien de politiques économiques très expansionnistes ;
  • par la remontée des résultats des entreprises.

 

Mais il nous semble que les marchés d’actions des pays de l’OCDE ne valorisent aucun des risques :

  • faible croissance durable des demandes intérieures dans les pays de l’OCDE ;
  • risque de prélèvement sur les revenus avec la hausse des prix des matières premières (métaux) ;
  • moindre liquidité mondiale s’il ne faut plus que les pays émergents accumulent des réserves de change pour stabiliser le dollar ;
  • politiques budgétaires restrictives dans les pays de l’OCDE ou, à l’opposé, remontée des taux d’intérêt à long terme.

1- Le redressement des marchés boursiers des pays de l’OCDE et ses causes

On a observé depuis le début de 2010 un redressement important des marchés boursiers (graphiques 1a-b), probablement dû :

  • au début d’une reprise industrielle, qui est tirée par les exportations vers les régions en croissance rapide, en particulier la Chine ;
  • au retour, depuis la fin de 2009, des capitaux des pays émergents vers les pays de l’OCDE, peut être parce que les investisseurs observent que la valorisation des marchés émergents est beaucoup plus élevée que celle des marchés des pays de l’OCDE ;
  • à l’amélioration de la confiance des ménages et à la réduction de l’aversion pour le risque, peut être dues à l’approche de la fin de l’ajustement de l’emploi aux Etats-Unis, mais pas en Europe ;

Toutes ces évolutions (redressement de l’industrie et des exportations vers la Chine, retour des capitaux vers les pays de l’OCDE, baisse de l’aversion pour le risque et retour de la confiance, politiques économiques stimulantes, remontée des résultats des entreprises) ont poussé les investisseurs à revenir sur les marchés d’actions des pays de l’OCDE.

2- Les marchés d’action ne semblent pas valoriser les différents risques

Il nous semble que cet optimisme retrouvé sur les marchés d’actions ne valorise pas les différents risques qui pourraient venir perturber les économies et ces marchés.

* Risque # 1 : persistance de la croissance faible de la demande intérieure

Au-delà des fluctuations de court-terme, nous pensons que les demandes intérieures vont rester faibles dans les pays de l’OCDE pour plusieurs raisons : absence de reprise du crédit, faiblesse des revenus salariaux, absence de redressement de l’investissement des entreprises ou résidentiel.

La persistance de la faiblesse de la demande intérieure est évidemment un handicap pour les actions compte tenu du poids encore élevé des marchés domestiques (surtout aux Etats-Unis, et au Japon) malgré l’internationalisation des entreprises.

* Risque # 2 : hausse des prix des matières premières

Si le prix du pétrole n’augmente que progressivement, on voit en 2009-2010 monter très rapidement les prix des métaux sous l’effet de la croissance de la demande de métaux dans les pays émergents, en particulier en Chine.

Ceci réalisera donc un prélèvement sur les revenus des ménages et aussi des entreprises si elles ne peuvent pas repasser ces hausses des prix des impôts dans leurs prix de vente, avec la faiblesse de la demande intérieure, ce qui est évidemment défavorable aux actions.

* Risque # 3 : moindre liquidité mondiale

Nous avons vu plus haut que, depuis la fin de 2009, les capitaux ressortaient des pays émergents. Ceci conduit à l’arrêt de l’accumulation de réserves de change dans ces pays puisque le dollar est stabilisé spontanément.

L’arrêt de l’accumulation de réserves de change a, à son tour, conduit à un freinage de la liquidité mondiale, qui pourrait à terme affecter négativement la valorisation des actifs, donc des actions.

* Risque # 4 : risques liés aux politiques budgétaires

Nous avons vu plus haut la taille des déficits publics mis en place. Il existe ici deux risques symétriques :

  • que ces déficits soient réduits trop rapidement, ce qui pourrait être en particulier le cas dans la zone euro sous la pression de la Commission Européenne, de la BCE, de l’Allemagne, des marchés financiers. Ceci conduirait à une rechute de la croissance dans les pays où les déficits publics seraient réduits trop rapidement ;
  • que ces déficits ne soient pas réduits et que les marchés financiers provoquent alors une hausse des taux d’intérêt à long terme, comme on l’a vu en Grèce.

Au total, nous comprenons l’optimisme des marchés d’actions (reprise industrielle, croissance chinoise, politiques économiques stimulantes, retour des capitaux vers les pays de l’OCDE…), mais nous craignons que les investisseurs ne regardent plus les risques (faiblesse de la croissance de la liquidité mondiale, effets des déficits publics très élevés).

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