Les sociétés de qualité peuvent-elles survivre dans un contexte politique volatile ?

par Tim Stevenson, gérant du Horizon Pan European Equity Fund chez Henderson Global Investors

L’incapacité des dirigeants européens à adopter une approche commune et décisive face aux difficultés économiques est aujourd’hui évidente. Il semble que ces derniers agissent plus dans l’objectif de se faire réélire lors de prochaines élections, dans 5 ou 6 ans, plutôt que de laisser un héritage durable pour les prochaines générations. Aucun de ces dirigeants n’a été élu dans le cadre d’un mandat européen, ce qui entraîne tout naturellement une disparité entre leur position et le rôle pour lequel ils ont été choisis, à savoir : « Sauver l’Europe ».

Si la faible croissance économique des pays européens peut être préjudiciable pour certaines entreprises, nombreuses sont celles qui développent leurs activités au sein de pays ou de secteurs offrant une croissance plus rapide, tout en se détachant le plus possible de l’influence des gouvernements respectifs. En effet, les faibles résultats enregistrés par de nombreuses entreprises européennes de services publics sont largement dus au renforcement des réglementations en vigueur. Ceci a affecté par exemple les entreprises de télécommunication, même si les problèmes auxquels Nokia est confronté n’ont rien à voir avec le contexte politique actuel. De son côté, le succès d’Inditex, distributeur de vêtements dont la marque Zara fait partie, est le résultat d’excellents produits et d’une chaîne d’approvisionnement efficace.

Existe-t-il une manière simple de faire fonctionner une économie moderne ? On peut se demander si la politique est encore efficace dans des pays développés où les marges de manœuvre pour mettre en place des politiques économiques sont de plus en plus restreintes. Chaque parti politique ne dispose que d’une marge limitée quant à l’interprétation des réglementations. En Europe, la tendance est désormais à la croissance et au contrôle de la dette. Il est désormais possible de mettre l’accent sur plusieurs éléments pour faire fonctionner une économie. Lors d’une rencontre au sommet en janvier dernier entre l’ancien président Sarkozy et la chancelière Merkel, l’Europe avait commencé à mettre l’accent sur la « croissance » plutôt que sur « l’austérité ». Si la croissance est nécessaire, chacun est conscient des risques liés au fait d’emprunter pour accéder à cette croissance.

Que peut donc faire une société prospère dans un tel contexte ?

Alors que nous sommes confrontés en Europe à une impasse économique et politique persistante, il est important de rappeler que les sociétés dans lesquelles nous investissons sont aussi bien informées que nous et en contact avec le monde réel. Elles peuvent déterminer leur flux d’ordres très rapidement et il est essentiel pour nous d’évaluer où, quand et de quelle façon les attentes peuvent être amenées à évoluer.

Nombre des titres que nous détenons génèrent de la croissance grâce aux effets démographiques : Fresenius bénéficie du besoin croissant de prestations de soins de santé ; Essilor du besoin croissant en matière d’optique d’une population jeune et moins jeune ; L’Oréal génère de la croissance grâce aux marchés émergents, mais également grâce à une demande soutenue de la part des marchés développés ; de son coté, Deutsche Post DHL génère de la croissance en aidant des sociétés à régler des problèmes de logistique de façon plus efficace. L’obsession de croissance du PIB dissimule donc bien souvent un changement sous-jacent ; c’est pourquoi nous privilégions des investissements dans des sociétés qui peuvent « apporter une solution ».

Enfin, la situation économique peut influencer le comportement d’une entreprise alors que le climat politique ne tient de son côté qu’à un fil. Repsol l’a appris à ses dépens lors de la nationalisation de YPF par le gouvernement argentin. Un problème récurrent dans les nouveaux marchés émergents puisque ce fut le cas également au Venezuela pour les compagnies pétrolières.

L’Europe devra relever de nombreux défis

Une fiscalité plus lourde pourrait poser des problèmes à un moment donné ; mais il est possible, contrairement à ce que prévoyaient les marchés récemment, que la politique ait un impact beaucoup plus faible en Europe. Au cours des douze derniers mois, la montée des partis politiques extrémistes en Europe, de droite comme de gauche, peut s’expliquer par la violente colère suscitée par la mauvaise gestion économique des derniers gouvernements. Ceci a permis de mettre en place une gestion plus proactive et une approche plus positive des problèmes liés à l’Euro. L’Euro existe. Il est désormais nécessaire de mettre en place des structures adéquates, ce qui aurait pu être fait avant son lancement.

Selon les analystes de Citi, si la Grèce venait à quitter l’Euro, les conséquences immédiates d’une telle sortie affecteraient le PIB de la zone Euro d’environ 3%. En contrepartie, le soulagement lié à la fin du problème grec devrait plus que compenser cela. D’autre part, la sortie éventuelle de la Grèce pourrait apporter la confiance nécessaire à la recherche d’une solution durable face aux problèmes de la zone Euro avec la mise en place rapide d’une intégration fiscale plus étroite.

Les dirigeants politiques devront s’appliquer à faire fonctionner une économie moderne sans tenir compte de leurs propres agendas politiques.