Macron : la prudence demeure

L’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République a provoqué un soulagement des investisseurs qui redoutaient une nouvelle avancée du populisme. Mais les marchés demeurent prudents car nul ne sait si la France disposera d’un gouvernement ayant une majorité absolue après les législatives et, surtout, si les réformes seront vraiment appliquées.
 
Le CAC 40 a gagné environ 5% depuis le premier tour du scrutin tandis que le « spread » entre les taux à 10 ans français et allemand a baissé de près de 20 points le 24 avril pour se stabiliser depuis autour de 40 à 45 points de base contre 80 il y a quelques mois. 
 
Si le CAC 40 affiche une progression de 9,50% depuis le début de l’année, il faut souligner que, sur cette période, la hausse est 10% pour le DAX allemand, de 15,8% pour l’Ibex espagnol, de 12% pour le FTSE MIB italien et même de 4,6% pour le FTSE britannique. En d’autres termes, l’indice des valeurs phares de la Bourse de Paris, qui a été pénalisé par les craintes d’une victoire de l’extrême droite, se situe dans la moyenne.
 
On aurait pu s’attendre à un « rally » mais les investisseurs voient une France divisée avec une forte poussée du Front national  et un taux historiquement élevé de bulletins nuls et blancs.
 
Pour Morgane Dellebonne, Fixed Income Strategist chez ETF Securities, « Il y a des mécontentements que le nouveau président devra prendre en compte. » Et d’ajouter, « Après Obama, les Etats-Unis ont eu Trump. » 
 
S’ils ont, en effet, voté pour l’espoir avec un jeune sénateur noir en 2008, les Américains, en dépit des résultats économiques plutôt honorables et un chômage en net recul, ont élu un milliardaire populiste en 2016. C’est d’autant plus étrange que les Etats-Unis, après la crise de 2007/2008, ont renoué avec la croissance même si le rythme est plus faible qu’auparavant. Il semblerait que les inégalités ont provoqué une déchirure dans le pays. Le paradoxe est d’avoir porté à la Maison Blanche un milliardaire qui a commencé, comme c’était attendu, à revenir sur ses promesses de campagne.
 
Si Macron apparaît comme le président du renouvellement, son programme peut sembler prudent. Il prévoit de ramener le déficit public à -1% en 2022 (contre 3% en 2017) et la dette à 93% (97,8% en 2017) avec un taux de croissance du PIB qui devrait atteindre 1,8% contre 1,4% cette année.
 
Les financiers et les partenaires de la France jugent que le programme du chef de file d’En marche peut permettre de libéraliser l’économie mais il ne faut pas attendre de miracle au cours des prochains trimestres. 
 
Mais pourra-t-il le mettre en œuvre ? « Les investisseurs ne sont pas encore convaincus de la capacité de Macron à mener à bien ses réformes », souligne Morgane Delledonne.
 
Les prochaines semaines seront décisives. Si Macron dispose d’une majorité à l’Assemblée nationale, il pourra lancer ses premières mesures. Toutefois, sa volonté de recourir aux ordonnances pour réformer le marché du travail risque de provoquer des tensions sociales. On peut s’attendre à des grèves et à des manifestations dès la rentrée de septembre.
 
Comme réagira alors le gouvernement constitué de personnalités de droite et de gauche ? On peut anticiper que les opposants – droite conservatrice, gauche radicale, extrême gauche et extrême-droite – utiliseront la moindre difficulté du nouveau pouvoir pour tenter de retrouver des forces.
 
Macron devra donc expliquer encore et encore ce qu’il veut faire et dans quel but. C’est à cette condition qu’il convaincra les Français et, partant, les investisseurs.