Matières agricoles : krach surprenant

Les cours des matières premières ont plongé le 5 mai et certains media ont immédiatement utilisé le terme « krach » pour qualifier ce mouvement.

Les cours des matières premières ont plongé le 5 mai et certains media ont immédiatement utilisé le terme « krach » pour qualifier ce mouvement. Mais la tendance des matières premières va rester haussière pour des raisons de fond.

Le pétrole, l’argent, le maïs, le blé, le soja ont chuté suite à la remontée du dollar après un discours du président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, indiquant qu’une remontée des taux d’intérêt en juin n’était pas automatique alors que les investisseurs avaient acté un resserrement monétaire.

Des facteurs techniques – en particulier le franchissement de seuils – ont accentué les ventes de titres liés aux matières premières.

Mais de là à parler de l’éclatement d’une bulle spéculative il y a un pas qu’il serait imprudent de franchir aujourd’hui.

Les seules matières sur lesquelles il y a une vraie spéculation sont l’or et l’argent. L’or, qui a franchi début mai les 1.500 dollars l’once avant de refluer, a vu son cours multiplié par cinq au cours des 10 dernières années car les investisseurs, professionnels et particuliers, le considèrent comme une valeur refuge.

Ils en ont acheté pour faire face à la baisse continue du dollar – accentuée par les programmes d’assouplissement quantitatif (Quantitative Easing) mis en œuvre depuis le début de la crise financière en 2008 – et à la reprise de l’inflation. Ajoutons à cela que des fonds spéculatifs ont aussi acheté massivement via des instruments comme les ETF (Exchange-Traded Fund), ce qui a contribué à la hausse d’autant que la production mondiale d’or est plutôt limitée et en baisse continue.

L’argent a atteint son niveau le plus haut depuis 1980 à près de 50 dollars avant de chuter en quelques jours aux alentours de 33 dollars. Un intense mouvement de spéculation a alimenté cette hausse même si la moitié de la production annuelle est utilisée dans l’industrie.

Ces métaux précieux risquent de causer la ruine de millions de particuliers qui sont alléchés par des placements qui semblent prometteurs mais qui sont trompeurs : l’or et l’argent ne génèrent aucun rendement et sont soumis à des chocs exogènes qui peuvent faire plonger les cours rapidement, comme on l’a vu dans le passé.

En ce qui concerne les matières premières agricoles, une baisse des cours serait la bienvenue : on observe des tensions depuis plusieurs mois dans plusieurs régions du monde en raison de la hausse des prix. Pour plusieurs experts, cette inflation alimentaire a joué un rôle extrêmement important dans les révoltes dans le monde arabe.

Mais la pression à la hausse sur les matières agricoles va reprendre. Le développement des pays émergents permet chaque année à des millions de personnes de sortir de la misère et d’accéder à la première nécessité : se nourrir et nourrir sa famille. Dans le même temps, ceux qui accèdent aux classes moyennes consomment de plus en plus, suivant ainsi un mouvement observé dans le passé en Occident.

Parallèlement, les terres disponibles deviennent plus rares à cause de la désertification ou d’autres utilisations (comme le bio-éthanol). Enfin, les catastrophes naturelles ont été nombreuses en 2010.

Pour toutes ces raisons, les matières premières agricoles vont renouer rapidement avec leur hausse. Cela ne signifie pas qu’il n’y a rien à faire. Trouver des solutions devient même urgent alors que la planète comptera plus de 9 milliards d’habitants en 2050 contre 7 milliards aujourd’hui.