Peut-on réindustrialiser la France ?

La question préoccupe les dirigeants politiques et la population alors que le taux de chômage ne cesse de monter : face à la globalisation de l’économie, peut-on stopper la désindustrialisation de la France voire entamer une ré-industrialisation ? La réponse est affirmative mais elle nécessite des réformes structurelles et du temps.

 
Traditionnellement dans ce pays, les gouvernants, de droite comme de gauche, dépensent leur énergie essentiellement à essayer de limiter les plans de suppressions d’emplois et l’accent est très peu mis sur l’environnement nécessaire aux créations d’emplois. 
 
Une certaine logique malthusienne imprègne encore les esprits, ce qui fait qu’en dehors des chefs d’entreprise personne ne parvient à combattre efficacement le déclinisme.
 
La France et l’Europe sont actuellement en récession et personne ne voit le bout du tunnel. Or, le continent dispose de solides atouts pour sortir de la crise.
 
Le président de Michelin, Jean-Dominique Sénard, dont le plan de restructuration a permis au fabricant de pneumatiques de sortir renforcé de la crise, expliquait récemment qu’il n’y avait « pas de fatalité à la désindustrialisation du monde occidental ».
 
Début juin, devant l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF), il assurait : « L’Europe peut retrouver le sens de l’industrie ». Mais il mettait comme première condition la nécessité de comprendre que nous traversons une période de mutation. 
 
Après plusieurs années de délocalisation vers des zones à faible coût de main d’œuvre, les entreprises constatent une « convergence des coûts des facteurs »
 
Selon Jean-Dominique Sénard, les coûts du travail sont ainsi en train de se « relativiser », en raison notamment des hausses de salaires dans les pays émergents, tandis que les ingénieurs se font rares sur certains segments. A tel point que le retour sur investissement d’une usine Michelin construite aux Etats-Unis est aujourd’hui similaire à celui d’un site en Chine.
 
La conclusion s’impose : seules les entreprises réellement globalisées, avec des implantations dans les principales zones, peuvent s’en sortir dans les prochaines années.
 
Michelin illustre très bien cette situation : le groupe affiche de bonnes performances opérationnelles en dépit du marasme du marché de l’automobile en Europe alors que Renault et PSA (Peugeot Citroen) par exemple, souffrent terriblement.
 
Mais cela ne signifie pas que les groupes industriels à dominante européenne sont condamnés. Ils doivent s’adapter, en investissant davantage dans l’innovation pour se différencier de la concurrence extérieure et aussi prendre de bonnes décisions stratégiques.
 
Plus globalement que faut-il aux yeux d’un dirigeant d’une grande entreprise industrielle pour favoriser la réindustrialisation de la France ? Pour Jean-Dominique Sénard, l’Etat doit donner une perspective de « forte stabilité réglementaire et fiscale » car les investissements se font sur plusieurs années voire décennies ; il doit aussi y avoir une meilleure compréhension de ce qu’un actionnaire peut faire pour une entreprise alors que l’image des actionnaires est particulièrement négative en France ; enfin, la question du dialogue social doit être traitée à froid et de ce point de vue l’accord de janvier dernier sur la sécurisation de l'emploi est considéré comme positif.
 
Après son élection à la présidence de la République, François Hollande, a adressé le signal qu’il croyait à la réindustrialisation du pays en créant un ministère du « Redressement productif ». Hélas, le titulaire du poste, Arnaud Montebourg, s’est focalisé sur les entreprises en  difficulté, avec parfois un discours très agressif, au détriment d’une vision prospective. Or, il s’agit avant tout de créer un environnement favorable à l’investissement.
 
La France a fait un grand pas avec l’accord social de janvier. Il s’agit désormais d’offrir de la visibilité à ceux qui veulent investir dans ce pays. Une fois le cadre établi, les entreprises devront faire leur part, en innovant, en investissant et en trouvant les moyens de commercialiser leurs produits. Mais imaginer que l’on pourrait faire l’inverse c’est faire fausse route.