Psychologie de l’investisseur dans un contexte d’allocation d’actifs

par Jean-Yves Dumont, Head of Asset Allocation Strategy & Funds chez Dexia AM

Octobre 2008 – Mars 2009 : le monde financier s'effondre. La confiance envers les actions atteint des plus bas historiques.
Octobre 2009 : les investisseurs sont accusés d'un excès d'optimisme concernant les perspectives économiques et bénéficiaires.

Comment cela s'est-il produit ? Comment la confiance est-elle mesurée ? Les investisseurs peuvent-ils profiter de cette situation ?

Les gestionnaires expérimentés savent qu'il existe une condition préalable majeure pour battre les marchés : gérer ses émotions afin de penser constamment de façon indépendante. Si cet objectif est atteint, le gestionnaire apportera souvent les bonnes réponses aux bonnes questions, deux des plus importantes étant : quand acheter lorsque les marchés sont en baisse et quand vendre lorsqu'ils rebondissent. En d'autres termes : quel est le meilleur moment pour être contrariant ?

L'approche contrariante

Certains investisseurs se qualifient eux-mêmes « d'investisseurs contrariants ». Prise au sens littéral, cette approche n'est pas vraiment sensée puisqu'elle présuppose de toujours prendre la position opposée à celle généralement adoptée par le marché. Mais regardons la situation en face : la plupart des investisseurs ne sont pas suffisamment forts pour résister éternellement au marché. En outre, le marché (p. ex., les gestionnaires de fonds, vous, moi) a, à vrai dire, souvent raison. Ces investisseurs veulent certainement dire qu'ils vont à contre-courant à des moments décisifs.

En règle générale, le premier conseil donné aux investisseurs soucieux de tester l'approche d’investissement contrariante est d'agir à l'opposé de ce que font les autres : autrement dit, il s'agit d'adopter une position baissière (haussière) lorsque tout le monde est optimiste (pessimiste). Toutefois, cette approche semble quelque peu simpliste pour deux raisons :

  • Premièrement : même si un niveau extrême de consensus ne constitue pas une donnée statique, un élément se distinguera toujours : sa nature excessive. Dès le début, il sera clair que l'intensité de l'excès dépendra fortement de l'environnement. Par conséquent, alors que l'histoire a tendance à se répéter, elle aura toujours une autre couleur.
  • Deuxièmement : il n'est pas rare d'observer un consensus extrême avant le point d’inflexion. La prise d’une position et sa gestion consécutive sont donc essentielles dès lors que les investisseurs décident d'agir après l'identification du consensus extrême.

Processus d'allocation d'actifs 

Dans son processus d'allocation d'actifs, Dexia Asset Management utilise l'approche d’investissement contrariante pour évaluer les risques de renversement de tendance. L'identification des différents environnements de marché, y compris le sentiment général des investisseurs, est essentielle à une identification correcte des opportunités d’investissement. Pour ce faire, nous disposons d'un outil dédié : le Proprietary Sentiment Index (PSI) de Dexia Asset Management qui s’appuie sur des mesures telles que le ratio haussier/baissier, le ratio des options de vente/d'achat, les biais, la volatilité et les positions nettes sur les marchés de contrats à terme. Les signaux PSI sont illustrés dans le graphique suivant pour le marché haussier de 2003 à 2007.

Comme indiqué précédemment, le PSI prend toute sa mesure dans deux types d'environnement spécifiques : l'excès d'optimisme et l'excès de pessimisme.

L'excès d'optimisme traduit deux émotions : l'avidité et l'espoir.

L'avidité apparaît généralement juste avant la fin d'un marché haussier. Malgré des avertissements (fondamentaux, techniques, comportementaux, …) selon lesquels les marchés pourraient s'approcher d'un point d’inflexion, les investisseurs, aveuglés par des perspectives d'accroissement des bénéfices, vont inconsciemment biaiser leur jugement et mal interpréter les mises en garde afin de préserver leur scénario.

L'espoir, d'autre part, est généralement ressenti par les investisseurs après une période de ventes massives. En fait, juste avant la fin d'un marché haussier, les investisseurs qui ont manqué le coche décident finalement de capituler et de revenir sur le marché.

Lorsque les cours viennent à baisser, ces investisseurs doivent gérer des pertes (parfois énormes). Lors d'un rebond du marché, leur premier souhait est de récupérer leurs pertes. C'est là que l'espoir intervient. L'espoir est un sentiment dangereux qui peut altérer l'objectivité du jugement. Dans ce cas, la décision d'investir se fonde sur le souhait d'assister à une hausse des cours plutôt que sur une évaluation rationnelle de la situation. La seule solution est de répondre à la question à mille euros : « les conditions qui m’ont poussé à investir en toute sécurité sont-elles toujours valables ? » Si la réponse est non, vous savez ce qu’il vous reste à faire.

De son côté, l'excès de pessimisme est une question de peur. Il ne faut pas grand-chose pour que la peur émerge : la publication de mauvais résultats, un indicateur économique décevant, une faillite, une fraude, … En d'autres termes, la peur est une conséquence directe de l'incertitude. Si ce sentiment n'est pas correctement maîtrisé, toute décision fondée sur la peur sera destructrice de valeur.

Conclusion

De nombreuses théories financières expliquent comment les cours sont déterminés par des calculs qui tiennent compte, par exemple, du cash-flow, des valeurs comptables et des bénéfices. Au fil du temps, des voix ont commencé à s'élever pour souligner que cet équilibre résultait plus de la perception globale du cours même que de calculs. Le sentiment des investisseurs est au cœur de ce processus. Inutile de dire que les sentiments, en raison de leur nature subjective, sont des animaux difficiles à apprivoiser. Toutefois, s'ils sont utilisés à bon escient, ils peuvent avoir un impact déterminant sur la prise de décisions, comme cela a été le cas pour nous en mars dernier.