Qu’apportera le nouveau Parlement allemand à l’économie et aux marchés?

par Sylvain Broyer , Costa Brunner et Nathalie Dezeure, économstes chez Natixis

L’Allemagne sera gouvernée pour les quatre prochaines années par le parti chrétien-démocrate allié aux libéraux. Mais l’opposition de gauche et des verts, totalisant 48% des sièges, sera puissante.

A la lecture des programmes politiques, cette élection suggère deux apports essentiels à l’économie et aux marchés :

  • La nouvelle majorité pourrait éviter d’avoir à augmenter les impôts dès le début de son mandat, l’Allemagne ayant consolidé ses finances publiques avant la crise. Une baisse de l’impôt sur le revenu est évoquée aujourd’hui. Elle resterait toutefois d’une ampleur symbolique (0,15pt de PIB de déficit, 0,3% de pouvoir d’achat).
  • La politique économique restera délibérément non-coopérative. La compétitivité-coût est un objectif affiché de la nouvelle majorité. La maîtrise des charges salariales sera innovante, avec notamment un financement de la santé par l’impôt. L’introduction possible d’un salaire minimum de 7,50 EUR réclamé par l’opposition n’altérerait en rien la compétitivité-cout (+0,3pt). Cette mesure cible les emplois non marchands et n’affecterait que 2,7% de l’emploi total.

De plus, la nouvelle majorité devra contourner deux écueils :

  • L’introduction d’un impôt sur les transactions boursières que réclame l’opposition. Calqué sur la Stamp Duty anglaise et destiné à freiner la spéculation, cet impôt pourrait conduire à une baisse des bourses, une hausse des investissements de portefeuille à l’étranger, une baisse des volumes de transactions.
  • L’arrêt des centrales nucléaires prévu pour 2020 et auquel s’oppose la nouvelle majorité. Toute évolution du débat influencera le cours boursier des entreprises du secteur.

L’Allemagne sera gouvernée pour les quatre prochaines années par une majorité chrétienne démocrate alliée aux libéraux. Toutefois, l’opposition de gauche et des verts sera forte.

Nous analysons ici ce que le nouveau Parlement allemand est susceptible d’apporter à l’économie et aux marchés.

Observons les programmatiques essentielles des partis représentés au nouveau Parlement allemand

 

Trois axes s’en dégagent :

  • Tactique électorale avec des mesures communes à tous les partis (politique parentale généreuse, hausse des dépenses d’éducation, augmentation de la part des énergies non renouvelables).
  • Deux points essentiels : absence affichée de consolidation budgétaire immédiate et propositions de baisse d’impôt sur le revenu ; politique de compétitivité coût toujours non coopérative. 
  • Des écueils probables avec l’introduction d’un impôt boursier ; un débat houleux sur l’abandon ou la continuation des centrales nucléaires.

1 – Tactique électorale

Trois mesures se retrouvent pratiquement à l’identique dans l’ensemble des programmes, quelle que soit la couleur du parti. Il s’agit d’une politique familiale plus généreuse (hausse des allocations et de la part enfant dans l’impôt sur le revenu, augmentation des places en crèche), une plus grande part d’énergies renouvelables et la hausse des dépenses d’éducation.

Les deux premières mesures seraient très favorables à l’Allemagne, tentant d’enrayer la faiblesse du taux de natalité, réduisant le poids des énergies fossiles. Quelles sources de financement et quelles modalités techniques sont envisagées ? Pour l’heure peu de réponses.

Perdons un mot sur la hausse des dépenses d’éducation. Souhaitable pour dynamiser la croissance potentielle, demandée aux Etats membres par la Commission Européenne dans l’agenda de Lisbonne, l‘Allemagne est un des pays européens les moins avancés en ce domaine. Mais passer de 4 à 7 voire 10% de PIB de R&D d’ici la fin de la nouvelle période législative nécessiterait de creuser de 1 à 1,5 point par an le déficit public : ce n’est pas finançable.

Ces trois mesures ne sont que des leurres, présentes dans tous les manifestes pour capter les votes indécis. Elles n’auront pas de lendemain sous cette forme. Trois heures après l’élection à peine, la nouvelle majorité ne s’accordait d’ailleurs en public que sur la hausse de la part enfants.

2 – Les points essentiels

Venons en maintenant aux points essentiels du débat parlementaire qui va s’engager.

2.1 – Baisse des impôts sur le revenu ?

La promesse d’une baisse des impôts sur le revenu semble chimérique dans un contexte où les comptes publics, sous l’influence de la crise, les plans de sauvetage des banques et la relance conjoncturelle, se dégradent bien au delà des limites données par Maastricht.

D’ailleurs, les sondages révèlent qu’à peine un tiers des allemands croient en ces promesses.

Soulignons, tant il est rare néanmoins, que l’Allemagne présentait des comptes publics en équilibre avant la crise. Le pays avait consolidé ses finances par une baisse des prestations chômage à partir de 2004 (Hartz IV) et une hausse de TVA en 2007.

Les marges de manœuvre budgétaire sont donc actuellement plus élevées en Allemagne que dans les autres grands pays membres de l’Union monétaire.

Que coûterait la proposition de la CDU, une baisse de 2 points du taux minimum d’imposition sur le revenu, au budget public ?

Une estimation sommaire indique que la semi-élasticité du produit fiscal est de 1,2 au taux d’imposition (et de 0,05 au seuil libératoire). Une baisse de 2 points de l’impôt sur le revenu dégraderait donc le solde budgétaire de l’Etat de 4 Mrd EUR, soit un besoin de financement de 0,15 point de PIB : marginal au regard des 6 points de déficit qui se dessinent pour 2010.

Elle augmenterait en revanche le revenu disponible des ménages de 4 Mrds EUR, ce qui autoriserait une hausse de 0,3 point de la consommation.

Pour aussi chimérique qu’elle paraisse, une baisse symbolique de l’impôt sur le revenu ne peut donc pas être totalement exclue en Allemagne, du moins sur la première moitié de la nouvelle législation.

2.2 – Politique toujours non coopérative ?

Il se dégage de la lecture transversale des programmes politiques, explicitement dans le cas de la CDU, la volonté de ne pas défaire les gains de compétitivité-coût. Il est vrai qu’ils ont été durement acquis depuis 2003, restaurant la compétitivité perdue au cours de la décennie précédente, par le gel des coûts salariaux dans le secteur marchand et la maîtrise des cotisations sociales.

Cette politique de compétitivité a été qualifiée par les partenaires européens de l’Allemagne, de « dumping » salarial au pire, de politique « non coopérative » au mieux. Les critiques ne devraient pas se taire avec le nouveau parlement.

Mais cet objectif politique s’impose outre-Rhin à un moment où l’Allemagne vient d’abandonner sa place de première puissance exportatrice à la Chine, tandis que la croissance des dernières années provient essentiellement de la demande extérieure.

Si les finances publiques ne permettent pas, au-delà des baisses d’impôt promises, d’abaisser encore le coût du travail hors salaire via les cotisations sociales, la future majorité allemande s’efforcera de les stabiliser. Mais ceci est d’autant plus difficile que les perspectives démographiques ne laissent aucune marge de manœuvre du côté des cotisations retraite et dépendance vieillesse, alors que la réforme Hartz a permis de réduire les cotisations chômage à un minimum.

Il est donc des plus intéressants de noter les propositions de l’Union et des libéraux d’affranchir progressivement le financement de la santé des charges salariales pour le rapprocher du produit de l’impôt (sur le tabac par exemple pour la CDU). Une telle mesure de compétitivité coût serait non coopérative.

L’introduction d’un salaire minimum, une proposition des partis de gauche et écologiques, remettrait-elle en cause la politique allemande de compétitivité-coût ? La réponse est négative.

Il est proposé d’introduire un salaire minimum horaire de 7,50 EUR. Cette proposition ne concerne quasiment personne : Seulement 2,7% des emplois sont rémunérés à un salaire inférieur (de 6,74 EUR en moyenne). Une indexation à hauteur de 7,50 EUR/heure ne coûterait donc que 0,3 point de salaire par tête à l’ensemble de l’économie (=11%*2,7%). En supposant que la productivité reste constante, la compétitivité-coût serait ponctionnée d’autant. Elle a au contraire augmenté de 13 points ces cinq dernières années.

Ensuite, les personnes rémunérées à moins que ce salaire horaire se retrouvent surtout dans les secteurs non marchands (restauration, services à la personne, etc.). Nous estimons que 0,3% des personnes employées dans le secteur marchand sont rémunérés en dessous de ce taux horaire.

L’introduction d’un salaire minimum à 7,50 EUR n’aurait aucun effet sur la compétitivité du secteur marchand, et ne conduirait à aucune perte de part de marché à l’exportation.

Vu le nombre d’emploi concernés, l’effet sur le pouvoir d’achat sera nul. Le seul effet notoire sera de faire augmenter le chômage des jeunes (moins de 20 ans) non qualifiés.

3 – Les futurs écueils du nouveau parlement

Deux thématiques présentes dans les manifestes politiques aujourd’hui, pourraient demain envenimer le débat parlementaire allemand.

3.1 – Un impôt sur les transactions boursières

Les groupes socialiste, vert et gauche radicale se déclarent favorables à l’introduction d’un impôt sur les transactions boursières. Représentant aujourd’hui quelques 48% du parlement allemand, leur idée pourrait faire son chemin. D’autant que ces partis souhaiteraient la voir grandir en Europe.

Le système s’apparente à la « stamp duty » modifiée en 1986 en Angleterre. Destinée à limiter la spéculation, elle cherche à diminuer le nombre de transactions boursières en les taxant – de 0,5% à 1,5% à partir d’un montant de 1000 EUR. Une telle taxation n’a eu dans le cas anglais qu’un effet temporaire et faible : baisse des cours boursiers et hausse des investissements de portefeuille britanniques à l’étranger. Elle pourrait en revanche apporter une réduction substantielle des volumes journaliers.

3.2 – Le débat sur le nucléaire

Le gouvernement de Gerhard Schröder avait signé l’arrêt des réacteurs nucléaires allemand à horizon 2020. La grande coalition n’est pas revenue sur cette décision, malgré un lobbysme puissant. Toutefois un clivage toujours plus profond se dessine autour de la question, l’Union et les libéraux souhaitant ouvertement annuler la décision, les verts et les socialistes la voir appliquer.

Toute évolution du débat pourra, à n’en pas douter, influencer le cours boursiers des entreprises du secteur.

Synthèse : Business as usual… for now

L’Allemagne sera gouvernée pour les quatre prochaines années par le parti chrétien-démocrate allié aux libéraux. Toutefois, l’opposition de gauche et des verts, totalisant 48% des sièges, sera puissante.

A la lecture des programmes politiques, cette élection suggère deux apports essentiels à l’économie et aux marchés :

  • La nouvelle majorité pourrait éviter d’avoir à augmenter les impôts dès le début de son mandat, l’Allemagne ayant consolidé ses finances publiques avant la crise. Une baisse de l’impôt sur le revenu est évoquée aujourd’hui. Elle resterait toutefois d’une ampleur symbolique (0,15pt de PIB de déficit, 0,3% de pouvoir d’achat).
  • La politique économique restera non-coopérative. La compétitivité-coût est un objectif affiché de la nouvelle majorité. La maîtrise des charges salariales sera innovante, notamment avec un financement de la santé par l’impôt. L’introduction possible d’un salaire minimum de 7,50 EUR réclamé par l’opposition cible les emplois non marchands et n’altérerait en rien la compétitivité-cout de l’économie allemande (+0,3pt).

De plus, la nouvelle majorité aura deux écueils à contourner :

  • L’introduction d’un impôt sur les transactions boursières que réclame l’opposition. Calqué sur la Stamp Duty anglaise et destiné à freiner la spéculation, cet impôt pourrait conduire à une baisse des bourses, une hausse des investissements de portefeuille à l’étranger, une baisse des volumes de transactions.
  • L’arrêt des centrales nucléaires prévu pour 2020 auquel s’oppose la nouvelle majorité. Toute évolution du débat influencera le cours boursier des entreprises du secteur.

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