Quel impact macroéconomique de l’attentat de Nice ?

par Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique chez Natixis AM

Une fois encore la France est touchée par un attentat de grande ampleur. Pour un économiste la question posée est celle de son impact sur le profil de l’activité. J’avais déjà évoqué cette question après l’attentat de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 (voir ici) et après celui du Bataclan du 13 novembre 2015 (voir ici).

Deux conclusions ressortaient de ces analyses.

  1. Depuis les attentats du World Trade Center du 11 septembre 2001, l’impact des attentats est peu perceptible à l’échelle macroéconomique. Les tendances ne sont pas remises en cause. En d’autres termes, cela ne crée pas d’effet négatif persistant. Ce phénomène est confirmé en France puisque les évènements de janvier et de novembre 2015 n’ont pas infléchi de façon perceptible le profil de la croissance française
  2. Il faut néanmoins une gestion active de la situation afin d’inverser rapidement les anticipations de l’ensemble des acteurs de l’économie.

Au delà de ces conclusions qui restent valides, la question porte sur l’impact que peut avoir l’attentat de Nice alors que ceux de janvier et novembre 2015 sont encore dans tous les esprits ?

La gestion active sera la clé de la situation actuelle. Cependant, il faudra changer de façon de faire car l’état d’urgence était déjà en place. Le prolonger en l’état comme cela a été indiqué par François Hollande ne sera pas suffisant. L’enjeu sera là. Il faudra aussi que chacun intègre dans son comportement l’idée que ce type d’évènement puisse être de probabilité non nulle. C’est une rupture par rapport au passé et l’entrée dans une nouvelle ère.

Pour l’instant nous ferons l’hypothèse que le profil de la croissance française ne sera pas infléchi par l’attentat de Nice.

Cependant, l’incertitude récurrente peut créer de l’attentisme des acteurs de l’économie. Généralement cet effet n’est pas persistant comme indiqué dans le point 1, mais la répétition des évènements pourrait avoir un effet non perçu par le passé. Une gestion active de la situation est donc essentielle pour faire face à ce nouvel environnement.

L’impact sur l’image de la France sera probablement l’élément clé. Les non résidents risquent de percevoir la France comme un pays à risque. Cela a déjà été noté pour le tourisme à Paris avec une fréquentation plus réduite en relation avec les attentats (voir ici)

C’est aussi une question posée pour l’investissement direct. En 2015, le nombre de projets d’investissements directs en France a reculé alors qu’il augmentait en Allemagne et au Royaume Uni (voir ici). Les facteurs habituels (fiscalité, flexibilité,…) sont importants mais il ne peut être exclu que des projets aient été remis en cause à cause des attentats.

Pour la région spécifique de la Côte d’Azur il y a deux problématiques spécifiques.

La première est que la Côte d’Azur avec 11 millions de touristes est la 2ème région touristique française. La ville de Nice reçoit 4 millions de visiteurs. Ces chiffres sont importants et sont associés à 150 000 emplois (voir ici). L’impact de l’attentat du 14 juillet pourrait avoir un effet marqué pour la région alors que débute la saison estivale. Il faudra observer l’évolution des réservations touristiques dans les prochaines semaines.

L’autre point est l’attrait de la région en matière immobilière. Cela est marqué pour le secteur résidentiel. C’est ce que montre cette note de l’INSEE qui indique que le nombre de logements augmente trois fois plus vite que celle de la population depuis 2007 (voir ici). C’est aussi un point d’ancrage pour les investisseurs étrangers. Ils y sont nombreux et très actifs.

Il est trop tôt pour conclure mais c’est un risque qu’il faudra intégrer. La spécificité de l’attentat de Nice est qu’un évènement aussi dramatique peut avoir lieu dans n’importe quelle région et n’est plus spécifique à Paris. La défiance vis à vis de la France n’en sera qu’accentuée d’où la nécessité d’une gestion plus active de la situation et pas simplement vis à vis des résidents en France.