Quel pays est le mieux placé pour sortir de la crise ?

par Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management

Les signaux sur l'activité économique se sont montrés plus rassurants sur le second trimestre 2009. En Allemagne et en France, le taux de croissance est à nouveau positif après quatre trimestres de recul et s’affiche à + 0,3 %. Aux Etats-Unis, le repli de l'activité a été nettement moins rapide et la dynamique du marché du travail s'est infléchie : les destructions d'emplois sont désormais inférieures, et de loin, à celles enregistrées au tournant de l'année 2008/2009.

Une mise en perspective est cependant nécessaire pour mieux percevoir les tendances, ruptures ou renversements à l’œuvre. Il s’agit en effet de dégager les orientations qui vont conditionner l'activité des mois à venir et dessiner les contours d’une sortie de la récession.

La présente comparaison repose sur 4 pays : un pays nord-américain (les Etats-Unis) et trois pays européens (l'Allemagne, l'Angleterre et la France). Sont également considérés deux indicateurs(1) et leur ratio : le PIB, l'emploi et le rapport entre PIB et emploi qui donne une indication sur l'évolution de la productivité.

Comment évolue le PIB ?

A la fin du deuxième trimestre 2009, le PIB français est le mieux orienté. Sur une base 100 en 2005(1), il s'inscrit à 102,7 contre 102 aux Etats-Unis, 101,4 en Allemagne et 101,1 en Angleterre.

La France a en effet eu une performance équivalente à celle des Etats-Unis sur la période haussière du cycle(2). Sur cette période, le taux de croissance annuel moyen a atteint +2,2 % en France et + 2,1 % aux Etats-Unis.

Une rupture de grande ampleur a suivi : l'activité a reculé de 3,1 % en France et de 3,9 % aux Etats-Unis entre le point haut du cycle et le second trimestre 2009

L'Allemagne et l'Angleterre ont connu des parcours beaucoup plus chaotiques puisqu’elles ont bénéficié d’une performance spectaculaire, avant de connaître un important revers. De 2005 jusqu’au point haut du premier trimestre 2008, la croissance annuelle moyenne de l'Allemagne était de 3 % et celle de l'Angleterre de 2,7 %. Puis le mouvement de rupture a été brutal : le PIB allemand a perdu 6,4 % (même en prenant en compte la reprise de + 0,3 % au printemps et le PIB anglais a reculé de 5,7 %.

La tendance sur l’emploi

Les profils de l'emploi sont beaucoup plus hétérogènes que ceux de l’activité.

Les Etats-Unis ont connu un net mouvement de repli sur l’emploi à partir du point haut du dernier trimestre 2007. Un repli qui a été bien plus rapide que le recul du PIB.

Si l'emploi s'est aussi ajusté en France et en Angleterre, le mouvement fut de moindre ampleur qu'aux Etats-Unis et plus limité au regard de la baisse d'activité.

Par rapport au point haut du cycle, l'emploi affiche une baisse de 4,6 % aux Etats-Unis et, respectivement, de 2,3 % et 2,7 % en Angleterre et en France.

Le cas le plus énigmatique est celui de l'Allemagne. En dépit d'une rupture marquée sur l'activité, l'emploi ne s’est infléchi que de 0,38 % par rapport au point haut du troisième trimestre 2008.

Cet ajustement très limité de l'emploi reflète la hausse significative du travail à temps partiel, dont le coût est en partie pris en charge par l'Etat. En conséquence, les entreprises peuvent avoir intérêt à recourir à ce procédé si elles considèrent que le recul de l'activité n'est que transitoire.

Qu’en est-il de la productivité ?

Le rapport du PIB à l'emploi donne aussi une image très hétérogène.

Aux Etats-Unis, le rapport progresse de façon presque linéaire(3).

La productivité française est relativement stable depuis 2006 oscillant entre les bornes 101 et 102 selon nos calculs. En Angleterre et en Allemagne en revanche, le fort mouvement d'accélération de la productivité s'est inversé brutalement.

L'ampleur de la rupture a été très spectaculaire en Allemagne en raison d'une baisse profonde de l'activité alors que l'emploi était quasiment stable.

Ces mouvements différenciés observés sur la productivité donnent des indications sur les degrés de liberté dont peuvent disposer les entreprises. Comme une hausse de la productivité a tendance à alléger les coûts de production et les coûts salariaux, sa baisse marquée en Allemagne a été synonyme d'accélération à la hausse des coûts salariaux.

Conséquences et conclusions

L'ensemble de ces indicateurs suggère que, dans cette phase de reprise, les Etats-Unis sont probablement les mieux placés.

L'ampleur exceptionnelle de l’ajustement sur l'emploi a été supérieure au repli du PIB, dégageant ainsi des marges de manœuvre pour les entreprises américaines.

La situation la plus complexe demeure celle de l'Allemagne, puisque les entreprises risquent d'être durablement confrontées à une problématique de profitabilité. Si la production ne reprend pas rapidement pour améliorer le profil de la productivité et donc des coûts salariaux, on doit s’attendre à une adaptation importante sur l'emploi, ce qui fragiliserait avec retard la dynamique interne de l'Allemagne. La période post-élections du 27 septembre pourrait être cruciale sur ce point.

En Angleterre, on peut craindre des répercussions supplémentaires sur l'emploi en vue de limiter l'inflexion de la productivité et l’accroissement des coûts salariaux. C'est une condition nécessaire pour desserrer la contrainte qui pèse sur les entreprises et leur donner les moyens de redistribuer du pouvoir d'achat au même rythme que durant la partie positive du cycle.

En France, l'indicateur de productivité évolue peu sur l'ensemble du cycle. Cela reflète une certaine stabilité macroéconomique de l'économie française qui, si elle n'est pas la plus performante durant la phase haussière du cycle, est également celle qui résiste le mieux lorsque les conditions deviennent moins favorables. Cette position « moyenne » se retrouve dans la progression limitée de la productivité quelle que soit la phase du cycle économique. D'une manière générale, le risque de rupture semble donc faible pour l’Hexagone. En contrepartie, l'ampleur de la reprise y est réduite et la distribution de revenus contrainte.

NOTES

  1. Tous les indicateurs ont été mis en base 100 en 2005, ce qui permet de mieux observer les évolutions contemporaines. Une base 100 à une date plus récente aurait eu tendance à "écraser" les données, limitant ainsi les comparaisons (visuellement parlant). La hiérarchie sur les derniers points n'est pas affectée par cette base.
  2. Période haussière du cycle : du premier trimestre 2005 au premier trimestre 2008 pour la France, alors qu’elle a perduré jusqu’au deuxième trimestre 2008 pour les Etats-Unis.