Quels scénarios de croissance pour les principaux pays développés en 2010 ?

par Florian Roger, économiste chez Crédit Agricole AM

L’analyse de la dynamique des données réelles et des indicateurs avancés en cette période de rentrée permet d’envisager plus précisément l’évolution de la situation économique pour la fin 2009 et de se projeter davantage sur 2010. Ceci permet notamment de discerner plus aisément les scénarios économiques qui pourraient se développer durant l’année prochaine dans les principaux pays développés.

Nous proposons ici d’exposer trois éventualités qui nous semblent les plus probables, en leur affectant à titre indicatif des probabilités :

Scénario central (55%)

La France, l’Allemagne et le Japon ont renoué avec une croissance positive au deuxième trimestre 2009 (respectivement +0,3%, +0,3%, +0,6%t/t), tandis que les Etats-Unis connaissaient une contraction d’activité nettement moindre(-1%contre-6,4% au T1 t/t annualisé).

Globalement, cette amélioration devrait se poursuivre dans les pays développés au troisième trimestre 2009. En effet, la faiblesse du niveau des stocks dans le commerce de détail et le succès de la prime à la casse dans le secteur automobile appellent un rebond substantiel de la production industrielle dans de nombreux pays.

Au tournant de l’année 2009/2010, l’extinction de certaines mesures de stimulation budgétaire ainsi qu’une dynamique moins favorable sur le revenu disponible et l’inflation pourraient, en revanche, entraîner une inflexion du profil de croissance. La confiance des ménages reste historiquement faible et la demande apparaît particulièrement fragilisée par la montée du taux de chômage, notamment aux Etats-Unis où la situation patrimoniale et financière des ménages demeure problématique. Par conséquent, nous prévoyons un tassement de la reprise en début de l'année prochaine sans toutefois privilégier l’hypothèse d’un retour en récession.

En effet, la réduction rapide du stress financier est de nature à permettre une évolution plus favorable des facteurs de production (investissement et emploi) et à écarter toute nouvelle cassure de la consommation. Par ailleurs, le policy mix (politique monétaire et dépenses publiques) devrait rester durablement accommodant et soutenir l’activité. Au final, la reprise nous paraît donc durable pour 2010, mais heurtée, avec une évolution plus favorable sur la seconde partie de l’année (avec un possible rebond technique de l’investissement en réponse au contre-choc financier). A moyen terme, nous anticipons une baisse du potentiel de croissance pour de nombreuses économies développées, spécifiquement liée à l'alourdissement de la charge de la dette publique.

Scénario alternatif 1 : (25%)

En première alternative, nous privilégions l’hypothèse d’une rechute (scénario en forme de "W"). Celle-ci pourrait résulter d’un choc exogène (hausse brutale des prix du pétrole, pandémie,…) ou d’une erreur de politique économique en sortie de crise (hausse prématurée des taux d’intérêt) affectant une demande déjà fragilisée. Une nouvelle baisse de la consommation, qui s’avèrerait préjudiciable pour les résultats des entreprises, pourrait réactiver des boucles délétères entre les sphères réelle et financière.

Scénario alternatif 2 : (15%)

En seconde alternative, nous retenons l’hypothèse d'une reprise économique forte où les politiques économiques extrêmement accommodantes, la reprise de la demande mondiale (dans les pays émergents en particulier) et la baisse du stress financier génèrent des flux successifs de surprises positives sur le crédit et les résultats des entreprises, permettant une reflation des actifs. Il pourrait alors en découler une situation financière favorable octroyant aux entreprises la possibilité d’enclencher des spirales positives entre emploi et consommation.

En conclusion, nous conservons une ouverture dans la mise en probabilité de ces trois scénarios qui, de toute évidence, ne peuvent permettre d’appréhender l’ensemble des états de la nature d’un environnement économique qui demeure particulièrement incertain et toujours dépendant de l'évolution de la sphère financière.