Référendum italien :
qu’attendre après la victoire du Non ?

par Didier Borowski, Responsable de la Macroéconomie chez Amundi, et Sergio Bertoncini, Stratégie et Recherche Economique chez Amundi Milan

Ce dimanche, la proposition de réforme de la Constitution italienne a été rejetée par une large majorité de la population : 19,38 millions d’électeurs (59,2%) ont voté ‘Non’ tandis que 13,4 millions (40,8%) ont voté ‘Oui’ à la réforme du Sénat. C’est une victoire du camp du ‘Non’ d’autant plus significative que le taux de participation est très élevé au regard des standards italiens. Ce résultat est un camouflet pour le premier ministre Matteo Renzi qui a immédiatement annoncé son intention de présenter sa démission ce lundi.

Parmi les changements à la constitution proposés lors de ce référendum, les Italiens devaient se prononcer sur une réforme mettant fin au bicamérisme parfait, réformer le Sénat et redéfinir la répartition des prérogatives ente les régions et le gouvernement central. Ce résultat ne constitue pas une surprise, tous les sondages d’opinion indiquant jusqu’à deux semaines avant le vote, que le camp du ‘Non’ était en tête et que la part des votants indécis, bien que relativement importante, se réduisait et se tournait majoritairement vers le camp du ‘Non’.

Les marchés avaient anticipé une victoire du ‘Non’

En dépit d’une certaine incertitude, les résultats des sondages d’opinion ont conduit les marchés à escompter une plus grande probabilité d’une victoire du ‘Non’. L’écart de taux 10ans BTP contre Bund était resté stable autour de 130 pb en octobre puis s’est tendu progressivement en un mois pour atteindre 190 pb environ il y a une dizaine de jours pour redescendre légèrement peu avant le vote. Cependant, le niveau atteint vendredi en clôture était le plus élevé depuis 2 ans, plus important encore que celui atteint lors de la crise grecque de juin 2015. Dans le même temps, les actions italiennes ont sous performé les autres marchés européens ces dernières semaines, et notamment les valeurs financières, plus affectées par l’incertitude liée à la victoire du ‘Non’.

Ainsi, les conditions de marché actuelles sont différentes de celles qui prévalaient lors des derniers scrutins. A titre d’exemple les sondages anticipaient tous une probabilité plus élevée d’une victoire du Bremain contre le Brexit lors du referendum Britannique de juin dernier. En résumé, nous estimons que le résultat du référendum était partiellement escompté et ne devrait donc pas générer une forte réaction de marché.

La BCE devrait intervenir en cas de pics de volatilité à court terme

La réunion de la BCE prévue pour ce jeudi devrait empêcher des mouvements de marché trop importants et les acteurs anticipent une annonce d’extension du programme de QE au-delà de mars 2017. Le tout dernier message de Mario Draghi et d’autres dirigeants de la BCE, tel Vitor Constancio, confirmait la détermination de la banque centrale d’atteindre son objectif d’inflation et de maintenir la stabilité financière. Dans ce contexte, la BCE devrait probablement surveiller étroitement les possibles effets de contagion. L’un des objectifs les plus souvent cités par la BCE est la réduction de la fragmentation financière au sein de la zone euro. A titre d’exemple, les taux d’intérêt accordés aux PME ont convergé au sein de la zone euro (les PME italiennes peuvent emprunter au même taux que les PME allemandes).

Mais gardons à l'esprit, que l'économie italienne reste particulièrement morose malgré des taux d'intérêt ultra-bas. La défragmentation financière a peu profité à l'économie réelle jusqu’à présent : le PIB en Italie n’est pas encore revenu à son niveau de 2011. L'économie est tombée dans un piège de croissance basse et de chômage élevé, et il lui faudra plusieurs années pour s’en extraire. Maintenir les taux d'intérêt à un niveau bas (c'est-à-dire en-dessous de la croissance du PIB nominal) est une condition préalable pour une reprise durable, ainsi que pour garantir la soutenabilité de la dette publique. Ceci est d'autant plus vrai que la croissance potentielle en Italie a davantage chuté que dans le reste de la zone euro : d'une part, la population italienne vieillit rapidement (celle-ci a même baissé en 2015) et, d'autre part, la productivité a fortement ralenti (ceci est un phénomène mondial).

Pour faire face à ce contexte économique sombre, nous anticipons que la BCE mettra en place (si besoin) les mesures requises pour maintenir les avancées obtenues ces dernières années grâce au QE. Autrement dit, la BCE devrait tout faire pour maintenir à un niveau bas le rendement des obligations d’Etat de la zone euro.

Quel est le scenario le plus probable à l’issue de ce referendum ?

Nous anticipons que le Président Mattarella désignera un nouveau premier ministre d’ici peu. Un gouvernement technique est plus probable qu’un gouvernement de coalition. En effet, ce dernier devrait probablement faire face à de nombreuses difficultés pour faire passer des réformes et pour parvenir à un accord sur la loi électorale. Seul un gouvernement technique semble capable de porter une réforme de la loi électorale.

Pourquoi des élections anticipées sont peu probables dans l’immédiat ?

Les élections générales auront probablement lieu en février 2018, comme initialement prévu, ou lors du second semestre 2017 au plus tôt. Des élections anticipées au 1er semestre 2017 sont très peu probables, la loi électorale devant être changée au préalable. La Droite est déjà disposée à participer à un gouvernement qui introduira une nouvelle loi électorale. Le parti Démocrate de Matteo Renzi aura des difficultés à mener un nouveau gouvernement. A noter ; les seuls partis demandant des élections immédiates sont la Ligue du Nord et le mouvement 5 étoiles.

Une des principales conséquences de la victoire du ‘Non’ est que le système actuel (parfait bicamérisme) reste en place. Ainsi, le changement de la loi électorale sera la tâche principale du prochain gouvernement, l'Italicum (la nouvelle loi électorale) n'étant pas compatible avec le bicamérisme parfait qui continuera à prévaloir puisque la réforme a échoué. Par ailleurs, la Cour Constitutionnelle pourrait statuer sur l’inconstitutionnalité de l'Italicum. Ainsi, il est peu probable que la loi électorale survive dans sa forme actuelle.

Vers une nouvelle loi électorale … qui devrait diminuer les chances des partis populistes d'obtenir une majorité

L'Italicum doit être revue pour inclure une notion plus significative de proportionnelle. Le maintien du Sénat, dont la loi électorale actuelle est déjà fortement proportionnelle et qui a les mêmes pouvoirs que la Chambre basse, devrait conduire à une réécriture de la loi électorale de la chambre basse pour introduire une plus grande dose de proportionnelle.

C’est important pour les prochaines élections, car la réécriture d’une nouvelle loi électorale devrait diminuer la possibilité qu’un parti populiste ou anti-euro obtienne la majorité ; et au contraire accroître la probabilité d’un gouvernement de coalition avec des partis de gouvernement traditionnels.