Risque bancaire et risque souverain : le retour

La crise chypriote a remis au centre des débats le dossier sensible de la situation des banques en Europe. En taxant les dépôts des habitants de cette île, les dirigeants européens semblent préparer les esprits à de nouvelles crises bancaires dans d’autres Etats membres. Pour éviter une panique, il faut accélérer la mise en œuvre de l’Union bancaire.

Il y a une bonne dose de mauvaise foi de la part de ceux qui pilotent les institutions européennes quand ils font mine de découvrir que le secteur bancaire chypriote était hypertrophié (entre 6 et 8 fois le Produit intérieur brut, selon les estimations) et qu’il fallait agir très vite, en sanctionnant, pour la première fois, les épargnants. 
 
Les CDS de Chypre sont en progression forte depuis début 2011. Personne à la Commission à Bruxelles et à la Banque centrale européenne (BCE) Francfort ne s’en est rendu compte ? Aveuglement ou incompétence ? On n’ose le croire. On peut donc voir une stratégie des dirigeants européens pour faire passer la pilule amère d’une taxe sur les dépôts. 
 
Car, il est acquis désormais, en dépit des démentis peu convaincants des responsables de la zone euro, que la taxe sur les dépôts bancaires imposée aux Chypriotes (avec une exemption pour ceux qui ont moins de 100.000 euros) sera de nouveau utilisée à l’avenir.
 
Pour une raison simple : les fonds de garantie nationaux sont insuffisants en cas de panique bancaire (Bank Run). Si une banque est une grande difficulté, la garantie sur les 100.000 euros en principe en vigueur dans la zone euro ne pourra être apportée que par l’Etat et celui-ci se retournera forcément vers le contribuable, qui devra puiser dans son épargne. Donc, autant faire simple et taxer directement les dépôts à partir d’un certain montant.
 
Techniquement, la mesure peut se justifier mais elle met à mal la confiance du citoyen dans sa banque. Dans les pays développés, les économies sont bancarisées par la volonté des pouvoirs publics. Si une banque a des problèmes, elle doit faire appel à ses actionnaires puis à ses créanciers. En dernier recours, elle peut solliciter l’Etat à cause du risque systémique éventuel. C’est ce qui s’est passé. Mais sanctionner les épargnants, cela était exclu jusqu’ici.
 
Si la taxe sur les dépôts a été décidée, c’est que les problèmes bancaires dans la zone euro sont particulièrement graves : telle est l’opinion de nombre d’intervenants sur les marchés financiers. En une semaine, Unicredit a perdu 8% de sa valeur, Société Générale 8% également, Deutsche Bank 6%, BNP Paribas 3,7%, Santander 6,7%. A contrario, les titres HSBC et Barclays, dépendant d’un pays hors zone euro, sont restés stables.
 
Les dirigeants européens doivent prendre des mesures pour rétablir la confiance dans les banques, montrer que ce secteur crucial pour l’économie est solide et soutenu.
 
C’est crucial car la zone euro est en récession. Tant que le financement du secteur privé ne se redressera pas, il sera illusoire de croire à un retour de la croissance. On est dans un cercle vicieux où la fragilisation d’un Etat impacte négativement les banques de toute la zone euro. 
 
Comme le dit Laurent Geronomi, directeur de la gestion Taux et Crédit chez Swiss Life Banque Privée, « On n’a pas encore réussi à casser le lien entre le risque bancaire et le risque souverain ».
 
Pour en sortir, la zone euro doit se doter d’une Union bancaire, avec une autorité de supervision, un système de solution de crise et un fonds d’intervention. Mais le calendrier ne tient pas compte de l’urgence. La Commission européenne doit soumettre son projet cet été et la mise en œuvre est prévue pour 2014. Suite à la crise chypriote, les dirigeants de la zone euro, s’ils veulent effacer l’impression d’amateurisme donnée à cette occasion, doivent accélérer leurs travaux afin de rassurer les marchés financiers et, surtout, les citoyens.