Suède : l’économie fragilisée subit une crise de défiance

par Nathalie Dezeure, économiste chez Natixis

La Suède s’est enfoncée dans la récession au quatrième trimestre 2008 avec un recul du PIB de 2,4% T/T. En 2008, le PIB suédois a ainsi reculé de 0,5%. Avec un taux d’ouverture supérieur à 50% et des exportations dominées par l’automobile et les biens d’équipements, la Suède est doublement exposée au choc que connaît actuellement la demande mondiale.

Comme pour toute petite économie ouverte en régime de change flexible, la devise fait les frais de cet ajustement. La couronne subit une vague de défiance, largement accentuée par la situation des banques suédoises et en particulier par leur exposition aux Etats Baltes. Une faillite bancaire dans ces pays serait très coûteuse pour les banques suédoises et nécessiterait l’intervention de l’Etat. Un choc que la Suède apparaît toutefois en mesure d’absorber.

La Suède s’est enfoncée dans la récession au quatrième trimestre 2008 avec un recul du PIB de 2,4% T/T, après déjà trois trimestres de replis (les trimestres précédents ont été sensiblement révisés en baisse). En 2008, le PIB suédois a ainsi reculé de 0,5%.

Le déstockage n’explique qu’une partie de la forte baisse du PIB enregistrée fin 2008 (-0,4 %). Toutes les composantes de la demande se sont repliées :

  • 1,2% T/T pour la consommation des ménages (soit une contribution de -0,6% à la croissance),
  • 0,3% pour la consommation publique ou encore -3,8% pour les exportations, dont -5,9% pour les exportations de biens. Alors que les importations ont perdu 2,9%, le commerce a lourdement pesé sur la croissance (-0,8%).

Ces développements sont caractéristiques d’une petite économie ouverte confrontée à un choc de demande. Avec un taux d’ouverture (exportations rapportées aux PIB) supérieur à 50%, la Suède est particulièrement exposée aux retournements de la demande mondiale.

En outre, dans le contexte actuel, la structure des exportations suédoises accentue les effets de la baisse de la demande mondiale :

  • le secteur automobile représente 13% des exportations et 4% de la valeur ajoutée (VA). Avec l’Allemagne, il s’agit du pays où le poids de l’industrie automobile est le plus élevé ;
  • le secteur des biens d’équipement, 12,5% des exportations et 3,6% de la VA ; – le secteur des télécom 6,7% des exportations.

Face à la baisse de la demande mondiale et à la détérioration des perspectives, le taux de change subit, comme dans toute petite économie ouverte en régime de change flexible (la Suède a adopté un régime de change flexible depuis novembre 92 et n’a pas adhéré au MC2 en 1999), une vague de défiance.

Celle-ci est accentuée par la crise financière et plus particulièrement par la situation des banques suédoises. Après avoir perdu 11,1% au dernier trimestre 2008, la couronne suédoise s’est encore dépréciée de 8,3% entre le 10 février et le 10 mars derniers.

Le poids du secteur financier dans la VA est de 5,6%, ce qui reste limité, mais les actifs des banques sont relativement élevés. Ils représentent 195% du PIB ce qui est cependant en dessous de la moyenne des pays de la zone euro (344% du PIB).

De même, les engagements externes nets des banques suédoises restent contenus (20% du PIB). A titre de comparaison, ces ratios sont bien inférieurs à ceux affichées par l’Islande à la veille de la faillite (les actifs des banques représentaient 1380% du PIB et les engagements externes 700%).

Mais les risques se situent ailleurs, notamment dans l’exposition aux pays d’Europe de l’Est. Plus particulièrement, l’effondrement des états baltes constitue un risque majeur pour les banques suédoises.

En effet, au cours des dernières années Les banques suédoises ont largement prêtés aux états baltes et leur exposition a sensiblement augmenté passant de près de 20 Mds USD fin 2004 à 80,3 Mds fin 200 8 (environ 15% du PIB suédois).

La Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement estime que les créances douteuses dans les pays d’Europe de l’Est pourraient s’élever à 20%, impliquant une perte pour les banques suédoises de l’ordre de 3% du PIB.

La Suède semble cependant en mesure d’absorber ce choc. Lors de la crise bancaire du début des années 90, des banques représentant alors 70% de l’actif du système ont connu des difficultés qui ont conduit à une recapitalisation. Le coût budgétaire de cette opération s’est élevé à 3,6% du PIB (estimation du FMI1). Cela s’est également traduit par une remontée brutale de la dette publique (de 42% du PIB en 1990 à 70,5% en 1993) et par une baisse du PIB de 4,3% entre 1990 et 1993.

La situation des finances publiques suggère que la Suède dispose d’une marge de manœuvre pour faire face à une défaillance des banques. Selon les dernières prévisions officielles, la dette se stabilisera à 38% du PIB en 2009 et 2010, malgré une forte dégradation du solde budgétaire et grâce à une réduction des investissements de court terme. Le déficit dépassera 4% du PIB cette année (après un excédent de 4,3% en 2008), le gouvernement ayant d’ores et déjà prévu de soutenir les banques (25 Mds SEK prévus pour les banques) et de financer les exportations (25Mds SEK).

Par ailleurs, le montant des réserves de change laisse à la banque centrale la possibilité d’intervenir, le cas échéant, afin de limiter la dépréciation de la devise.

NOTES
(1) “Systemic Banking Crises: A New Database”,FMI, Working Paper No. 08/224 .

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