Surcapacités d’acier dans le monde : le risque à son plus haut en 2016

par Guillaume Baque, Economiste, et Paul Chollet, Responsable des études sectorielles et défaillances chez Coface

  Après une longue période de croissance de la demande tirée par la Chine dans les années 2000, l’acier souffre de la faible croissance de l’économie mondiale

  Le déséquilibre offre / demande est aussi alimenté par les surcapacités et exportations chinoises

  En février 2016, le gouvernement chinois a annoncé une première réduction des capacités de production de 40 millions de tonnes

•  Le risque de crédit grimpe pour les entreprises sidérurgiques

•  Pas de rééquilibrage du marché attendu avant 2018

Pic du risque de crédit

En 2014, la production chinoise d’acier représentait 45% du total mondial. Or, son appétit s’essouffle avec une contraction de -3,3% en 2014 et de -5% de sa consommation en 2015. Dans le même temps, ses capacités de production ont continué de croître, accentuant le déséquilibre mondial entre l’offre et la demande. Si la production mondiale s’affaiblit (-3,1% à fin février 2016) et 1/3 des lignes de production d’acier sont à l’arrêt, l’offre reste abondante, avec une forte pression sur les prix qui sont en baisse significative. La Chine exporte désormais ses excédents de production (+20% en volume en 2015) fragilisant les filières, notamment en Europe, aux Etats-Unis ainsi que dans les pays émergents.

L’économie chinoise est confrontée à des changements structurels induits par la tertiarisation de son modèle de croissance: un déclin de l’industrie au profit des services. La consommation domestique d’acier en Chine a donc déjà atteint son pic et continuera de décroître.

Coface constate une dégradation graduelle du risque de crédit dans la métallurgie mondiale. Le secteur est le plus à risque parmi les 12 filières évaluées par Coface: il est désormais considéré comme « très élevé » en Amérique latine, Asie émergente, Moyen-Orient et Europe de l’Ouest et comme « élevé » en Europe centrale et Amérique du Nord. C’est, en effet, l’un des moins rentables au monde (90e sur 94 secteurs) et des plus endettés. La compétitivité-prix de la Chine (surtout pour les aciers bas de gammes) fragilise les sidérurgistes à travers le monde. Mais les surcapacités actuelles pèsent également sur le risque de crédit en Chine où la hausse de l’endettement des entreprises est significative.

Perspectives : un retour à la normal à partir de 2018 ?

Cependant, un rééquilibrage entre l’offre et la demande est possible à partir de 2018. D’une part, les premières réductions des capacités de production chinoise commenceront à se matérialiser. D’autre part, le rattrapage des économies émergentes sera moins dynamique que par le passé, mais leur urbanisation croissante et la hausse du nombre de classes moyennes constitueront de nouveaux relais de croissance. . Les trois principaux secteurs consommateurs d’acier demeurent bien orientés à moyen terme :

  • Le secteur automobile dispose d’une marge de progression importante dans les économies émergentes. Par exemple, en Inde on compte 100 voitures pour 1 000 habitants (alors qu’aux Etats-Unis c’est 808 pour 1 000 habitants) ;
  • La mécanique jouit aussi de nombreux relais de croissance, à la fois dans les émergents mais aussi dans les économies avancées ;
  • Enfin, l’activité dans la construction devrait repartir grâce au fort potentiel d’urbanisation dans la plupart des pays émergents.