Trump vs Clinton : enjeux et stratégies d’investissement

par Philippe Ithurbide, Directeur Recherche, Stratégie et Analyse, et Didier Borowski, Responsable de la macroéconomie chez Amundi

Quelle que soit l’issue pour la Maison Blanche, l’impact économique dépendra grandement de la couleur du Congrès !

Les élections américaines du 8 novembre opposeront Hillary Rodham Clinton (démocrate de New York) contre Donald Trump (républicain, New York), Gary Earl Johnson (libertarien, Nouveau-Mexique), et Jill Stein (Parti Vert, Massachusetts). Le prochain président prendra ses fonctions le 20 janvier 2017.

Depuis quelques semaines, H. Clinton a pris un net ascendant dans les sondages. Il serait prématuré de conclure à une élection toute tracée (car des fuites embarrassantes, un incident de santé, ou le précédent du référendum britannique rappellent qu’une élection n’est jamais acquise), mais nombreux sont ceux qui considèrent déjà que D. Trump n’a pratiquement aucune chance d’être élu, parce qu’il sera incapable de recueillir les 270 délégués nécessaires pour entrer dans la Maison Blanche. Il y a cinq raisons essentielles :

  • La carte électorale favorise fortement Clinton ; 

  • Aucune minorité (hispanique ou afro-américaine) n’a été épargnée pendant la campagne électorale 
de Trump, et nous savons à quel point les votes minoritaires sont importants;
  • Ses propos sur les femmes vont laisser des traces… ; 

  • Sur le plan géographique, sa base électorale n’est pas assez diversifiée ;
  • Ses positions ont été jugées tellement excessives que de plus en plus de représentants républicains se désolidarisent de sa campagne. 


À l’heure actuelle, les républicains contrôlent la Chambre des représentants (246 sièges sur 435), et le Sénat (54 sièges sur 100). Le 8 novembre, auront également lieu les élections pour tous les sièges à la Chambre des représentants et 34 sièges au Sénat, et il est possible que les démocrates reprennent le contrôle du Sénat. En effet, parmi les 34 sièges à pourvoir, 24 sont actuellement détenus par les républicains.

En termes de programmes, celui de Donald Trump est celui qui aura probablement fait couler le plus d’encre (programme mouvant et prenant à contre-pied son propre camp). Du côté d’Hillary Clinton, les propositions sont plus consensuelles et prêtent moins à polémique : on y retrouve les grandes orientations démocrates, avec quelques concessions à l’aile gauche de son parti (taxation sur les successions notamment).

En Europe et dans le monde, c’est très clairement le risque protectionniste et la politique migratoire qui retiennent le plus l’attention dans le programme de Donald Trump. Sur le plan domestique, c’est le déficit budgétaire (nature et ampleur de la baisse d’impôts pour les ménages et les entreprises) et son financement qui sont les éléments les plus déterminants. Il est néanmoins très difficile d’en évaluer l’impact, du fait des imprécisions du candidat, mais aussi parce que les mesures proposées ne seront jamais acceptées telles quelles par le Congrès, même s’il est entièrement dominé par les républicains.

Les propositions des candidats sont sans surprise très différentes dans leur idéologie

D’abord, sur l’immigration et les accords commerciaux, l’opposition entre les deux camps est frontale. Même s’il est difficile d’imaginer qu’il mette en pratique ses propos, D. Trump a fait des déclarations agressives envers l’Europe, la Chine, le Mexique et l’Islam (i.e. proposition d’expulsion d’immigrés et construction d’un mur à la frontière mexicaine, sévères critiques d’accords commerciaux, hausse des droits de douane…). Ces mesures se traduiraient par une économie américaine plus isolée. Le commerce transfrontalier et l’immigration seraient considérablement diminués, et avec moins de commerce et d’immigration, les investissements directs étrangers seraient également réduits. À l’opposé, H. Clinton a des positions beaucoup plus consensuelles sur ces thématiques et sa politique extérieure et commerciale s’effectuerait probablement dans le prolongement de celles menées par Barack Obama ces dernières années.

Ensuite, même si les deux programmes proposent une relance budgétaire, ils diffèrent sensiblement sur les bénéficiaires des mesures en question. Les baisses d’impôts proposées par Trump sont concentrées sur les ménages les plus riches (les ménages aisés bénéficieraient sensiblement de taux d’imposition marginaux plus faibles sur le revenu, et des mesures sur les dividendes et les gains en capital). Au contraire, les mesures proposées par Clinton seraient financées par une augmentation de la pression fiscale sur les plus nantis, de manière à préserver la « middle class ». Du côté des entreprises, Hillary Clinton veut réduire les impôts sur les petites entreprises et taxer les grandes entreprises qui délocalisent. Enfin, seulement sur certaines dépenses, les propositions de Donald Trump rejoignent celles d’Hillary Clinton (dépenses en infrastructures, salaire minimum1).

Les mesures d’Hillary Clinton sont globalement financées, pas celles proposées par Donald Trump

Même si de nombreuses zones d’ombre persistent encore2, la baisse de la fiscalité est plus marquée dans le programme Trump, s’inscrivant dans la doxa républicaine (simplification du code des impôts, fiscalité allégée avec, en particulier, une suppression de l’impôt sur les successions). Le programme de Donald Trump s’en éloigne néanmoins en ce qui concerne les modalités de financement: loin de songer à couper drastiquement dans les dépenses pour financer les allégements de fiscalité (ce qui nécessiterait une baisse de 20 % des dépenses), il propose d’augmenter parallèlement certaines d’entre elles et de relever le salaire minimum si bien que son programme conduit à accroître très substantiellement le déficit public (ex-ante). Plus précisément, les recettes fiscales baisseraient de 5,3 trillions $ sur la décennie tandis que les dépenses diminueraient de seulement 1,2 trillion $ en net (la baisse des dépenses de 3,2 trillions $, en grande partie en raison de l’annulation programmée des dépenses liées à « l’Obamacare », serait amoindrie par les hausses de dépenses de 2 trillions $ prévues notamment pour la défense, les infrastructures, les vétérans, et Medicare). Une telle dérive budgétaire serait inadmissible dans le camp républicain (tout comme dans le camp démocrate d’ailleurs). En revanche, le programme de Clinton augmenterait à la fois les dépenses (1,65 trillion $) et les recettes fiscales (1,5 trillion $) dans les 10 prochaines années, assurant peu ou prou l’équilibre budgétaire.

En définitive, sur la décennie à venir, la dette augmenterait (en tenant compte du surcroit de charges d’intérêt) de 200 Mds $ dans le programme Clinton et de 5,3 trillions $ dans le programme Trump.

Ceci dit, il est important de noter qu’aucun des candidats n’est susceptible de faire passer son programme en l’état. Le pouvoir du Président est très limité en matière budgétaire aux États-Unis où le Congrès a le dernier mot. Dans tous les cas de figure, le Congrès sera donc amené à jouer un rôle central. Par conséquent, les résultats des élections à la Chambre des représentants (qui sera entièrement renouvelée le 8 novembre) et au Sénat (renouvelé au tiers) seront tout aussi importants que ceux de l’élection présidentielle. En effet, selon les derniers sondages Donald Trump et Hillary Clinton ont à peu près une chance sur deux de devoir composer avec un sénat qui leur est hostile3. La couleur du Sénat affectera la nature des compromis budgétaire possibles. L’impact sur l’économie de chacun des programmes dépendra donc de la constellation politique qui s’établira dans les deux Chambres.

Quels scénarios ? Quels impacts ?

Scénario 1 : Hillary Clinton est élue présidente des Etats-Unis. Scénario très probable à ce stade.
 PROBABILITÉ : 80 %

La politique économique de Mme Clinton met en avant l’augmentation des dépenses aux États-Unis – afin de soutenir consommation et création d’emplois- financées par des impôts plus élevés sur les ménages les plus aisés et les entreprises. Un tel programme, s’il était mis en place, aurait un effet économique positif conséquent, y compris à court terme. En juillet, l’Agence Moody’s chiffrait le gain potentiel à 1,7 % du PIB d’ici la fin du mandat en 2020, les dépenses ciblées vers les infrastructures et les ménages modestes générant plus d’activité que les hausses d’impôts et celle du salaire minimum n’en détruiraient (les changements apportés au programme depuis ne devraient pas radicalement modifier cet ordre de grandeur).

Néanmoins, un tel scénario, où toutes les mesures proposées seraient mises en place, repose sur l’hypothèse peu probable que les deux chambres soient à majorité démocrates. Or, la plupart des sondages semblent indiquer que la chambre des représentants devrait rester pour majorité républicaine.

Dans le cas où la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants reste républicaine (40 % de chances), Hillary Clinton ne serait pas en mesure d’imposer son programme. On aboutirait à une situation de paralysie fiscale qui rendrait une relance budgétaire impossible (sauf à considérer une menace de récession4) et nous conduirait à ne pas modifier notre scénario économique. La reprise se poursuivrait, mais à un rythme de croissance affaibli, compris entre 1,5 % et 2 % par an (proche du potentiel à long terme de l’économie américaine). L’attentisme politique serait de mise: il faudrait que l’économie ralentisse fortement pour que le pragmatisme l’emporte au Congrès et que ce dernier accepte de voter des mesures de stimulation. Une telle situation serait mal perçue par les marchés.

Dans le cas où les démocrates reprennent le contrôle du Sénat et/ou de la Chambre des représentants (60 % de chances), cela ouvrirait la voie à des possibilités de compromis bipartisans au Congrès (concernant les dépenses en infrastructures par exemple), permettant à H. Clinton d’exécuter tout ou partie de son programme de relance économique. Dans ce cas, il serait raisonnable d’escompter un soutien de la politique budgétaire à l’activité économique (de l’ordre 0,5 % du PIB voire un peu plus) à l’horizon 2018. Sur les autres volets tels que le social ou les hausses d’impôts, les compromis seront beaucoup plus difficiles, dans un contexte où le Parti républicain, après l’épisode Trump, connaitra une période de remise en cause et d’intenses luttes de pouvoir internes. C’est ce scénario que nous privilégions dans le tableau récapitulatif des scénarios possibles (scénario 1).

Scénario 2 : Donald Trump est élu et contraint de revoir ses propositions. Les mesures sont globalement financées.

Il s’agit du scénario beaucoup plus réaliste si Donald Trump est élu. Il reste néanmoins plus difficile à évaluer, car son impact dépendra des amendements apportés par le Congrès aux propositions de D. Trump. En effet, les républicains sont dans leur écrasante majorité opposés à financer les baisses d’impôts par la dette et non par des coupes claires dans les dépenses. Les changements apportés en septembre 2016 diminuent la facture mais ne changent pas la nature du problème. Très probablement, seules les politiques qui favorisent la croissance interne, comme les réductions d’impôts et la reprise des dépenses d’infrastructure seraient effectivement mises en œuvre. Compte tenu de leur impact sur les déficits, elles seront réduites à l’essentiel, ou ce que le Congrès considérera comme essentiel.

PROBABILITÉ : 19 %

Le Congrès, actuellement contrôlé par les Républicains, n’est pas hostile aux baisses d’impôts et aux réformes fiscales, ainsi qu’aux économies dans les dépenses non militaires, mais il est globalement ferme dans son opposition à des déficits plus importants. Il est difficile d’envisager un Congrès (qu’il soit dominé par les républicains ou les démocrates) acceptant une forte hausse de la dette publique. Dans ce scénario, le prochain Congrès ferait des contre-propositions à D. Trump qui se traduiraient par un impact plus neutre en termes de déficit (plus proche en termes de financement du programme de H. Clinton). Le coût statique des mesures de D. Trump serait réduit (car financé en partie, et amoindri d’autre part). Les deux tiers des réductions fiscales seraient abandonnées (et davantage concentrées sur les revenus les plus faibles), et la baisse du taux d’imposition sur le revenu des sociétés serait plus faible.

En matière d’immigration, la feuille de route de D. Trump sera amendée, et il ne sera plus question de 11 millions de sans-papiers renvoyés, mais sans doute de reprendre le rythme pris lors de la grande récession (500 000 par an). Les importations chinoises et mexicaines vers les États-Unis ne devraient pas non plus subir les droits de douane envisagés initialement. Les législateurs américains sont en effet davantage apaisés : 1) face aux efforts continus de la Chine à libéraliser sa monnaie, un processus qui a commencé l’été dernier, et 2) par les progrès réalisés sur les travaux d’atténuation de l’immigration clandestine à la frontière mexicaine. La Chine et le Mexique ne feraient pas acte de représailles envers les produits et services américains.

L’économie américaine serait probablement en mesure d’éviter une récession dans ce scénario. Ceci dit l’affaiblissement de la croissance observée en 2016 rends la situation délicate en début de mandat. En effet, les baisses de dépenses qui permettraient de financer la relance budgétaire seraient de nature à entamer la croissance. Les mesures fiscales compenseraient seulement en partie cet effet (car les baisses d’impôts concernent avant tout les hauts revenus du côté des ménages, ce qui diminue l’effet à attendre sur la consommation5). La croissance progresserait ainsi plus tard, mais de façon modérée. L’emploi reste stable dans les deux premières années, et sur ses quatre ans comme président, un peu moins de 3 millions d’emplois sont créés. Dans ce scénario, la croissance de l’emploi n’est pas assez forte pour absorber la croissance de la population en âge de travailler, et le chômage progresse.

Les efforts de libéralisation de la Chine (poursuite graduelle de l’ouverture du compte en capital et de la levée des contrôles de capitaux…) entraînent un raffermissement du dollar. Contrairement aux déclarations de D. Trump, les efforts de la Chine sont nets et le yuan n’est pas sous-évalué (voir notre Discussion Paper « L’émergence du renminbi comme monnaie internationale : où en sommes-nous maintenant ? », 30 septembre, 2016).

En conclusion, il y aurait peu d’impact sur la croissance mondiale et un léger impact positif sur la croissance américaine, les États-Unis évitant la récession.

Scénario 3 : Donald Trump est élu et met en pratique les politiques qu’il a annoncées
au cours de sa campagne électorale telles quelles, ces mesures n’étant pas financées et s’accompagnant d’une hausse de la dette publique.

Ce scénario dans lequel Donald Trump est en mesure de réaliser tout son programme est très improbable étant donné le manque de soutien des membres du Congrès, y compris du propre camp de D. Trump. Cela vaut tout de même la peine de s’attarder quelque peu sur ce scénario qui représente le vrai « choc d’incertitude » et dont les termes alimenteraient les chroniques en cas de victoire de D. Trump aux élections.

PROBABILITÉ : 1 %

Déficits plus élevés, hausse de la dette. Dans un premier temps les baisses d’impôts/hausse de dépenses stimuleraient l’activité jusqu’à 0,7 point de PIB dès la 1re année6. Mais les pressions inflationnistes et l’augmentation de l’offre de papier liée à ce type de programme (conjuguées à son caractère insoutenable) provoqueraient (selon les simulations de modèles standards) une remontée brutale des taux d’intérêt à court et long terme qui précipiterait l’économie en récession. En effet, en théorie, si l’économie tourne à pleine capacité, un stimulus budgétaire financé par la dette précipite une hausse généralisée des taux d’intérêt qui évince la demande privée (consommation et investissement). Moody’s estime ainsi qu’une telle politique pourrait faire remonter le taux d’intérêt à 10 ans de 200bp la 1re année et de 460pb la seconde. Une évolution aussi drastique des taux d’intérêt nous semble très improbable dans la conjoncture actuelle. D’abord, parce que l’output gap est toujours en territoire négatif selon les estimations du CBO (ce qui contribue à expliquer la faiblesse des pressions inflationnistes actuelles). D’autre part, parce que les premiers signes d’affaiblissement de la demande globale se sont manifestés en 2016, remettant sur le devant de la scène le thème de la fin de cycle (investissement en biens d’équipement dans le rouge, profits également), avec la demande des ménages comme unique soutien à l’activité économique.

Si l’économie tombe en récession, les pressions inflationnistes devraient donc être de courte durée et la Fed pourrait rapidement rétablir une politique monétaire non conventionnelle (soit une opération Twist, soit un nouveau QE). Ces deux options de politique monétaire ont été explicitement citées par J. Yellen, en cas de menace de récession. Il est étonnant de voir D. Trump se plaindre de la Fed7 (elle n’a pas selon lui suffisamment remonté ses taux directeurs) alors même que seule l’intervention de la banque centrale pourrait garantir un « financement sans douleur » des mesures qu’il propose. On peut d’ailleurs se demander si Donald Trump ne serait pas, une fois de plus, amené à faire volte-face une fois arrivé au pouvoir. Les simulations de modèles ont le mérite de montrer que la politique de Trump ne serait pas soutenable sans soutien de la Fed, c’est-à-dire sans monétisation de la dette.

Les baisses d’impôt sur les revenus et sur les sociétés ont certes des avantages économiques à long terme. Plus particulièrement, ils réduiraient de manière significative le taux effectif marginal d’imposition sur l’investissement. Toutes choses étant égales, cela inciterait l’épargne et l’investissement. Toutefois, ces avantages sont plus que compensés par les déficits et la dette résultant des taux d’intérêt de long terme, qui, même si leur hausse est endiguée en partie par l’intervention de la banque centrale, seraient probablement plus élevés que dans un scénario « contrefactuel ».

In fine, la dette publique se trouverait augmentée du fait des mesures non financées et de la fragilité de la croissance, et également du fait d’une hausse de la charge des intérêts de la dette (même si amoindrie par les actions de la Fed).

Dégradation du commerce, hausse des prix. La forte augmentation des droits de douane sur les importations chinoises et mexicaines notamment créerait un peu plus d’inflation. Les États-Unis importent près de 500 milliards USD de marchandises par an en provenance de Chine, et près de 300 milliards USD en provenance du Mexique, ce qui représente environ 35 % du total des importations de biens, hors produits pétroliers. Adopter un tarif de 45 % sur les importations chinoises et de 35 % sur les importations mexicaines augmenterait l’ensemble des prix des marchandises à l’importation d’environ 15 %. Cela accroît l’ensemble des prix à la consommation américaine de près de 3 %, 18 mois après la hausse des droits de douane, selon le modèle Analytics de Moody’s.

Par ailleurs, Donald Trump s’est démarqué par ses critiques des accords commerciaux actuels (ALENA, OMC) et de la ratification du Trans-Pacific Partnership (TPP). Ce point de vue, ainsi que son agressivité envers l’extérieur de manière générale, devrait se traduire par une dégradation des relations internationales, en particulier avec la Chine. Les échanges commerciaux sont susceptibles de diminuer à ce titre également, dans un contexte où, rappelons-le, le commerce mondial a déjà très fortement ralenti.

Enfin, la décision de renvoyer plus de 11 millions d’immigrants sans papiers (3,5 % de la population et 5,1 % de la population active) réduirait la taille de la population active et, toutes choses égales par ailleurs, la croissance potentiele.

Même si les baisses d’impôts ont des impacts positifs à long terme sur l’économie et que la hausse des taux d’intérêt est limitée par l’intervention de la Fed, l’incertitude pèsera sur les perspectives économiques dès l’entrée en fonction de Donald Trump, et l’impact des mesures sur la dette, la consommation et l’investissement (évincés par les effets prix et des taux tout de même plus élevés), le commerce mondial et l’emploi affaiblira l’économie de manière significative.

Conclusion

Il existe à ce stade trop d’inconnues pour estimer l’impact de la politique budgétaire. L’attentisme a de fortes chances de dominer dans les premiers mois suivant l’élection. Car même si les deux candidats militent pour l’utilisation du levier budgétaire, leurs idéologies sont trop éloignées pour espérer un compromis rapide. Les élections au Congrès, sont aussi importantes que le nom du futur président et plusieurs configurations sont envisageables. Selon toute vraisemblance, ce dernier devra composer avec un Congrès hostile (au moins en partie). L’impact économique de la politique budgétaire sera faible en 2017 car les compromis budgétaires prennent du temps à négocier et les mesures peuvent être longues à mettre en place.

Dans le cas où H. Clinton est élue et où le Sénat passe sous contrôle démocrate, on peut raisonnablement tabler sur des mesures budgétaires permettant de prolonger le cycle et d’éviter un tassement supplémentaire de la croissance à l’horizon 2018 (la croissance pourrait alors ré-accélérer pour s’élever à 2- 2,2 % cette année-là).

Si, en revanche, l’ensemble du Congrès lui est hostile, la politique budgétaire pourrait être paralysée à court terme. Les parlementaires s’avèrent néanmoins pragmatiques quand la situation l’exige. Si la récession menace, une relance budgétaire constituée de baisses d’impôts pour les classes moyennes-supérieures et de dépenses en infrastructures pourrait voir le jour.

Dans le cas où D. Trump est élu, la politique budgétaire pèserait vraisemblablement sur la croissance, car les baisses drastiques de dépenses nécessaires au financement du programme auraient un impact récessif immédiat qui ne serait pas compensé (à court terme) pas les baisses d’impôts.

Par-delà l’impact sur la croissance, cette élection aura des conséquences importantes à long terme pour l’offre politique aux États-Unis. Les parcours de B. Sanders et de D. Trump ont en effet fait ressortir les attentes de très nombreux électeurs, démocrates comme républicains, pour le développement de nouvelles politiques, d’inspirations idéologiques certes opposées, mais en général moins libérales qu’auparavant, visant à répondre au mécontentement des classes moyennes face aux effets perçus comme indésirables de la mondialisation.

NOTES

  1. Sur le salaire minimum fédéral, Donal Trump aura tout dit et son contraire durant la Campagne. Ses dernières déclarations (datant de l’été) étaient en faveur d’une augmentation.
  2. En particulier, le statut fiscal des « pass-through businesses » reste ambigu, y compris dans ses toutes dernières propositions de septembre 2016.
  3. Selon les derniers sondages, démocrates et républicains sont au coude à coude au Sénat – avec une légère avance des démocrates néanmoins – tandis que les républicains conserveraient le contrôle de la Chambre des représentants.
  4. En cas de ralentissement marqué et/ou de menace de récession, on peut supposer que le pragmatisme l’emporterait et que le Congrès finirait par voter des mesures de stimulation.
  5. La propension marginale à consommer est de 86 % pour le 1er quintile des revenus, tandis qu’elle tombe en deçà de 50 % pour le dernier quintile.
  6. Dans tous les cas de figure, la première année dont il s’agit serait vraisemblablement 2018 et non 2017, car il faut compter avec les inévitables délais pour obtenir un compromis au Congrès et mettre en œuvre les mesures annoncées.
  7. Voir B. Drut et R. Fortes, 2016, « Quelles seraient les conséquences d’une élection de D. Trump pour le FOMC? », Cross Asset Investment Strategy Mensuel n° 10, Amundi, octobre.