Un Google français : une question de culture

Rebondissant sur une récente déclaration du secrétaire d'Etat chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et de l'économ

Rebondissant sur une récente déclaration du secrétaire d'Etat chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et de l'économie numérique, Eric Besson, sur son ambition de favoriser la création d'un Google français, sept dirigeants français du secteur de l'Internet (dont François Bourdoncle, fondateur d'Exalead, et Pierre Kosciusko-Morizet, P-DG de PriceMinister) ont publié dans Le Monde (8 juillet) une tribune soulignant que si la France avait toutes les ressources requises pour ce faire, il fallait supprimer les procédures administratives et juridiques et ne pas hésiter à aborder l'avenir avec confiance au lieu d'essayer de protéger les situations du passé. Ce texte est bienvenu mais il est pratiquement impossible que le futur Google soit français. Non pas que le pays manque de talents. Loin de là. Les chercheurs français n'ont rien à envier à leurs homologues américains ou japonais.

La question centrale est celle de la prise de risque et là il faut reconnaître que la France est un pays crispé hostile au risque, y compris dans le domaine de l'Internet même si des entreprises comme Exalead ou Dailymotion ont réussi à séduire une clientèle qui ne cesse de s'élargir. Les entreprises déjà établies sont par nature réfractaires au risque et songent davantage à maintenir leurs positions acquises plutôt qu'à développer de nouvelles activités. Plus gênant, c'est aussi le cas des investisseurs, y compris des banquiers, qui sont très souvent frileux. Telle banque n'ouvre pas un compte si le capital social n'est pas de 8.000 euros (alors que la loi autorise désormais à créer une entreprise avec un capital d'un euro). Telle autre refuse de prêter 40.000 euros à une société dotée de 100.000 euros de capital au prétexte que son activité est sans avenir. C'est encore plus dramatique quand il s'agit d'investissement en capitaux propres. "Qu'est ce que nous garantit que cela va marcher ?" telle est souvent la question quand on présente un projet nouveau à des investisseurs professionnels. Ceux-ci veulent bien mettre de l'argent sur la table mais seulement une fois que l'entreprise est lancée. C'est un non sens. C'est dans les premiers mois de son existence, alors qu'elle n'a pas de revenus, qu'une entreprise a besoin de soutiens financiers.

Une fois qu'elle est lancée, cela signifie qu'elle a trouvé son marché. Elle a donc moins besoin des investisseurs. Cette situation diffère grandement de ce qui se passe aux Etats-Unis. Dans la Silicon Valley, les fonds de capital risque ont une stratégie très simple : grâce à des équipes de professionnels capables d'examiner les perspectives d'un projet sous tous les aspects, ils n'hésitent pas à placer quelques millions de dollars sur de nombreuses entreprises en estimant que la réussite d'une seule permettra de compenser largement les pertes des autres.

C'est une logique de pari. Créé en 1996 par Larry Page et Sergei Brin, Google est devenu une société en septembre 1998. Pour son lancement, le moteur de recherche a pu lever 1,1 million de dollars. Six mois plus tard, des fonds comme Kleiner Perkins et Sequoia Capital entraient au capital pour financer le développement. L'introduction en bourse, en 2004, a donné à la société une valorisation de 23 milliards de dollars. Elle vaut aujourd'hui plus de 184 milliards. Les investisseurs qui ont pris des risques – limités – ont été très très bien rémunérés. Cette approche de l'investissement n'existe pas en France. C'est un problème culturel. C'est la raison pour laquelle la plupart des ingénieurs qui ont des projets dans le domaine de l'Internet vont aux Etats-Unis.