Vers un Fraxit ?

A l’occasion du débat sur une réforme du code du travail, la France s’offre un de ces psychodrames dont elle a l’habitude, avec défilés, grèves et manifestations d’étudiants. Depuis qu’il a pris conscience de la réalité de la situation économique, François Hollande ne cesse de parler de réformes. Malheureusement, les actes ne suivent pas. Et le pays vient de se faire épingler par la Commission européenne pour ses « déséquilibres macroéconomiques excessifs. »
 
Le président de la République veut montrer qu’il est actif pour faire baisser le chômage, ce qui lui permettrait de se représenter au printemps prochain.
 
Le problème est tout est fait à l’envers : il a refusé de voir l’ampleur de la crise en 2012 et n’a engagé aucune réforme pendant deux ans, persuadé qu’une reprise conjoncturelle le sauverait. Il s’agite dans la dernière année de son mandat à s’attaquant à son propre électorat – les salariés – et en se mettant à dos la jeunesse, qui était supposée être sa « priorité. » Or, il y a une règle électorale : il faut profiter de son capital politique obtenu lors de son élection pour prendre les mesures que l’on estime nécessaires pour le pays. 
 
Sur le fond, toutes les réformes annoncées n’ont eu aucun impact significatif sur l’économie du pays. Le CICE et le Pacte de responsabilité se résument à une baisse de charges indispensable mais pas suffisante. La loi Macron se limite à l’ouverture de magasins le dimanche et à la libéralisation des lignes d’autocars. On a connu audace plus réformatrice… 
 
Le jeune ministre de l’Economie, présenté comme moderne et réformateur, n’a pas voulu affronter les rentiers. Un exemple : il  n’a pas osé toucher aux tribunaux de commerce, opaques et incompétents, qui sont responsables de nombre de faillites et donc de destructions d’emplois.
 
La réforme du code du Travail est cruciale car les règles sont devenues trop complexes en France et cela freine les embauches. Pour autant, comme le savent les spécialistes des restructurations, on ne peut pas promettre de la sueur et des larmes sans une perspective plus réjouissante.
 
Réformer n’a jamais été aussi urgent. Dans une récente présentation, Laurent Geronimi, directeur de la gestion taux chez Swiss Life Banque Privée, expliquait que la situation française présentait « une caractéristique annonciatrice d’un scenario à la grecque » : baisse de la croissance potentielle et de la compétitivité structurelle, déficits extérieurs structurels, désindustrialisation et raréfaction de la base exportatrice, émigration des talents, baisse des standards de la formation et des qualifications.
 
Pourquoi les dirigeants politiques ne s’inspirent pas de ce qui se fait dans les pays voisins ? C’est un mystère. Manque de courage ou certitude que rien de vraiment grave ne se produira ? Car, la France bénéficie encore la mansuétude des investisseurs avec le taux de ses emprunts à 10 ans nettement en dessous du point de pourcentage, à peine au dessus du taux du Bund allemande, qui est une valeur refuge.
 
Comment expliquer l’attitude des marchés financiers ? C’est une sorte d’équilibre de la terreur. Les investisseurs sont convaincus que l’Allemagne fera tout pour soutenir la France car il en va de l’avenir de la zone euro.
 
Hollande et ses ministres l’ont bien compris et abusent de cette indulgence. Ils savent que l’Allemagne n’a pas le choix, qu’elle peut seulement lancer des mises en garde. Ainsi, lors d’une émission radio, dimanche 20 mars, avec son homologue français Michel Sapin, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schaüble, a fait une déclaration ferme concernant …la Grèce : ce pays « doit faire des réformes structurelles, et notamment construire une administration moderne et efficace. Nous devons faire en sorte que les décisions difficiles acquises l'été dernier soient mises en œuvre. »
 
Pour un observateur averti, cela sonnait comme un avertissement à la France. Annoncer des réformes aujourd’hui en France n’est pas crédible. 
 
Mais, les futurs dirigeants issus des élections du printemps prochain doivent le savoir : la patience des investisseurs ne sera pas éternelle. Il convient donc d’expliquer aux Français ce qu’est la situation exactement et ce qu’il est possible de faire afin de relancer l’économie. 
 
Faute d’une volonté claire de réformer, la question du Fraxit sera de moins en moins une fiction.