Vision à long terme

La presse multiplie ces derniers temps des articles sur de nouvelles discussions en vue d’un rachat de British Energy par Electricité de France (EDF).

La presse multiplie ces derniers temps des articles sur de nouvelles discussions en vue d’un rachat de British Energy par Electricité de France (EDF). Des négociations avaient dejà eu lieu au début de l’été et les investisseurs attendaient l’annonce d’un accord le 1er août dernier d’autant que le gouvernement britannique, qui détient 35% du capital de British Energy, avait fait connaître sa préférence pour un accord avec le premier électricien européen.

Mais le groupe français avait publié un court communiqué le 31 juillet pour indiquer qu’il renonçait, du moins provisoirement. “Après des discussions approfondies, EDF estime que les conditions permettant un développement majeur en Grande-Bretagne ne sont pas réunies à ce jour.” Le P-DG d’EDF, Pierre Gadonneix, indiquait alors aux journalistes que les conditions financières posaient problème. Il est apparu rapidement que deux fonds – Invesco, détenteur de 15% de British Energy, et M&G, qui a 7% – bloquaient tout accord. Ils jugeaient et jugent toujours insuffisants les 765 pence par action assortis d’un certificat de valeur garantie (CVG) destiné à faire profiter les actionnaires actuels de British Energy de la réussite de la future structure.

On peut arguer que les fonds sont dans leur rôle. Leur but est de gagner le maximum d’argent. Mais force est de constater que la Grande-Bretagne a besoin de compétences pour relancer rapidement son programme nucléaire, plusieurs centrales de British Energy arrivant en fin de cycle au milieu de la prochaine décennie. Leader mondial de l’énergie nucléaire, EDF offre toutes les garanties aux yeux des dirigeants politiques britanniques qui n’ont pas soulevé une seule fois la question de la présence de l’Etat français au capital (84,8%). Cette présence a même tout pour rassurer car, comme le rappelle régulièrement le P-DG d’EDF Pierre Gadonneix, l’horizon de temps pour une centrale nucléaire est le siècle si l’on tient compte de toutes les procédures consultatives préalables, de la construction, de l’exploitation et du démantèlement. Non seulement EDF gère le plus grand parc nucléaire mondial sans incident majeur mais il est aussi un acteur important sur le marché britannique depuis le rachat de London Electricity (devenu EDF Energy). Tout cela plaide donc pour le groupe français. Dans ces conditions, la proposition d’Invesco de fusionner British Energy et Centrica (dont le fonds a 5% du capital) est surprenante même si Invesco propose dans un second temps de créer une société commune avec EDF pour relancer le nucléaire.

On ne sait pas à ce stade si EDF parviendra à racheter British Energy mais on voit bien qu’il y a clairement un clivage entre les investisseurs privés et les autorités politiques d’un pays. Dans le premier cas, l’objectif est de gagner de l’argent à court ou moyen terme. Dans le second, un gouvernement doit se soucier du long terme. Les autorités britanniques savent que les réserves de pétrole de la mer du Nord s’épuisent. Le pays sera contraint dans le futur à acheter de plus en plus de pétrole à l’extérieur. Or, même si les cours du brut ont reflué récemment, tous les experts s’attendent à ce que les matières fossiles repartent à la hausse. Pour maintenir la compétitivité de son économie, la Grande-Bretagne doit donc trouver des énergies alternatives. Le nucléaire en fait naturellement partie d’autant qu’il n’y a pas de problème d’acceptabilité dans ce pays contrairement à ce qui se passe en Allemagne par exemple. 

La nécessité de garantir l’approvisionnement énergétique devient un sujet majeur pour les Etats. C’est la raison pour laquelle les gouvernements se montrent de plus en plus présents sur ce dossier même quand cela concerne des entreprises totalement privées, comme on l’a vu en Espagne avec Endesa et en Belgique avec les filiales de Suez au moment de la fusion avec Gaz de France. Reste à savoir si le gouvernement britannique parviendra à imposer ses vues sur British Energy.