La prudence reste de mise

par Ronald Doeswijk, Stratégiste en chef de Robeco

L'économie mondiale a encore ralenti et il devient clair que la zone euro se dirige vers une récession. Mais tandis que la croissance dans d'autres marchés développés peut être au mieux considérée comme faible, les Etats-Unis et le Japon vont probablement éviter un double creux (« double dip »). La Chine, quant à elle, est sur la bonne voie pour un atterrissage en douceur. Globalement, il nous semble toujours peu probable de connaitre un «double dip », mais nous ajoutons une note de prudence : la crise de la dette de la zone euro pourrait entraîner d'autres régions développées dans une nouvelle récession. Une approche prudente des actifs risqués reste donc de mise. 

Les forts risques politiques dans la zone euro n’améliorent guère la situation. Le problème se fait sentir tant au niveau individuel des pays – avec la chute du gouvernement grec et le long au revoir de Berlusconi en Italie – qu’au niveau de la zone euro où les querelles intra-régionales sont à l'ordre du jour. Dans ce contexte décidément incertain, l'équipe de recherche sur les marchés financiers de Robeco conserve une vue d'allocation prudente. Une grande partie de la tourmente est déjà intégrée dans les prix mais il nous semble toujours justifié de maintenir une attitude attentiste concernant les actifs risqués.

En conséquence, l'équipe reste prudente sur les actions. Et même si les perspectives pour les obligations d'entreprises continuent de s'améliorer, nous demeurons pour le moment neutres sur les obligations Investment Grade, High Yield et gouvernementales ainsi que sur les matières premières et l'immobilier.

Les décisions de Bruxelles ne touchent pas le cœur du problème

La crise de la dette de la zone euro reste sur le devant de la scène. Dans une tentative pour la contenir, un compromis combinant la recapitalisation des banques, des baisses de valorisation pour les détenteurs privés d'obligations grecques et une puissance de feu supplémentaire pour le fonds de sauvetage de la région, a été décidé lors du sommet de Bruxelles. Même si nous concédons qu’un tel accord valait mieux que pas d'accord du tout, nous estimons que cette solution ne pourra endiguer que temporairement la crise de la dette européenne. Avec un pays qui restera confronté à un ratio de dette publique de 120% en 2020, cette solution est loin de mettre la Grèce sur une trajectoire viable.

L'Italie reste un important défi pour la zone euro

L'onde de choc notamment provoquée par l'appel unilatéral du Premier ministre grec au référendum a brièvement détourné l'attention de ce que nous considérons comme les défis les plus importants pour la zone euro. Quels sont ces défis? Fondamentalement, la prime de risque pour l'Italie a augmenté à un niveau dangereux, avec des taux d'intérêt sur la dette à long terme du pays passant bien au-dessus des 6%, même après que la BCE a intensifié ses achats de dette publique périphérique. Mais son nouveau Président, Mario Draghi, a clairement fait savoir que ce n'est pas le rôle de la BCE d'être un acheteur d'obligations de dernier recours.

La zone euro dérive vers la récession

Il semble inévitable que l’Europe devra mener un long combat. Et évidemment ce combat ne se limitera pas à la crise de la dette car la région glisse vers une récession. Il est révélateur que, sur les 17 pays de la zone partageant la même devise, seule une lecture de l’indice PMI d’octobre – celle de l’Irlande – ne pointe pas vers une contraction de l'économie. On s'attend généralement à une légère récession, mais cela n’en reste pas moins une récession. Pendant ce temps, l'inflation de la zone euro a augmenté de 3% en septembre, dépassant l’objectif. Même ainsi, la BCE, tout en reconnaissant l'état de détérioration de l'économie, a réduit les taux d'intérêt de seulement 25 points de base le 3 novembre. Une nouvelle baisse semble probable en décembre.

Royaume-Uni : l’indice PMI pointe vers un 4e trimestre faible

Les nouvelles en provenance du Royaume-Uni ne sont que légèrement meilleures. Au moins il a réussi à enregistrer une certaine croissance au 3e trimestre, le PIB a augmenté d'un modeste 0,5% (taux annualisé en glissement trimestriel). Mais ce n'est pas le moment de se réjouir, car les indicateurs prospectifs PMI suggèrent que l'économie va s’affaiblir au 4e trimestre.

Les Etats-Unis sont susceptibles d'éviter la récession

Outre-Atlantique, la situation semble plus claire. Aux États-Unis, la croissance s'est renforcée, passant à un taux annualisé de 1,3% au 2e trimestre à 2,5% au 3e trimestre. Mais les risques restent nettement orientés à la baisse. L'indice manufacturier ISM a de nouveau baissé en novembre, pour tomber à 50,8. Par ailleurs, les Etats-Unis restent vulnérables aux retombées négatives de la crise de la dette européenne, comme l’illustre la faillite du courtier MF Global. Et l'échec à trouver un compromis sur le déficit budgétaire américain avant la date limite du 23 novembre pourrait également mettre des bâtons dans les roues. Dans ce contexte potentiellement difficile, il n’est pas étonnant que la Réserve fédérale fasse allusion à un nouvel assouplissement monétaire. Compte tenu de son arsenal limité, cependant, elle hésite à ajouter des stimuli supplémentaires à ce stade.

La reprise japonaise menacée par la vigueur du yen

Au 3e trimestre, les données vont probablement confirmer que l'économie japonaise se remet du tsunami et de la catastrophe de Fukushima. Mais la force du yen est à l'origine de problèmes. Avec le franc suisse rattaché à l'euro et le yuan chinois au dollar américain, le yen est la seule grande monnaie flottante considérée comme une valeur refuge. Cela nuit aux exportations. A la veille du sommet du G20, les autorités japonaises sont intervenues pour empêcher un nouveau renforcement du yen. Comme l'intervention a été unilatérale, nous avons des doutes sur le fait que cette stratégie sera couronnée de succès à moyen terme.

Atterrissage en douceur pour la Chine

Le gouvernement chinois semble avoir réussi à piloter l'économie du pays vers un atterrissage en douceur. En effet, l'indice PMI manufacturier a chuté de 51.2 à 50.4 en octobre, le plus bas niveau en près de trois ans. En fait, les autorités seront bientôt en mesure de s'engager dans un certain assouplissement sélectif. Mais ils devront agir avec prudence car l'inflation ne connait qu’une baisse marginale. La croissance chinoise restera probablement au-dessus de 8%, seuil politiquement sensible, au cours des trimestres à venir.

Les perspectives pour les actions sont toujours négatives

Dans cet environnement fragile, l'équipe de recherche sur les marchés financiers de Robeco reste prudente sur les actions. Les marchés actions ont rebondi en octobre car les investisseurs avaient anticipé de nouvelles mesures de la part des décideurs de la zone euro pour résoudre la crise de la dette. Pourtant, les données macroéconomiques ont confirmé la faiblesse de la croissance dans les marchés développés. Et la crise de la dette demeure le facteur dominant pour les marchés financiers. Tant que les investisseurs demeureront dans l’incertitude quant à une sortie de crise, le sentiment restera négativement affecté.

Davantage de baisses des bénéfices envisageables

En attendant, les bénéfices ou les valorisations ne sont pas d’un grand soutien. D'autres révisions à la baisse des bénéfices semblent inévitables. Les analystes tablent actuellement sur des prévisions de croissance de 11% en 2011 et de 12% en 2012. Cependant, nous pensons qu’une croissance à un chiffre sera déjà un exploit. Les marges étant déjà élevées, les estimations devraient être revues à la baisse dans le courant de l’année 2012. Pendant ce temps, les valorisations sont en territoire neutre. Cela implique que nous ne devons pas attendre de rendements supérieurs à la moyenne à moyen- long terme mais la valorisation n’est plus un frein. En moyenne, l'équipe s'attend à des temps difficiles et volatils pour les actions. Même si nous sommes dans une période de l'année où les actions bénéficient souvent d’une anomalie de performance saisonnière, nous pensons qu'il est trop tôt pour partir à la chasse aux opportunités.

Les marchés émergents : notre région préférée au sein des actions

Les actions des marchés émergents bénéficient le plus du retournement positif du sentiment, faisant un bond de plus de 10% en un mois. La région conserve la préférence de l'équipe. La valorisation est un peu plus attractive que sur les marchés développés et les marchés émergents ont un faible ratio dette-PIB et des déficits budgétaires limités.

Négatif sur les actions européennes et du Pacifique

L'équipe maintient son opinion négative sur les actions européennes. L'euro a le potentiel de s’affaiblir à court terme, maintenant que la BCE a commencé à baisser les taux d'intérêt et les tensions au sein de la zone pourraient saper la monnaie. Cette situation sera exacerbée par la récession qui s'approche rapidement de la zone euro. Cela laisse de la place à quelques déceptions sur les bénéfices. Nous sommes également négatifs sur la région du Pacifique. Cette opinion est fondée sur nos vues fondamentales pessimistes à long terme pour le Japon dont la dette publique est élevée et la croissance lente. Au sein des marchés développés, l'équipe estime que les actions nord-américaines ont les meilleures perspectives. Même si elle est plutôt inerte, on observe une croissance économique aux Etats-Unis et la banque centrale reste pragmatique.

Les secteurs défensifs ont toujours notre préférence

Les secteurs défensifs ont beaucoup souffert le mois dernier et sont nettement à la traîne par rapport aux secteurs cycliques et aux valeurs financières. Néanmoins, l'équipe a adopté une approche attentiste avant de décider de changer d’opinion. Elle maintient également son point de vue pessimiste sur les valeurs financières. Les révisions de bénéfices sont pires que pour l’ensemble du marché et ce secteur est le plus sensible à la crise de la dette. A ce jour, nous n’avons aucune raison de changer d’avis.

Neutre sur l'immobilier

L'équipe est neutre sur l'immobilier. D’un point de vue positif, les prévisions de bénéfices pour le secteur immobilier sont un peu plus réalistes que pour les actions : une croissance des bénéfices de 6% est prévue pour 2012. Par ailleurs, la valorisation de l'immobilier par rapport aux actions, basée sur le ratio Price-to-cash, diminue progressivement. Mais il est encore en territoire neutre. Alors, quels sont les freins sur cette classe d'actifs? L'immobilier est généralement un investissement à faible bêta, mais sa volatilité par rapport au marché semble avoir augmenté dans le sillage des récentes turbulences. Par ailleurs, le financement futur est une question importante étant donné le désir des banques de réduire leur exposition au secteur. Cela rend cette classe d'actifs sensible à la crise de la dette. Globalement, l'équipe n'attend pas de grande différence entre la performance de l'immobilier et celle des actions.

Des perspectives en amélioration pour les obligations d’entreprises, mais plus de clarté politique est nécessaire

Sur un plan historique, les spreads sur les obligations d'entreprises sont encore élevés. C'est particulièrement le cas pour les obligations Investment Grade qui intègrent une récession qui n'est pas du tout certaine dans leurs prix. Par ailleurs, les bilans des sociétés non financières contiennent beaucoup de liquidités. Pourtant nous pensons qu'il est trop tôt pour prendre une position plus favorable. Si les perspectives pour les obligations Investment Grade et High Yield par rapport aux obligations d’Etats se sont améliorées, nous aimerions avoir plus de clarté sur l'issue de la crise politique actuelle avant de revenir.

La faible inflation et la crise de la zone euro soutiennent à court terme les obligations d’Etats

La faiblesse des rendements actuels des obligations gouvernementales – de pays qui ne sont pas au cœur de la tempête de la zone euro – ne reflète pas fidèlement les risques d'inflation à moyen-long termes. Mais d'autres facteurs doivent également être pris en compte, tels que les faibles risques inflationnistes à court terme et l'incertitude permanente qui entoure la crise de la dette. Par ailleurs, les taux d'intérêt à court terme devraient rester faibles en 2012 et peut-être en 2013. L'équipe maintient donc un positionnement neutre.

La neutralité est maintenue sur les matières premières

Le ralentissement mondial et la crise de la dette pèsent actuellement sur les perspectives des matières premières. Mais puisque le ralentissement de l'économie chinoise est susceptible de se conclure par un atterrissage en douceur, nous nous attendons à une nouvelle hausse de leurs prix à moyen terme, étant donné que ce marché continue d’être caractérisé par des contraintes de capacité sur le plan de l'offre. Cela ne signifie pas qu'il n’y a aucun risque. À court terme, la légère récession en zone euro pourrait entrainer d'autres régions développées dans cette récession si la crise de la dette se dégrade. En raison de ce risque, nous maintenons pour l'instant notre point de vue neutre sur cette classe d'actifs.