BCE : quelles munitions ?

La décision de la Banque centrale européenne (BCE) d’abaisser le 7 novembre son principal taux directeur à 0,25% a été perçue comme une volonté de lutter contre le risque de déflation. Mais est-ce suffisant ? Des mesures non conventionnelles sont désormais nécessaires pour relancer l’activité économique dans la zone euro.
 
Le président de l’institut d’émission, Mario Draghi, a dit anticiper « une période longue de basse inflation en zone euro » pour justifier le nouvel assouplissement. 
 
En octobre, le taux est tombé 0,7% alors que l’objectif de la BCE est un taux inférieur mais proche de 2%. En dépit de cette situation la Bundesbank s’est montrée critique car l’économie allemande s’en sort très bien et il y a des interrogations sur une éventuelle bulle spéculative dans l’immobilier.
 
Le problème, comme l’ont souligné plusieurs économistes, est que l’Allemagne ne peut pas maintenir sa situation actuelle si ses voisins s’enfoncent les uns après les autres. Or, l’exemple japonais montre qu’il est extrêmement difficile de sortir d’une déflation. 
 
Le mieux est de ne pas tomber dans ce piège. Le taux zéro peut-il aider ? Peut-être mais rien n’est acquis. Malgré une politique de taux zéro, le Japon est resté ces dernières années dans la déflation. Il a fallu que le nouveau Premier ministre, Shinzo Abe, lance une nouvelle stratégie agressive pour que la perception change. Toutefois, il est trop tôt pour affirmer que cette approche sera bénéfique sur le long terme.
 
Quels sont les problèmes de l’Europe aujourd’hui ? En premier lieu, la faiblesse de l’investissement. Si l’indice de confiance de la Commission européenne a progressé en septembre puis en octobre, l'indice PMI (des directeurs d’achats) a ralenti. 
 
Les entreprises investissent moins pour deux raisons : l’absence de visibilité sur la demande et aussi une difficulté réelle à obtenir des crédits. 
 
Mario Draghi en est conscient. Lors d’un colloque de l’European Banking Congress, le 22 novembre à Francfort, il n’a pas seulement cité l’inflation : « Il est important de comprendre que les taux d’intérêts sont bas parce que l’économie est faible ».
 
Répondant indirectement à ceux, en particulier en Allemagne qui jugent que les taux bas pénalisent les épargnants européens, il a déclaré : « Si nous relevions les taux, nous déprimerions davantage l’économie, des gens perdraient leur emploi et de fait leurs économies seraient amputées sur une période plus longue ».
 
Comment mieux dire que la crainte principale de la BCE est aujourd’hui la déflation même si ce mot n’a pas droit de cité au sein de l’institution. Mais comment lutter ? 
 
La BCE exclut pour le moment des mesures moins conventionnelles que la baisse des taux. Certains experts évoquent un nouveau LTRO (Long Term Refinancing Operations) mais les banques européennes prendraient-elles le risque d’y recourir sachant que cela perçu par les investisseurs par une possible faiblesse ?
 
L’autre solution évoquée pour doper la distribution de crédits serait de faire passer le taux d’intérêt de la facilité de dépôt de la BCE passer en territoire négatif afin de contraindre les banques à se prêter de nouveau entre elles, le souci étant aujourd’hui d’avoir une épargne abondante en Europe du Nord et des besoins de financement en Europe du Sud.
 
Mais, Robert Ophèle, sous-gouverneur de la Banque de France, a expliqué lors d’une conférence de Swiss Life Asset Managers que l’impact de cette mesure serait principalement centré sur le taux de change et non sur les conditions de financement de la zone euro.
 
La BCE et les ministres de l’Economie de la zone euro doivent néanmoins réfléchir rapidement à des mesures pouvant permettre de soutenir l’activité. La situation est d’autant plus urgente que la France, deuxième économie de la région, pourrait sombrer dans la récession après la contraction du PIB au troisième trimestre.
 
Les Européens doivent, comme les Américains et les Japonais, actionner tous les leviers et inventer de nouvelles approches pour empêcher cette déflation qui aurait des effets dévastateurs.