Chine : Immobilier, MSCI et autres potins

par Sylvain Laclias, Economiste au Crédit Agricole

La production industrielle et les ventes au détail se sont stabilisées en mai, temporisant le ralentissement de l’activité économique esquissé le mois d’avant.

L’immobilier s’essouffle néanmoins, qu’il s’agisse des ventes, des nouvelles constructions, de l’investissement dans le secteur ou des prix. Et ce mouvement devrait le plus probablement se poursuivre à court terme, au risque d’entraîner l’ensemble de l’économie dans son sillage.

En attendant, les bourses de Shanghai et de Shenzhen sont portées par la récente introduction de 222 de leurs actions dans l’indice MSCI émergents. Pas une révolution, même si le poids des valeurs chinoises onshore dans cet indice est voué à grossir, mais un geste symbolique : la Chine intègre en quelque sorte la sphère financière mondiale.

Et ce n’est pas le seul domaine où elle gagne du terrain. Le « repli » américain en matières commerciale et environnementale lui ouvre de nouveaux horizons. Son image sur la scène internationale semble en tout cas en profiter pour le moment. Rappelons, tout de même, que le régime est en train de se durcir…

L’industrie et le commerce stables

La production industrielle a augmenté de 6,5% en variation sur un an en mai, les ventes au détail de 10,7%. Dans un cas comme dans l’autre, ce sont des performances comparables à celles d’avril. L’investissement, pour sa part, a marqué le pas. Il a progressé de 8,6%, toujours sur un an, le mois dernier, comparé à une hausse de 8,9% le mois précédent.

À ne retenir que la production industrielle et les ventes au détail, qui sont il est vrai les deux grands repères pour prendre le pouls de l’activité économique chinoise chaque mois au moment de la mesure, cette dernière s’est donc pas trop mal tenue en mai. C’est aussi ce qu’avaient laissé entendre les indices PMI et les chiffres du commerce extérieur parus un peu plus tôt. De quoi temporiser quelque peu le ralentissement esquissé en avril, après l’accélération de la croissance à 6,9% au premier trimestre, à un plus haut depuis l’été 2015.

L’immobilier en perte de vitesse

Il faut toutefois noter les signes manifestes d’essoufflement du côté de l’immobilier. Les nouvelles mises en construction ont ainsi crû de 15,1% sur un an en mai, soit de 2,4 points de pourcentage de moins que le mois d’avant. La croissance des ventes, elle, est passée de 13% en avril à 11,9% le mois suivant, et celle de l’investissement dans la branche de 9,3% à 8,8%.

Certes, selon certaines sources, l’immobilier dans les villes de troisième et quatrième rangs ne se porterait pas si mal. Mais les récentes mesures prises par les pouvoirs publics (central et locaux) pour calmer le secteur semblent avoir des effets plus nets dans les principales villes du pays, en particulier à Shenzhen, Shanghai et Pékin. Quoi qu’il en soit, le marché de l’immobilier dans son ensemble continue pour le moment de marquer le pas et ce peut-être pour encore quelque temps, à s’en tenir à l’évolution récente des crédits hypothécaires (en baisse sur un an en mai, de 9,6%, pour la première fois depuis mars 2015).

Cela risque de donner le la pour le reste de l’économie au cours des mois à venir. En raison des liens étroits entre ce secteur et bon nombre d’autres dans l’industrie (il est question d’une quarantaine) ; des répercussions sur la confiance des ménages et in fine sur leur comportement d’achat ; ou encore de la place des actifs immobiliers dans les montages financiers, en servant régulièrement de collatéral.

Dans le MSCI émergents

La Chine ou plutôt les actions chinoises des Bourses de Shanghai et de Shenzhen vont être intégrées dans l’indice composite émergents de MSCI. Pas toutes : uniquement les A shares, c’est- à-dire les actions cotées en yuan et aujourd’hui très largement détenues par des investisseurs domestiques. Et encore, seulement 222 d’entre elles sont concernées, même si c’est plus que les 169 initialement envisagées, et surtout, à hauteur de tout juste 5% de leur capitalisation boursière.

De sorte que lorsque cette décision (prise fin juin) sera effective, dans un an, les actions chinoises onshore représenteront 0,73% du MSCI émergents. A priori pas de quoi bouleverser le portefeuille des investisseurs prenant cet indice comme benchmark, et pas de quoi entraîner des entrées massives de capitaux étrangers en Chine.

Certes, ce n’est qu’un début, et cette pondération est sans doute vouée à grossir à l’avenir. Mais dans l’immédiat, MSCI est resté assez flou sur cette perspective. Avec quelques raisons et attentes, certaines plus ou moins explicites d’autres non, mais toutes reflétant probablement les interrogations et inquiétudes des investisseurs étrangers et qui, en substance, peuvent être énoncées comme suit :

  • que Pékin continue d’assouplir les conditions d’accès aux marchés d’actions (et plus généralement, financiers) domestiques pour les investisseurs étrangers, lève les contrôles sur les sorties de capitaux, bref ouvre plus avant le bas de la balance des paiements ;
  • que les dirigeants chinois n’interviennent plus comme ils l’avaient fait à l’été 2015 pour soutenir les Bourses de Shanghai et Shenzhen suite à leur effondrement ;
  • (ou encore) que la transparence s’améliore, celle des entreprises cotées comme celle de la politique économique menée par Pékin (a fortiori dans un contexte de ralentissement de la croissance sur fond d’envolée de l’endettement).

Autrement dit, il s’agit d’attentes qui pourraient prendre un certain temps avant d’être satisfaites et qui laissent entrevoir que les investisseurs étrangers risquent d’être vigilants dans leur approche du marché boursier chinois et avant de s’y ruer…

Reconnaissons, toutefois, une introduction symbolique : en entrant dans le MSCI après avoir été éconduite trois années de suite, la Chine intègre en quelque sorte la sphère financière mondiale. Et qui dans l’immédiat, elle semble en outre profiter aux bourses chinoises.

Censure À l'heure où les États-Unis se retirent de l'accord commercial TPP et de l'accord de Paris sur l'environnement et le climat, laissant la place à la Chine pour se poser en chantre de l'ouverture et du libre-échange et en défenseur de la planète et du bien-être de ses habitants, précisons tout de même que le libre-échange dont rêve monsieur Xi n’est ni un principe, ni multilatéral. Il prendrait plutôt forme autour d’un projet ponctuel et réunirait des intérêts de circonstance… au plus grand bénéfice de la Chine. On pense à la nouvelle route de la soie.

Rappelons-nous ensuite les conditions environnementales actuelles du pays, l’air chargé de particules fines souvent au-delà des seuils d’alerte à Pékin et dans les autres grandes villes chinoises, les terres arables, un cinquième d’entre-elles, devenues presque impropres à la culture et quasiment la moitié des rivières polluées. Il y a des enjeux de santé publique et, au-delà, politiques, les questions environnementales étant dorénavant au cœur des préoccupations de la population.

Alors, si renouveler l’engagement de la Chine en faveur de l’accord de Paris permet en plus de donner une bonne image du pays sur la scène internationale, tant mieux. Et n’oublions surtout pas que les libertés individuelles sont régulièrement bafouées, et de plus en plus depuis l'arrivée de Xi Jinping au pouvoir en 2013. Dernier épisode en date, une douzaine de sites Internet dédiés à l’information sur les célébrités et aux potins ont été fermés à la mi-juin. Le divertissement est sous contrôle. Cette décision a été suivie quelques jours plus tard par une note de la Commission centrale pour l’inspection disciplinaire dénonçant en substance l’adminis- tration en charge de la supervision de l’espace Internet (et de la censure sur cet espace), jugée pas assez ferme et résolue à faire appliquer les mesures prônées par Xi Jinping, et accusée de ne pas « essayer suffisamment fort d’assurer la sécurité politique ».

Ce type de sites Internet était jusqu’à présent épargné par la censure. Faisant dire à un observateur avisé que « la vieille idéologie communiste est de retour », avant d’ajouter « le communisme n’aime pas le divertissement et les potins, il veut de la politique et de la lutte des classes ». Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un nouveau durcissement autoritaire. Un de plus…

Retrouvez les études économiques de Crédit Agricole