La croissance ralentit progressivement au Royaume-Uni

par Sylwia Hubar, Economiste chez Natixis

L’activité au Royaume Uni a fortement ralenti au S1 2017. Atteignant 0,3% T/T (et 1,7% en GA), la première estimation de la croissance au T2 est conforme aux prévisions. Si les ventes au détail (ainsi que la production cinématographique) ont positivement contribué à la croissance du PIB, elles devraient être pénalisées par le ralentissement des dépenses des ménages. L’impact négatif de la production, notamment en raison du ralentissement du secteur manufacturier, suggère qu’en termes de contributions au PIB, les exportations nettes et l’investissement ne devraient probablement pas compenser le déclin de la consommation privée. Nous anticipons un ralentissement de la croissance au Royaume-Uni à 1,6% en 2017, puis 1,3% en 2018 (contre 1,8% en 2016).

Le T2 aidé par les ventes au détail et la production cinématographique

L’activité au Royaume Uni a fortement ralenti au S1 2017. Atteignant 0,3% T/T (et 1,7% en GA), la première estimation de la croissance au T2 est conforme aux prévisions.

La progression du PIB au T2 s’est reposée sur les services, tandis que la construction et la production ont contribué négativement.

La croissance dans les services a accéléré à 0,5% T/T au T2 (contre 0,1% T/T au T1). Les quatre principaux domaines du secteur tertiaire ont contribué positivement à la croissance : i/ la croissance a atteint 1,1% dans la distribution, l’hôtellerie et la restauration, expliquant 0,15pp de la progression du PIB sur le trimestre grâce à la vigueur des ventes de détail (à l'exception des véhicules à moteur) et des services de restauration (avec une contribution de l’ensemble de 0,12pp contre une croissance négative de -1.4% T/T au T1), ii/ le secteur du transport, du stockage et des communications a enregistré une croissance de 1%, entraîné par la production cinématographique (en hausse de 8,2% correspondant à une contribution de 0,07pp), iii/ l’activité dans les services aux entreprises et la finance a progressé de 0,4% (contribution de 0,1pp) et iv/ de 0,2% (contribution de 0,1pp) dans les services publics.

Dans le secteur de la production : i/ l’activité dans le manufacturier a ralenti de 0,5% au T2 (principalement en raison d'un repli marqué dans le secteur automobile), ii/ elle s’est repliée de 0,9% dans l'exploitation minière, iii/ de 0,4% dans la distribution d’eau, le traitement des eaux usées, la gestion des déchets, iv/ alors qu’elle a été en hausse (0,3%) dans la distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné après une chute de 4,2% au T1, compensant ainsi les contractions observées dans les autres sous-secteurs.

Enfin, la production dans la construction a diminué de 0,9% au T2, après une hausse de 1,1% au T1. La production agricole a continué, quant à elle, de progresser (0,6% au T2 après 0,1% au T1).

(…) Bien que solide à 2,3% (tant au T1 qu’au T2), la croissance dans les services a été inférieure à 3% au S2 2016. La production a perdu de son dynamisme au T2 (-0,4% en GA après 2,3% au T1), en raison notamment de son essoufflement dans le secteur manufacturier (+0,3% en GA après 2,5% au T1). En outre, l’activité dans la construction s’est repliée de 0,8% en GA (contre une hausse de 2,8% au cours des trois trimestres précédents).

Selon les projections de la BoE, l’amélioration des échanges nets et de l’investissement soutiendra la croissance en compensant la faiblesse de la consommation. Pourtant, comme nous l'avons montré, la contribution totale de ces deux composantes du PIB (environ 15% du PIB) ne devrait pas suffire à compenser intégralement les effets sur le PIB d’une consommation restreinte des ménages (environ 65% du PIB). D’autant plus que, selon nous, la progression des contributions des exportations nettes et de l’investissement ne devrait être que mesurée.

L’amélioration de la contribution de l’investissement et des exportations nettes au T1…

Au Royaume-Uni, la croissance a ralenti au T1 2017. Malgré un niveau encore correct en GA (2%), elle n’a été que de 0,2% T/T (contre 0,7% au T4). Pourtant, le PIB du T1 2016 avait été également très décevant avec une croissance de seulement 0,2%T/T pénalisée par le déstockage (-0,2pp) et une contribution fortement négative (-1,1pp) des exportations nettes. En 2017, la croissance du T1 a été affaiblie dans une moindre mesure par les variations de stocks et les échanges extérieurs nets (avec une contribution cumulée négative de -0,9pp), et plus lourdement par le repli de la consommation privée (+0,3pp au T1 2017 contre +0,5pp au T1 2016).

En outre, la formation brute de capital fixe a augmenté de 0,2pp la croissance du PIB sur le trimestre en 2017 (contre une contribution nulle au T1 2016).

…n’a pas suffi à compenser le ralentissement de la consommation

Cependant, les fortes contributions de l’investissement et des exportations nettes ne semblent pas avoir suffi à compenser entièrement l’impact du ralentissement de la consommation des ménages. Selon nous, il devrait en être de même au cours des prochains mois et ce pour plusieurs raisons, notamment la faible élasticité de la demande aux exportations. Les entreprises britanniques pourraient ne pas souhaiter abaisser les prix de leurs exportations exprimés en devises étrangères.

Premièrement, les produits d’export britanniques nécessitent beaucoup d’import. Par conséquent, leurs prix se sont renchéris en raison de la dépréciation de la livre sterling. Deuxièmement, les entreprises pourraient chercher à se couvrir contre l'incertitude liée au Brexit et la dépréciation de leurs actifs entraînée par la faiblesse de la livre. Dans ce contexte, elles pourraient aussi souhaiter se constituer un matelas de fonds propres en augmentant leurs profits.

Les intentions d'investissement (Agents Scores de la BoE) ont été légèrement revues à la hausse, mais restent toutefois en berne. En outre, les enquêtes PMI dans le manufacturier et les services indiquent de plus en plus clairement que la croissance ralentit, probablement en raison de la montée en flèche des prix des intrants, et ce alors que les nouvelles commandes dans le manufacturier (en particulier à l'exportation) et les créations d’entreprises dans les services ont commencé à refluer.

L'augmentation significative des prix des intrants, la faible réaction des exportations en volume à la dépréciation de la livre sterling, la moindre croissance de la consommation et l'incertitude liée au Brexit devraient probablement peser sur la vigueur de l'investissement et sur la contribution des exportations nettes à la croissance (comme l’a déjà confirmé les mauvaises performances de la production manufacturière au T2 2017).

Nous anticipons une contribution de l'investissement brut et des exportations nettes de 0,4pp en 2017 et en 2018. Celle de la consommation privée devrait passer à 1,2pp en 2017 puis 0,8pp en 2018 (contre 1,8pp en 2016). Globalement, nous tablons sur un ralentissement de la croissance au Royaume-Uni à 1,6% en 2017, puis 1,3% en 2018 (contre 1,8% en 2016).

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