Faut-il lire les pronostics économiques en début d’année ?

par William De Vijlder, Chef économiste chez BNP Paribas

Sans surprise, la réponse à cette question est « oui » à condition de choisir les bonnes lunettes. Le début d’année incite les économistes à une grande modestie. En préparant leurs nouvelles perspectives économiques, ils reliront inévitablement leurs prévisions pour l’année passée et y trouveront parfois d’importants écarts avec la réalité.

Il y a un an, comme beaucoup d’autres prévisionnistes, nous tablions sur une croissance plus lente en zone euro en raison de l’incertitude politique grandissante et de l’essoufflement de l’impact positif des prix faibles du pétrole des années passées. En réalité, la croissance a fortement accéléré dans les pays de la monnaie unique suite à plusieurs surprises favorables (la forte baisse de l’incertitude politique, notamment) ou défavorables (euro plus fort, absence de relance budgétaire américaine), ou à des développements en ligne avec les prévisions (hausse de l’inflation énergétique, maintien d’une politique expansionniste par la BCE). Le facteur dominant, qui est également le plus difficile à appréhender, était d’ordre psychologique : en 2017, les entreprises et les ménages ont fini par croire que les conditions pour une reprise durable étaient bien réunies. Il en a résulté une dynamique qui s’auto-alimente, la croissance entraînant la croissance.

Comment ces enseignements peuvent-ils aider à la compréhension des prévisions pour 2018? Cinq pistes pourront guider le lecteur :

  1. Le consensus, souvent critiqué, est utile parce qu’il indique le sens du mouvement
  2. Si une faible dispersion entre les prévisions individuelles peut être rassurante, un consensus trop grand invite à la vigilance : un optimisme béat porte le risque d’une déception d’autant plus grande en cas de mauvaise surpris
  3. Il est nécessaire d’évaluer sa sensibilité au scénario de croissance : si une croissance légèrement plus molle ou plus forte ne fait pas de grande différence, mieux vaut se concentrer sur des scénarios plus extrêmes et sur ce qui pourrait les déclencher
  4. Les arguments qui sous-tendent une prévision sont plus importants que la prévision elle-même, ce qui permet d’évaluer si un scénario donné repose sur un ou plusieurs facteurs (dans le premier cas ce serait inquiétant, dans le second plutôt rassurant) et si les facteurs pertinents ont tous été pris en compte
  5. Au-delà d’éléments objectifs comme le revenu ou les taux d’intérêt, les développements économiques résultent de comportements humains, ils sont donc très dépendants de facteurs psychologiques. Quand les indicateurs sont au beau fixe, comme aujourd’hui, il convient, par prudence, de s’interroger sur ce qui pourrait soudainement saper l’optimisme ambiant. Mis à part des chocs exogènes, ce pourrait être une réalité économique qui ne collerait plus à des attentes trop fortes. J’envisage donc l’année 2018 sous le signe d’une confiance vigilante.

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