Pourquoi le programme de réformes de Macron renforce-t-il l’optimisme des entreprises ?

par Katrina Dudley, CFA, Portfolio Manager chez Franklin Mutual Series

Ces dernières années, la France a perdu du terrain face à ses pairs de l’Union européenne (UE) en matière de croissance économique. En 2016, l’économie française a enregistré une croissance de 1,2 %, contre 1,9 % en Allemagne et 1,8 % au Royaume-Uni. Le taux de chômage en France a stagné aux alentours de 10 % pendant quatre ans, et représente aujourd’hui près du double de celui de ces deux autres pays européens.

Nous estimons toutefois que l’économie française commence à s’améliorer sous la présidence d’Emmanuel Macron. La France enregistre sa plus forte croissance économique de ces six dernières années. Qui plus est, les embauches des sociétés françaises ont connu leur plus grande accélération depuis quasiment 17 ans. Par ailleurs, le Fonds monétaire international (FMI) a déclaré que la France remplacerait probablement le Royaume-Uni au rang de cinquième puissance économique mondiale en 2017.[1]

Pourquoi les sociétés françaises regardent-elles avec optimisme les réformes de M. Macron ?

De notre point de vue, les sociétés françaises sont plus disposées à embaucher des employés que par le passé en raison des efforts de M. Macron pour assouplir le code du travail national. En septembre dernier, celui-ci a signé cinq décrets modifiant le code du travail, les premières réformes économiques majeures depuis sa prise de fonction en mai.

Ces décrets du travail donnent notamment aux employeurs français plus de marge de manœuvre pour négocier les contrats directement avec les employés. Depuis des décennies, la majeure partie des sociétés françaises devait se plier à des accords collectifs restrictifs propres à chaque secteur.

Ce changement vers des contrats de travail plus souples devrait être plus en adéquation avec les besoins des travailleurs français et des sociétés de l’Hexagone. Ces accords sur mesure devraient aider le secteur des services et d’autres secteurs touchés par la hausse des coûts de main-d’œuvre. À la suite de l’introduction par l’Espagne de ses réformes du marché du travail en 2012, de nombreuses sociétés ont été en mesure de négocier la paie de leurs employés et d’enrayer ainsi l’inflation salariale.

Une étude récente des sociétés européennes par la banque d’investissement UBS a montré une nette hausse des intentions de dépenses d’investissement (CapEx) des entreprises françaises.[2] Nous pensons également assister à une hausse similaire au niveau des montants que les sociétés françaises prévoient d’investir dans leur activité. Celles-ci se montrent plutôt optimistes quant aux bénéfices des réformes du marché du travail de M. Macron, et prévoient donc d’augmenter leurs dépenses d’investissement. Cette hausse des dépenses d’investissement devrait stimuler l’économie et vraisemblablement bénéficier aux actions françaises.

Nous pensons notamment qu’une hausse des dépenses d’investissement, à condition qu’elle soit financée par les banques, devrait alimenter la croissance du crédit bancaire et bénéficier au secteur bancaire français. Les réformes de Macron visant à réduire la taxe d’habitation payée par la classe moyenne française pourraient entraîner une nouvelle hausse de la demande qui devrait conduire à une croissance importante des prêts hypothécaires, qui bénéficient déjà de l’amélioration du contexte économique.

Macron est également en passe de tenir sa promesse de campagne en réduisant l’impôt sur les sociétés. En septembre de cette année, son gouvernement a présenté son premier budget qui comprenait un plan visant à faire passer l’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % d’ici 2022. Cette réduction fiscale devrait permettre à de nombreuses entreprises françaises d’augmenter leurs bénéfices.

Comment les multinationales peuvent-elles bénéficier des réformes de M. Macron dans la zone euro ?

En septembre de cette année, M. Macron a esquissé sa feuille de route pour l’UE. Celle-ci comprend notamment un budget de défense commun, une hausse des investissements dans les énergies vertes et l’harmonisation fiscale. Macron a déclaré que ces réformes étaient un effort pour améliorer la compétitivité de l’UE qui, selon lui, est trop faible, trop lente et trop inefficace depuis trop longtemps pour ce qui est de trouver des solutions aux problèmes mondiaux. Nous partageons cet avis : il est temps que l’UE prenne sa juste place sur la scène internationale.

Nous pensons notamment que certaines sociétés de défense pourraient bénéficier des plans de M. Macron pour stimuler les dépenses en matière de sécurité. Historiquement, l’Europe dépense beaucoup moins d’argent que les États-Unis pour la sécurité, et nous pensons que les chefs de gouvernement européens reconnaissent progressivement la nécessité d’augmenter leur budget de défense.

Nous pensons également que les sociétés spécialisées dans l’énergie propre pourraient bénéficier des propositions de M. Macron, notamment sur une taxe carbone européenne, visant à augmenter l’utilisation de l’énergie solaire et éolienne par l’Union européenne. Emmanuel Macron a également indiqué qu’au cours de son quinquennat, il comptait fermer toutes les centrales à charbon existant en France et réduire la dépendance du pays au nucléaire à 50 % d’ici 2025.

M. Macron marque des points auprès de ses homologues européens. En septembre, il a donné son aval à un conglomérat allemand pour la fusion de ses activités ferroviaires avec celles d’une société française. Nous pensons que cette négociation est un bon exemple de l’approche pragmatique de Macron quant au rôle que la France doit jouer dans le rapprochement européen. Ces deux sociétés devraient tirer des économies d’échelle de cette négociation et être plus à même de concurrencer une nouvelle fusion de sociétés ferroviaires chinoises.

Nous admettons effectivement que plusieurs pays européens devront sans doute ajuster leurs politiques et pourraient essuyer quelques revers à court terme à la suite de certaines des réformes proposées par M. Macron. L’Irlande et les Pays-Bas pourraient être sous pression s’il réussit à faire passer certaines réformes d’harmonisation fiscale. Ces dernières pourraient par exemple imposer la hausse des taxes payées par certains grands groupes pharmaceutiques et technologiques américains, puisque qu’une part minime de leurs bénéfices sera ponctionnée dans ces pays à faible taux d’imposition.

Appel de Macron pour un plus vaste leadership européen

Ces efforts s’inscrivent dans l’impulsion de rassemblement de l’Union européenne promue par le président Macron. Ces dernières années, l’Allemagne a endossé le rôle de chef de file des décideurs de l’UE, alors que d’autres économies européennes sont restées en arrière-plan.

Néanmoins, après les élections en Allemagne en septembre 2017, nous ne savons pas encore si la Chancelière Angela Merkel rejoindra Macron sur le front d’une intégration plus importante de l’UE. Celle-ci tente actuellement de former une coalition, et son choix ultime de partenaire pourrait avoir d’importantes répercussions sur la décision de l’Allemagne de promouvoir ou non une plus grande intégration européenne.

Cela dit, Macron n’a pas mentionné l’Allemagne dans sa feuille de route de l’Union européenne publiée peu après les élections allemandes. Il semble vouloir que tous les pays membres jouent un rôle à la tête de la future UE, pas uniquement le duo franco-allemand. Macron considère l’UE comme une vaste région, aussi grande que les États-Unis. Il pense que si elle travaille en plus étroite collaboration, elle devrait retrouver sa juste place de grande puissance industrielle et économique.

NOTES

  1. Source : Base de données du FMI, Perspectives de l’économie mondiale, octobre 2017. Rien ne garantit que les estimations, prévisions ou prédictions se révèleront exactes.
  2. Source : UBS Evidence Lab : Forte hausse des plans d’investissement, septembre 2017.