Vers un nouvel accord sur le climat à Copenhague

par Raymond Van der Putten, économiste chez BNP Paribas

Cette semaine, une conférence importante de l’ONU a eu lieu à Bonn pour préparer la conférence de Copenhague sur le climat.

L’objet de la convention de Copenhague est de décider de la suite à donner au protocole de Kyoto à l’expiration de la première période d’engagement, en 2013.

Pour que l’accord soit réussi, la convention de Copenhague devrait retenir des objectifs ambitieux pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les pays de l'OCDE.

Les pays en développement devraient réduire le taux de progression des émissions par le biais d’une meilleure gestion de l’agriculture et l’adoption de technologies à faible teneur en carbone.

Cette semaine, une conférence importante de l’ONU a eu lieu à Bonn pour préparer la conférence de Copenhague. Pour la première fois, des délégués de gouvernements et des représentants des entreprises et de l’industrie, d’organisations environnementales et d’instituts de recherche ont discuté les textes clefs qui serviront de base à un accord sur le changement climatique à Copenhague.

La quinzième Conférence des Parties se tiendra à Copenhague du 7 au 18 décembre.1. L’objet de cette réunion est de décider de la suite à donner au Protocole de Kyoto (voir encadré ci-dessous) à l’expiration de la première période d’engagement en 2013.

Les discussions se concentrent sur les engagements des pays industrialisés (les pays de l’Annexe I) pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) après 2012. D'autres questions à l'étude sont l’amélioration du négoce du carbone, les crédits d’émission dans le cadre du mécanisme de développement propre, et des options pour les activités LULUCF (land use, land-use change and forestry). Ces dernières sont restées hors des négociations ayant abouti au protocole de Kyoto. Cependant, elles sont devenues de plus en plus importantes du fait de la contribution majeure du secteur de l’agriculture aux émissions de GES (environ 17% du total), principalement en raison de la déforestation.

L’augmentation des gaz à effet de serre fait monter la température de la terre

Comme en témoignent des chiffres de plus en plus nombreux, le changement climatique est à l’œuvre. Par exemple, sur les douze dernières années (1995-2006), onze se classent parmi les plus chaudes qui aient été observées depuis le début des relevés de température à la surface de la terre en 18502. De plus, au cours des cinquante dernières années (de 1956 à 2005), la température moyenne de la planète a progressé en moyenne de 0,13°C par décennie, soit deux fois plus qu’au cours de la période 1906 à 2005.

Ces changements climatiques sont liés à des concentrations de plus en plus fortes de GES dans l’atmosphère3. En 1957, une équipe dirigée par Charles David Keeling a commencé à recueillir des données sur le dioxyde de carbone (CO2) à l’Observatoire de Mauna Loa à Hawaii. Ces mesures ont été les premières à mettre en évidence l’augmentation rapide de la concentration en CO2 dans l’atmosphère. Selon la courbe de Keeling, celle-ci a progressé de plus de 20% depuis que la collecte de ces données a commencé. Principal responsable : l’utilisation grandissante des combustibles fossiles, mais l’exploitation des sols, dont la déforestation, y contribue également, quoique dans une moindre proportion.

Par le passé, les pays de l’OCDE étaient en grande partie à l’origine des émissions de GES liées à l’énergie. Cependant, les émissions dans les pays en développement sont en nette expansion au point de dépasser aujourd’hui celles du monde industrialisé. Quoi qu’il en soit, rapportées au nombre d’habitants, les émissions de GES demeurent nettement plus élevées dans les pays de l’OCDE que dans le reste du monde. En Amérique du Nord, les émissions de CO2 par habitant atteignent à présent quatre fois la moyenne mondiale. En termes de répartition par activités économiques, près de 50% des GES étaient dus, en 2005, à la production d’électricité (cf. graphique 5). Les autres grands secteurs générateurs de gaz à effet de serre sont les transports (22,6%) et l’industrie (18,5%).

De plus, les émissions d’autres GES ont considérablement augmenté au cours des quarante dernières années. Exprimés en équivalent CO2 (eCO2), les GES ont été pratiquement multipliés par deux depuis le début des années 1970. Conséquence, leur concentration dans l’atmosphère a crû, passant d’environ 280 ppm (parties par million) à l’ère préindustrielle à 379 ppm en 2005. Si ces tendances persistent, la concentration de GES pourrait être multipliée par deux vers le milieu du 21e siècle. Selon les modèles du GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat), cela aura vraisemblablement pour effet d’accroître la température moyenne de la terre de “2 à 4,5oC. Les meilleures estimations se situent aux environs de 3oC, sachant qu’une élévation de la température inférieure à 1,5oC semble très peu probable. Des valeurs nettement supérieures à 4,5oC ne sauraient être exclues”4.

La réponse des économistes

Les preuves scientifiques des risques liés à l’accroissement des GES sont écrasantes. A partir des données climatologiques recueillies, les économistes peuvent apporter une pierre utile au débat en analysant ces risques et leurs conséquences pour le bien- être économique et en proposant des politiques permettant d’y faire face de la manière la plus efficace et équitable.

L’une des réponses les plus importantes de la communauté économique est celle apportée par le « Rapport Stern » (Stern Review on the Economics of Climate Change5). Cette étude sur les implications économiques du changement climatique a été élaborée par une équipe d’économistes du Trésor britannique, sous la direction de Lord Stern of Brentford. Sans être le premier travail réalisé sur le réchauffement climatique, cette étude fait néanmoins autorité, ne serait-ce qu’en raison de sa grande qualité et de l’important soutien dont ses auteurs ont bénéficié de la part du gouvernement britannique. De plus, le message véhiculé par le Rapport a largement contribué à sa réputation : le coût total du changement climatique équivaudra à une diminution d’au moins 5% du PIB mondial6. Si l’on tient compte d’une fourchette plus large de risques et d’impacts, l’estimation des dommages ainsi occasionnés pourrait atteindre 20%, voire plus. En revanche, les coûts de l’action – réduction des émissions de gaz à effet de serre pour éviter les pires impacts du changement climatique – pourraient se limiter à environ 1% du PIB mondial.

Ces conclusions ont été vivement critiquées. La principale question qui fait polémique est celle de l’actualisation des dommages futurs. Le taux d’actualisation retenu dans le Rapport Stern est nettement plus faible que dans les études antérieures. Le paramètre de préférence pure pour le présent est proche de zéro. Ce choix radical s’explique par le fait qu’on ne peut prétendre que l’utilité des générations actuelles est plus importante que celle des générations à naître.

Le prix du carbone

La notion de prix du carbone est au cœur des politiques en matière climatique. La fixation d’un prix pour les GES permet de faire en sorte que les prix à la production reflètent mieux les coûts réels, y compris les dommages pour l’environnement liés au processus de production. De plus, ce type de démarche est de nature à encourager les chefs d’entreprise à investir dans des techniques de réduction des émissions afin de maîtriser les coûts. Par ailleurs, devant le renchérissement des produits à forte teneur en carbone, les consommateurs seront incités à en réduire l’utilisation. Il suffit donc de fixer le prix du carbone à un niveau suffisamment élevé pour que les objectifs en matière de GES puissent être atteints, tout au moins en théorie.

La fixation d’un prix pour le carbone peut se faire de plusieurs manières. L’OCDE recommande, dans un premier temps, la suppression de toutes les subventions en faveur des énergies fossiles. L’Organisation plaide également en faveur d’une élimination des aides aux biocarburants. En termes de réduction des émissions, ces politiques sont extrêmement coûteuses ; elles pourraient dépasser 1000 USD par tonne d’émissions de CO2 évitées, alors que le prix du CO2 dans les scénarios de l’OCDE n’excède pas 50 USD.

La taxe carbone est un dispositif largement répandu, pouvant revêtir diverses formes comme les taxes sur les carburants, les réductions d’impôts au titre des véhicules peu émetteurs de CO2 ou les subventions en faveur des énergies renouvelables. L’avantage de la taxe carbone est qu’elle est facile à mettre en œuvre. Elle évite la mesure directe des émissions de CO2 qui peut être relativement coûteuse pour les petites entreprises.

La deuxième méthode est celle du négoce du carbone. Dans ce type de dispositif, les entreprises obtiennent des permis d’émission, par voie d’allocation ou d’adjudication. Ces permis peuvent être négociés sur le marché à l’instar de n’importe quel autre actif. La meilleure illustration du mécanisme « cap-and-trade » est le Système communautaire d’échange d’émissions de gaz à effet de serre (SCEQE ; en anglais EU ETS). Le dispositif couvre d’ores et déjà la moitié des émissions européennes à un coût relativement bas. Des systèmes d’échange d’émissions ont également été mis en place en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande, en Norvège et dans certains Etats du nord-est des Etats-Unis.

Le système de négoce du carbone risque de compromettre la compétitivité de secteurs très consommateurs d’énergie dans les pays participant à un tel système. Les entreprises peuvent transférer leur activité dans d’autres pays. Dans ce cas, les émissions de carbone diminueraient dans les régions qui appliquent une politique de réduction stricte, mais une telle baisse serait compensée par l’accroissement des émissions ailleurs. C’est ce qu’on appelle la « fuite carbone ». La fuite carbone peut être largement remédiée en associant davantage de pays à la politique de réduction.

La route vers Copenhague

Pour que l’accord soit réussi, la convention de Copenhague devrait retenir des objectifs ambitieux pour la réduction des émissions dans les pays de l'OCDE. L'Union européenne a ainsi proposé d’abaisser les émissions de GES à 30% en moyenne sous les niveaux de 1990 d’ici à 2020.

Cependant, même si le Président Obama est beaucoup plus disposé à accepter un compromis sur des problèmes environnementaux que son prédécesseur, le Congrès américain semble peu enthousiaste à l’idée de réductions aussi drastiques.

Ensuite, il appartient aussi aux pays en développement de réduire le taux de progression moyen des émissions de GES, sans pour autant que leur croissance en pâtisse. Dans ces régions, une meilleure gestion de l’agriculture pourrait réduire de manière importante les émissions de GES.

Enfin, la convention de Copenhague devrait fixer les modalités financières pour que les pays en développement adoptent des technologies à faible teneur en carbone.

Il sera très difficile de parvenir à un accord mondial sur le climat. Pour le moment, beaucoup de participants ne revendiquent que des positions extrêmes pour obtenir les résultats les plus favorables pour leurs pays. Ils pourraient être disposés à transiger à l’approche de la convention. Les discussions de Bonn seront suivies par d'autres réunions à Bonn (10 -14 août), Bangkok (28 septembre – 9 octobre) et Barcelone (2 – 6 novembre).

NOTES

(1) Lors du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, la Convention-Cadre des Nations unies sur le changement climatique a été mis en place. Depuis 1995, les pays signataires se sont rencontrés chaque année dans le cadre de ce qu’il a été convenu d’appeler la Conférence des Parties. Lors de la troisième conférence à Kyoto en 1997, le protocole dit de Kyoto a été adopté. 
(2) GIEC, 2007, “Changement climatique 2007 : rapport de synthèse”.
(3) Le principal gaz à effet de serre est le dioxyde de carbone (CO2). Figurent également sur la liste des GES le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O), les hydrofluorocarbures (HFC), les perfluorocarbures (PFC) et l’hexafluorure de soufre (SF6). Tous ces GES n’ont pas le même impact sur le réchauffement planétaire (forçage radiatif). Ils peuvent être exprimés en équivalent CO2 (eCO2), selon leur forçage radiatif.
(4) GIEC op. cit.
(5) Le rapport in extenso est disponible à l’adresse suivante : http://www.hm-treasury.gov.uk/sternreview_index.htm
(6) Les dommages environnementaux sont calculés comme la valeur actualisée des différences entre les scénarios avec et sans changement climatique.

 

 Protocole de Kyoto

 Le protocole de Kyoto, protocole de la Convention-Cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC ou CCCC)*, a été adopté le 11 décembre 1997 à Kyoto et est entré en vigueur le 16 février 2005, trois mois après sa ratification par la Russie en qualité de 55e membre.

Aux termes du traité, les pays industrialisés (énumérés à l’Annexe I) s’engagent à réduire les émissions de GES de 5,2% en moyenne par rapport au niveau de 1990 sur la période 2008-2012. Les pays de l’Union européenne doivent abaisser leurs émissions de 8%, les Etats-Unis de 7% et le Japon de 6%. La Russie pourra maintenir ses émissions au niveau de 1990, tandis que l’Australie et l’Islande pourront les augmenter de 8% et 10% respectivement. Le principal mécanisme de réduction des GES est le système “d’échange d’émissions”. Les pays concernés peuvent ainsi acheter et vendre entre eux des crédits d’émission. Ils peuvent également acquérir des “certificats de réduction des émissions” en finançant certains projets dans d’autres pays développés dans le cadre du système dit de Mise en œuvre conjointe (MOC). Ils reçoivent, par ailleurs, des crédits pour le financement de ce type de projet de réduction des émissions dans les pays en développement en vertu du "Mécanisme de développement propre".

En janvier 2009, le protocole avait été ratifié par 184 pays. Les Etats-Unis refusent toujours jusqu’à présent de ratifier le traité. A l’heure actuelle, la proposition de loi Waxman-Markey est devant le Congrès américain. Elle prévoit de réduire les émissions de GES de 17% entre 2005 et 2020 (ou de 4% par rapport à 1990). Avant que la loi soit votée, l’objectif pourrait même être abaissé davantage.

* La CCNUCC a été adoptée lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992.  

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