Retraites : Osons en parler

par John Plassard, Spécialiste en investissement chez Mirabaud

Il y a des sujets dont on préfère ne pas parler tout de suite. La retraite fait partie de ceux-là. Aubaine pour certain ou peur du vide pour d’autres, c’est un sujet qui fait toujours autant débat.

Cependant on oublie de dire que l’accroissement de l’espérance de vie a un impact énorme sur les systèmes de retraite et représente potentiellement une bombe à retardement.

Osons donc en parler en analysant les impacts économiques. Synthèse et analyse.

Les faits

L'espérance de vie augmente d’une année tous les 5 ans et un nouveau-né sur 2 peut espérer devenir centenaire. En conséquence le ratio de dépendance, c’est- à-dire le rapport entre les actifs et les retraités devraient passer de 8 pour un, son niveau actuel, à 4 pour un en 2050.

Le déficit des caisses de retraites de 7 pays (États-Unis, Chine, Inde, Grande- Bretagne, Japon, Canada et Australie) étudiés par le World Economic Forum (WEF) est actuellement estimé à 70’000 milliards de dollars, c’est-à-dire 1,5 fois leur PIB.

Il est calculé en tenant compte des besoins de retraite prévisionnelle compte tenu des prévisions de longévité, et en prenant pour hypothèse le maintien des âges de départ à la retraite actuels.

• Des prévisions qui font peur

Selon une étude publiée par le WEF les engagements non couverts en matière de retraite pourraient dépasser les 400’000 milliards en 2050 selon les projections, soit une progression annuelle de 5%. Pour les seuls États-Unis, les besoins de financement passeraient de 28’000 milliards à plus de 137’000 milliards en 2050.

Les pays émergents sont concernés par cette dérive. La Chine et l’Inde devraient voir leurs besoins de retraite non couverts progresser de 7 à 10 % par an….Rappelons que le nombre de personnes retraitées durant ce siècle passera de 700 millions à 2 milliards.

• Quelles solutions privilégier ?

Selon l’étude de la Commission européenne, en Europe depuis le milieu des années 1990, la moitié des pays de l’Union Européenne (UE) a adopté des mécanismes d’indexation des principaux paramètres en Suède dès 1998, en Allemagne dès 2004, en Espagne dès 2013. Huit pays disposent d’un lien direct entre les changements de l’espérance de vie et l’âge officiel de la retraite.

La première mesure a été de relever l’âge statutaire de la retraite. Tous l’ont fait, sauf le Luxembourg. Les écarts sont d’ailleurs étonnamment grands entre les pays. En 2060, l’âge de la retraite devrait être à 72,5 ans au Danemark et 63 ans en Bulgarie. Les gouvernements multiplient les mesures d’incitation à partir plus tard à la retraite, à l’image de l’augmentation des années de contribution pour obtenir une retraite pleine.

Cinq pays (Suède, Italie, Grèce, Allemagne, Autriche) ont par ailleurs modifié leur système en faveur d’une primauté des contributions et/ou à la mise sur pied de plusieurs piliers de la prévoyance et non plus d’un seul. L’UE prévoit à long terme une augmentation de la durée de la retraite de trois ans pour les hommes et d’un an pour les femmes.

• Comment investir dans la thématique ?

La thématique n’est bien évidemment pas nouvelle, mais les chiffres précités doivent nous faire réfléchir et arriver à la conclusion que nous vivons de plus en plus longtemps.

Au Japon les baby-boomers et les seniors détiennent les deux tiers des avoirs financiers. La richesse nette de la zone euro est détenue à 56 % par les plus de 55 ans. Aux États-Unis, 70 % du revenu disponible sont contrôlés par la tranche des plus de 50 ans. Au niveau mondial, cette proportion dépasse 50 %. Dans l’ensemble, d’ici à 2020, les plus de 60 ans disposeront d’un pouvoir d’achat de 15’000 milliards de dollars.

Cela étant dit, plusieurs secteurs vont bien évidemment bénéficier du « papy-boom ». On peut notamment citer la pharmacie, les équipements médicaux (prothèses et aides auditives) et les infrastructures spécialisées dans la dépendance et l'aide à la personne.

Compte tenu du pouvoir d'achat du troisième âge, il ne faut pas non plus oublier l'industrie des loisirs, avec notamment les voyages, l'hôtellerie et le bricolage, mais aussi les produits de soin et les sociétés de services financiers associés à l'épargne. Enfin, les valeurs liées au thème de la sécurité (sécurité électronique et la télésurveillance), font également partie du vieillissement de la population.

Plusieurs excellents fonds et baskets sont aussi consacrés à la thématique.

D’après la Banque mondiale, certains pays asiatiques devraient perdre jusqu’à 15% de leur population en âge de travailler d’ici à 2040. La dépense publique constitue un challenge pour les gouvernements. Ceux-ci devront consacrer une plus large part du budget aux retraites, aux soins de santé et à d’autres postes liés au soutien aux personnes âgées. Une réorientation qui, en raison de la réduction du nombre de personnes en âge de travailler, coïncidera avec une diminution des recettes fiscales.