Marché du crédit en France : a-t-on touché le point bas ?

par Alexandre Bourgeois, économiste chez Natixis

Il est indéniable que le marché du crédit bancaire a enregistré en France un ralentissement très significatif depuis le début de la crise. Que l’on considère les flux de nouveaux crédits au secteur privé (ménages ou entreprises) ou l’évolution globale des encours, tous les indicateurs confirment cette tendance.

Les premiers reculent ainsi depuis déjà trois ans (soit avant la crise) et retrouvent aujourd’hui leurs niveaux du printemps 2005 (soit une baisse d’environ 25 % par rapport à leur point haut de septembre 2006). Les seconds voient, pour la première fois depuis douze ans, leur glissement annuel s’approcher de la barre des zéros.

L’objectif d’une hausse de 3 % à 4 % des encours de crédit en 2009 (comme les banques françaises s’y étaient collectivement engagées) apparaît donc lointain désormais.

Pourtant, certains signes pourraient donner à penser que le plus dur du recul est désormais derrière nous. En premier lieu, le rythme de repli des nouveaux crédits au secteur privé semble ralentir. Même si les données de juillet (dernières statistiques fournies par la Banque de France) sont apparues un peu moins favorables que prévu, le glissement annuel des nouveaux prêts aux ménages et aux entreprises a ainsi arrêté de reculer. Ensuite, les enquêtes trimestrielles de la Banque de France auprès des banques commerciales indiquent désormais un arrêt du durcissement des critères d’octroi de prêts et une moindre dégradation (voire même une remontée, concernant les ménages) de la demande de prêts.

En particulier, les banques confirment désormais que leur niveau de fonds propres et leur position de liquidité (comme en témoigne le haut niveau des réserves excédentaires placées auprès de la BCE) sont satisfaisants et leur accès aux marchés financiers facilité. De leur coté, les ménages semblent anticiper (c’est en tout cas ce qu’indiquent les banques…) un arrêt de la dégradation des perspectives concernant le marché immobilier et les entreprises veulent profiter des meilleures conditions actuelles pour restructurer leur dette. Enfin, les taux d’intérêt sur les crédits (en particulier pour les crédits aux entreprises à taux variables) atteignent aujourd’hui des niveaux tout à fait attractifs.

D’ailleurs, après s’être très nettement redressées depuis le début de la crise1, les marges bancaires commencent à se stabiliser. Même si la mesure macroéconomique de cet indicateur reste toujours difficile à établir2, les enquêtes de la Banque de France et celles de l’Association Française des Trésoriers d’entreprise (AFTE) indiquent sans ambigüité un très net ralentissement dans le processus de remontées des marges. Ce dernier processus, qui a été initié au moment où les entreprises bancaires ont commencé à enregistrer des pertes sérieuses sur les marchés financiers3, pourrait paraître surprenant alors que les taux de créances douteuses restent pour l’heure réduits (en particulier si on compare à la situation qui prévaut aux Etats-Unis, par exemple). En effet, malgré sa très légère remontée depuis la fin d’année dernière, le taux de créances douteuses brutes reste toujours à des niveaux historiquement limités : 2,83 % au premier trimestre 2009 (3,63 % pour les sociétés non-financières et 3,01 % pour les ménages), contre, par exemple, plus de 8 % au milieu des années 90.

Toutefois, les évolutions qui devraient intervenir à partir de 20104 sous-entendent une poursuite de la remontée des faillites d’entreprises et de la hausse du chômage. Les premières restent en effet pour l’heure inférieures à leur niveau de 1993-1994 alors que le nombre d’entreprises a nettement crû en France depuis lors et que la récession actuelle est deux à trois fois plus violente qu’à l’époque. Quant au chômage, la nécessité pour les entreprises de restaurer leurs marges (au regard d’une productivité qui s’est très nettement dégradée au cours des derniers mois) devrait mécaniquement les conduire à réduire leurs effectifs. Ces deux phénomènes conjugués devraient avoir pour effet une remontée de la sinistralité bancaire qui justifiera a posteriori la hausse récente des marges. Après les fortes pertes observées dans l’activité « banque d’investissement », le système bancaire français ne peut en effet pas se permettre de subir une crise des banques de détail.

NOTES

  1. Cf. Bourgeois A. (2009), « Quid de l’évolution des marchés : France : la baisse des taux des crédits aux entreprises commencent enfin à baisser sensiblement.», Eco Hebdo n°12, 20 mars.
  2. Ainsi, les spreads entre les taux sur les nouveaux crédits aux ménages et aux entreprises et le taux Euribor 3 mois ont arrêté de progresser, les spreads par rapport aux taux publics et aux taux de swap ont baissé significativement alors que les spreads contre le taux obligataire des institutions financières continuent de se redresser…
  3. Et après des années de baisses ininterrompues des marges sur les crédits, il faut le rappeler…
  4. Cf. Bourgeois A. (2009), « Edito : Reprise économique : « Attention à ne pas aller trop vite en besogne »…», Eco Hebdo n°32, 28 août.

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