Des marchés sous perfusion

La plupart des grands indices boursiers européens affichent aujourd’hui une hausse par rapport au début de l’année après avoir plongé plusieurs fois ces derniers mois. L’explication ? Ils réagissent aux décisions de la Banque centrale européenne (BCE) et sont donc sous perfusion. Mais cela peut-il durer ?

 
Début juin, l’Eurostoxx 50 accusait une baisse de 7,5%, le CAC 40 de 2,8%, le FTSE britannique de 2,2% et le MIB italien de 10%. A la date du 21 septembre, les performances sont de respectivement +11,2%, +11,7%, +5% et +6%. Le Dax allemand était déjà en hausse en juin (+4,2%) et il a accru ses gains (+26,4%).
 
Ces performances européennes contrastent quelque peu avec celles des indices américains : en juin, le Dow Jones était en hausse de 2,2%, le Nasdaq de 9,3% et le S&P 500 de 2,2%. Au 21 septembre, le premier affiche +11,2%, le deuxième +22% et le dernier +16%.
 
Il faut noter qu’à l’exception du S&P 500, qui n’est pas encore passé en territoire positif (-0,5%), les deux autres grands indices américains affichent un niveau supérieur à celui de fin 2007 (+20% pour le Nasdaq et +2,4% pour le Dow Jones). 
 
En clair, ils ont effacé les pertes liées à la crise financière puis économique qui a éclaté en 2008. Il faut dire qu’en dépit des difficultés, en particulier un taux de chômage très élevé (8,1%, selon les dernières statistiques), l’économie américaine semble sur le point de repartir. Bien sûr, les Etats-Unis ne retrouveront pas de sitôt le rythme d’avant la crise (3% à 4%) mais ils pourraient afficher 2% voire un peu plus. 
 
En Europe, la croissance est nulle et la récession guette. Si les marchés sont repartis à la hausse cet été, c’est parce que « le risque systémique d’éclatement de la zone euro s’est fortement atténué », déclarait récemment Jean-Marie Mercadal, directeur général délégué d’OFI Asset Management en rappelant que les investisseurs anglo-saxons étaient jusqu’alors convaincus que la monnaie unique allait exploser. 
 
En début d’année, les injections de liquidités par les banques centrales, avec notamment le LTRO, avaient déjà permis une hausse des marchés européens. Mais l’aggravation de la crise de la zone euro et les révisions en baisse de la croissance mondiale, notamment en Chine, avaient provoqué un recul des indices au printemps.
 
Comme l’expliquait Jean-Marie Mercadal, il y a clairement un conflit entre les indicateurs économiques, plutôt négatifs, et les actions de la Banque centrale européenne. Celles-ci font tout pour soutenir l’économie européenne et placent de fait les marchés sous perfusion.
 
La question est de savoir si cette situation peut perdurer. L’intervention de la BCE ne risque-t-elle pas de perdre en efficacité si la conjoncture demeure déprimée ? Ne risque-t-on un scenario à la japonaise où la déprime dure depuis plus de 20 ans ?
 
L’Europe dispose d’un avantage pour le moment : elle a réussi à écarter tout risque de déflation. En injectant des liquidités et en ayant une approche accommodante, la BCE fait même tout pour favoriser l’inflation, qui a atteint 2,6% en août dans la zone euro.
 
Mais il y aura une réelle amélioration si la croissance revient. Pour le moment, les dirigeants politiques européens laissent la BCE parer au plus pressé mais se révèlent incapables de prendre les décisions qui pourraient permettre à l’Europe de renouer avec la croissance sur le long terme. Dans un tel contexte, les marchés risquent d’affronter de nouvelles turbulences.