Faut-il avoir peur d’une pénurie d’eau ?

par Tim Dieppe, Gérant ISR chez Handerson Global Investors

A Londres, où il semble pleuvoir presque chaque jour, la pénurie d’eau n’est pas vraiment un sujet de préoccupation. Cependant les choses sont bien différentes dans d’autres régions du monde. Les Nations-Unies ont plusieurs fois rappelé que la pénurie d’eau pourrait devenir un motif de guerre pour certains pays.

En 2007, le premier ministre australien de l’époque, John Howard, avait notamment appelé la population à la prière pour qu’enfin la pluie revienne après une période de sécheresse de plus de sept ans ! Cette sécheresse fut la plus rude que l’Australie ait connu depuis plus d’un siècle, entraînant la transformation de la couche supérieure des sols en poussière mais aussi une hausse des suicides chez les agriculteurs en difficultés. Howard avait annoncé que s’il ne pleuvait pas rapidement et de façon conséquente, il se verrait dans l’obligation d’interdire la distribution d’eau servant à l'irrigation du bassin du fleuve Murray-Darling, qui produit 40% des réserves agricoles de l'Australie(1).

Après 7 ans de sécheresse, la pluie tomba enfin, offrant à de très jeunes enfants la possibilité de jouer sous la pluie pour la toute première fois. Cela n’a pas suffit à maintenir Howard à son poste de Premier Ministre, le manque de prises de mesures concrètes causant sa défaite aux élections de décembre 2007, notamment concernant le Murray-Darling qui traverse quatre états (Nouvelle-Galles du Sud, Queensland, Victoria et Australie du Sud) et dont l'approvisionnement en eau du bassin avaient été sévèrement surévalué pendant de nombreuses années.

Pénurie d’eau au Moyen-Orient

Israël fait actuellement face à la plus sévère pénurie d’eau qu’elle ait connue depuis des décennies (2). La mer de Galilée se tarit en raison d’une sécheresse de plus de quatre années consécutives et d’une surconsommation accrue causée par l’accroissement de la population. A la mi-novembre 2008 le niveau de l'eau était de 214 mètres au-dessous du niveau de la mer : si le niveau continue de baisser, il deviendra impossible de pomper et il n'y aura plus d'eau disponible à la consommation. Les deux autres sources principales en eau pour Israël – la montagne et les couches aquifères côtières – sont également presque épuisées. Le gouvernement a lancé une campagne de sensibilisation invitant les Israéliens à conserver l'eau et a déjà restreint les approvisionnements en eau pour l'agriculture. Arroser les jardins des villes avec de l'eau douce est désormais interdit. Le Ministre de l'Agriculture a prévenu que des milliers d'ares de vergers devront être déracinés afin de limiter la demande en eau potable.(3)

Les pays limitrophes d’Israël font face aux mêmes préoccupations. La situation en Jordanie est encore plus désastreuse. Quelques villes palestiniennes reçoivent l'eau seulement trois à quatre heures par semaine et doivent la stocker dans de grands réservoirs. La Palestine exige d’Israël un meilleur approvisionnement en eau, cette demande faisant partie des accords de paix. Le récent conflit dans la bande de Gaza rend, bien entendu la négociation sur l’approvisionnement en eau de plus en plus difficile.

L'eau : un motif de guerre pour certains pays ?

Bien que la situation soit tendue, contrairement à beaucoup, je ne pense pas que l’eau sera le motif d’une prochaine guerre mondiale. Ce sont les états situés loin des sources ou des fleuves qui seraient les plus à même d’entrer en conflit, mais ils seraient alors vulnérables face à d’autres états, lesquels pourraient bloquer ou polluer les sources d’eau potable. En outre, les guerres coûtent chère, et comme le précise un analyste des forces Israéliennes, « Pourquoi aller faire la guerre pour de l'eau ? Pour le prix d'une semaine de combat, il est possible de construire cinq usines de dessalement, ne subir aucune perte en vie humaine, aucune pression internationale, et posséder une source fiable qui n’est pas à défendre en territoire hostile.»

Un souci global croissant

Selon l'ONU, « Les pays bénéficiant de ressources en eau douce comprises entre 1000 et 1500 m3 par habitant et par an, pourraient subir de graves pénuries d’eau, spécialement en période de sécheresse ». Les cas de pénurie ont augmenté durant ces cinq dernières années. D'ici 2025 deux-tiers de la population mondiale vivra dans des régions à risque. Les régions les plus touchées sont l'Afrique du Nord et de l’Ouest, l’Afrique du Sud ainsi que l'Asie. La quantité d’eau disponible sur Terre est composée à 97,5% d’eau de mer. Sur les 2,5% d'eau douce disponibles, 68,9% sont emprisonnés dans les glaciers, 30,8% se trouvent dans les nappes phréatiques, et seul 0,3% se trouvent dans les lacs et les fleuves.

Dessalement : la solution

Le dessalement semble être la solution évidente pour combattre la pénurie d'eau dans le monde bien qu'il existe quelques obstacles à ceci. Le coût a constitué l’un des obstacles majeurs pendant de nombreuses années. Cependant, la taille des usines de dessalement a été multipliée par dix entre 1995 et 2005, et les frais financiers ont, quant à eux, été réduits de 60%. La consommation en énergie des usines de dessalement a également été réduite de 12 kwh/m3 dans les années 80, pour atteindre 1.5-2.0 kwh/m3 aujourd’hui.

Grâce à une meilleure productivité et une durée de vie plus importante, les systèmes d’osmose-inversée sont également plus rentables et le coût de dessalement est aujourd’hui comparable au coût d’approvisionnement en eau douce dans certaines régions, soit 0,70 $/m3.

Le mauvais bilan carbone des usines de dessalement avait également découragé certains de leur utilisation, mais leurs besoins en énergie ont été sensiblement réduits. La gestion des sous-produits, tels que l'eau et le sel, s'est également améliorée et ne compromet plus la vie sous-marine réduisant au minimum l’Empreinte carbone de ces usines. Le dessalement est maintenant une solution largement viable pour faire face au problème lié à l’approvisionnement en eau et se positionne comme un secteur attrayant pour l'investissement.

Le gouvernement israélien a répondu favorablement en augmentant son objectif de dessalement d’eau à 700 millions de m3 par an, contre 133 millions précédemment. Cependant, cette capacité devrait tout juste permettre de couvrir les besoins en eau potable pour toute la population israélienne pour seulement un an et les allégations persistent concernant la mauvaise gestion qui a été mise en place. Les critiques arguent du fait que plus d'usines de dessalement auraient dû être construites depuis des années. La situation actuelle était prévisible et aurait pu être évitée. On s'attend à ce que d'autres pays dans la région intensifient leurs processus de dessalement. La Jordanie a un accès direct à la mer, et dans le désespoir pourrait dessaler l'eau de la mer morte, bien que cela demande une consommation en énergie très importante étant donnée la salinité élevée de la mer morte.

La gestion de l'eau comme thème d'investissement

En raison d’une nécessité croissante dans plusieurs états à améliorer l'approvisionnement en eau potable, les dépenses liées aux projets d’aménagements hydrauliques ne devraient pas être affectées par la crise du crédit ni par les restrictions budgétaires des gouvernements. C’est pourquoi la gestion de l’eau est l’un des thèmes d’investissement du fonds Henderson Industries of the Future. Nous investissons dans des sociétés impliquées dans la gestion de l’eau qui devraient bénéficier dans les années à venir des dépenses allouées à ce secteur.

A titre d’exemple, nous avons investi dans Energy Recovery Inc., qui commercialise un dispositif qui récupère l’énergie produite par la pressurisation de l’eau contre une membrane et permet de réduire la consommation d'énergie d'environ 60%. La société a récemment décroché deux nouveaux contrats en Algérie et est également bien placée pour l’obtention de projets en Israël.

Finalement la pénurie d’eau se fait de plus en plus sentir, mais les solutions sont de plus en plus abordables et efficaces et les gouvernements augmentent leurs dépenses en infrastructure. Si la frayeur doit nous gagner, l’eau n’en sera pas la cause !

NOTES

1 ) « Hot, Flat and crowed », Thomas Friedman, Farrar Straus Giroux 2008,p127
2 ) « Israel facing the worst Water crisis in more than 100 years », Julie Stahl, CNSNews, 19 novembre 2008 www.cnsnews.com/public/content/article.aspx?RsrcID=39581
3 ) « Right there, under the ground » le Jack Gilron, Haaretz 16 novembre 2008 www.haaretz.com/hasen/spages/1037277.html
4)  a cité dans : « The Skeptibal Environmentalis », Bjørn Lomborg, Cambridge Pression d'université, p157
5)  www.un.org/documents/ecosoc/cn17/1998/background/ecn171998-
swami.htm
6) 
www.news.bbc.co.uk/1/hi/sci/tech/3747724.stm
7)  www.news.bbc.co.uk/1/hi/sci/tech/3747724.stm