Finance comportementale : bilan 2010

par Romain Lahoste, Gérant, Allocation d’actifs, chez CCR AM

« Les prix suivent des tendances qui se répètent car les marchés sont conduits par les hommes – et la nature humaine ne change pas ». Nous partageons cette conviction de Jesse Livermore (investisseur légendaire du début du XXème siècle et comportementaliste avant l’heure) et notre philosophie de gestion en est l’expression. Nos indicateurs systématiques visent à profiter des mouvements haussiers de long terme et à couper nos positions à temps dans les grands mouvements baissiers.

Cette approche nous a permis d’afficher une performance positive au cœur de la crise en 2008 et de capter une partie de la hausse de 2009. Cependant, il est inévitable que nous traversions aussi des périodes sans tendance marquée. Ainsi dans les marchés volatils et sans orientation claire de l’année 2010, les « faux départs » ont pris parfois nos indicateurs à contrepied. Notre gestion n’étant pas uniquement systématique, d’autres moteurs de performance prennent le relais quand la tendance n’est pas là. à ce titre, 2010 a constitué une véritable année test pour les fonds de la gamme CCR Flex en illustrant la complémentarité des approches de gestion systématique et discrétionnaire mises en place.

1 – Actions : une allocation systématique qui permet de limiter la casse mais érode un peu la performance du fonds

En moyenne sur l’année, les fonds ont été exposés aux actions aux deux tiers de leur potentiel. Cette exposition a bien entendu varié significativement dans le temps afin de limiter l’impact des baisses de marché. Elle a notamment atteint un point bas lors de la crise européenne sur la dette gouvernementale. Durant cette période, les actions mondiales ont perdu -15,42% (MSCI World Local de 15/04/10 au 5/07/10) et la baisse sur les fonds a été contenue à -8,12% sur CCR Flex Croissance et -3,41% sur CCR Flex Patrimoine. Par la suite, les marchés volatils et sans tendance de l’été ont ponctuellement pénalisé la performance (ce que nous nommons trivialement l’effet « portes de saloon »), jusqu’à la reprise de la rentrée. L’exposition actions a alors été nettement augmentée, coïncidant avec l’accélération haussière des actions en septembre.

Concernant l’allocation géographique, nous avons été exposés plus régulièrement et plus fortement aux marchés émergents et américains qui ont surperformé l’Europe, pénalisée par la crise irlandaise. En moyenne sur l’année, l’exposition aux marchés émergents a d’ailleurs été deux fois plus importante que l’exposition européenne.

D’autre part, nous nous sommes repositionnés sur le Japon, seul marché en hausse lors de la consolidation de novembre. Sur l’année, malgré le coût d’opportunité généré par les faux signaux de nos modèles systématiques, les actions restent le principal contributeur à la performance des fonds (plus de la moitié de la performance sur l’année de CCR Flex Patrimoine).

2 – Taux : une allocation systématique plutôt payante

Concernant les classes d’actifs obligataires, le crédit Investment Grade, très présent en début d’année dans nos allocations, a été progressivement réduit au profit des obligations américaines suivant la tendance relative de ces deux classes d’actifs. Nous avons aussi bénéficié de notre exposition à la dette émergente et aux obligations à haut rendement, qui se classent parmi les actifs les plus performants en 2010.

Au cours des derniers mois, les obligations ont subi un choc de marché important, notamment en Europe, où les obligations d’Etat ont connu leurs pires pertes depuis 1999. Les fonds ont été relativement peu impactés par ces événements car nous avons significativement réduit nos positions obligataires au profit du monétaire entre novembre et décembre (la poche obligataire du fonds CCR Flex Patrimoine qui a représenté jusqu’à 50% de l’actif a été réduite à 27%). Notons également que nous étions très sous-pondérés sur la dette d’Etat européenne depuis le début de l’année, et que nous ne sommes aujourd’hui pas du tout exposés aux obligations souveraines européennes. Au total, sur l’année 2010, notre poche obligataire a obtenu une performance plus de deux fois supérieure à celle d’un indice Euro Aggregate, et contribue à hauteur du tiers de la performance sur l’année du fonds CCR Flex Patrimoine.

3 – Devises : l’alliance performante du discrétionnaire et du systématique

La gestion de l’exposition au dollar a joué un rôle important cette année, en particulier dans les phases de baisse où le billet vert a constitué un refuge efficace. Nous l’avons par conséquent principalement utilisé à des fins de couverture. Ce fut le cas lors de la crise grecque du printemps 2010, et ce fut également le cas lors de la crise irlandaise : début novembre, nous avons choisi de nous réexposer fortement au dollar (exposition équivalente à la moitié de notre exposition action) ce qui a permis aux fonds de tirer leur épingle du jeu lors de la dernière consolidation de novembre. En effet, le billet vert a alors gagné plus de 7,32% compensant la baisse de l’indice MSCI des marchés émergents qui a perdu 6,93%. Au total, sur l’année, l’impact de notre allocation devises n’aura été que marginalement positif, mais il nous aura permis de réduire considérablement notre volatilité dans les périodes de stress.

4 – Sélection de fonds : principal moteur de performance discrétionnaire

La sélection de fonds s’est avérée particulièrement performante, surtout sur les actions, ce qui nous a permis de compenser le manque à gagner généré par notre allocation systématique actions.

Dans la poche américaine, le fonds Findlay Park a été fidèle à son historique exceptionnel (12 années de surperformance d’affilée par rapport au S&P). Il réalise une performance en dollars de +23,02% soit 10,23% de plus que l’indice américain. Le fonds PIM America, intégré dans la gestion début mars réalise quant à lui une surperformance de 8,41% par rapport au S&P. Cependant, c’est sur l’Europe que l’on trouve les plus fortes surperformances. Cela illustre bien la complémentarité des moteurs de performance de notre gestion.

En effet, la crise européenne a exacerbé les disparités entre les pays de la zone et engendré une volatilité qui a pénalisé nos indicateurs systématiques. Or, les gérants que nous avions sélectionnés ont su tirer profit de ces disparités, en misant notamment sur l’Allemagne et les pays scandinaves. Les fonds Ignis Argonaut European Alpha et Alken European Opportunity ont ainsi surperformé leur indice de référence de 12,71% et 8,71% respectivement. Le fonds M&G Recovery, quant à lui, surperforme son indice pour la 11e année calendaire consécutive. Au total, sur l’année, notre poche se classerait dans le 1er décile de l’univers des fonds actions européennes. Les poches actions des pays émergents et actions japonaises ont également surperformé tant leur indice de référence que leur univers compétitif, quoique dans une moindre mesure.