La remise à zéro des « 3 R » : Reprise, résilience, refonte

par Ben Constable-Maxwell, Responsable de l'investissement durable et d'impact chez M&G Investments

En pleine pandémie de coronavirus, il est urgent de revoir notre modèle de croissance. Le bilan humain est lourd, le virus ayant fait près de 750 000 victimes à ce jour. Parallèlement, la contraction prévue de 4,9 % du produit intérieur brut (PIB) mondial en 2020 met en évidence le bilan économique.

Les implications sociales sont profondes. Si le mouvement Black Lives Matter a pris autant d'ampleur, c'est en partie parce que les minorités ethniques et les populations à faible revenu sont confrontées à des risques sanitaires plus élevés et risquent d'être les plus touchées par la crise économique. Un récent rapport de Christian Aid suggère que la pandémie pourrait pousser plus d'un demi-milliard de personnes dans la pauvreté extrême. Sur le plan environnemental, la forte augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES) depuis l'assouplissement des mesures de confinement a fait craindre que les mesures de protection de l'environnement, chèrement acquises, ne soient sacrifiées au profit de la reprise économique.

La détermination avec laquelle la crise a été gérée, pas toujours parfaitement mais certainement avec urgence, indique comment nous pourrions relever l'éventail croissant de défis en matière de durabilité sociale. Les perturbations induites par la pandémie nous ont donné l'occasion de "repenser" notre modèle de croissance. Nous pouvons aspirer à aller au-delà de la "reprise" (qui suggère un simple retour à la normale) pour nous orienter vers une remise à zéro des "3 R" régénératifs : reprise, résilience et refonte.

Une reprise plus ambitieuse aujourd'hui

L'austérité imposée après la crise financière mondiale a été considérée comme une réponse nécessaire à la dette publique qui ne cessait d’augmenter suite au sauvetage du secteur financier. Toutefois, à bien des égards, la nature du plan de sauvetage (et le durcissement des conditions qui s'en est suivi) a ouvert la voie aux problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, en concentrant les investissements sur la relance de l'économie et le soutien des prix des actifs, sans pour autant résoudre les nombreux problèmes sociaux et environnementaux sous-jacents.

Cette fois-ci, nous avons désormais la possibilité et la responsabilité de veiller à une reprise à la fois durable et équitable. Pour y parvenir, les secteurs public et privé devront partager cette responsabilité et, le cas échéant, travailler ensemble pour développer (et financer) des technologies et des programmes d'infrastructure innovants susceptibles de contribuer à un avenir durable.

  • Les programmes "verts" d'investissement dans les infrastructures publiques peuvent stimuler un programme ambitieux de réduction des émissions de carbone.
  • Les programmes de sauvetage des entreprises peuvent générer une contrepartie sociale en assortissant les aides publiques de conditions stipulant que les entreprises utilisent les fonds pour soutenir une croissance durable et inclusive et qu’elles s'engagent à respecter des normes sociales et environnementales plus strictes (par exemple, paiement responsable des impôts, protection renforcée des travailleurs, engagements de décarbonisation et normes de meilleure gouvernance).
  • Les entreprises leaders en matière de durabilité et pionnières sur le développement de solutions aux défis sociétaux et environnementaux – dont beaucoup ont plutôt bien résisté pendant la récession – auront la faveur des capitaux des investisseurs à l'avenir.

L'économie et la durabilité s'alignent

Les économistes plaident en faveur d'une reprise durable. Une étude récente de l'Université d'Oxford a conclu que les activités qui seraient les plus efficaces en termes d'impact économique et climatique sont les investissements dans des infrastructures propres, la rénovation des bâtiments, l'éducation, la formation et les soins de santé, le capital naturel et la R&D propre.

Investir pour « l'impact »

Les investisseurs ont un rôle majeur à jouer en dirigeant les capitaux des entreprises à "coût sociétal élevé" vers les entreprises à "bénéfice sociétal élevé". La taxonomie durable de l'UE, bien que frustrante et inévitablement complexe, sera cruciale pour aider à définir la différence (d'abord dans un contexte environnemental mais, le moment venu, en englobant aussi les aspects sociaux).

Pour aller plus loin, l'investissement d'impact peut ouvrir la voie à cette évolution et entraîner des améliorations dans la mesure et la comptabilisation des résultats non financiers. Le projet de gestion de l'impact (Impact Management Project – IMP) et son projet affilié, l'alliance IMP+ACT, jouent un rôle inestimable en rassemblant des approches et des méthodologies disparates dans un cadre simple à utiliser pour évaluer et catégoriser la manière dont les portefeuilles et les investissements sous-jacents contribuent aux solutions.

L'investissement d'impact est bien plus qu'une simple question d'altruisme. Une "optique d'impact" fournit un aperçu crucial d'un plus grand nombre de risques réels auxquels les investisseurs sont confrontés, en ce sens qu'elle tient explicitement compte des risques (et des opportunités) tant dans les bilans des entreprises qu'en dehors, en considérant les coûts créés par les entreprises que la société doit actuellement supporter. Une responsabilité équitable pour ces coûts et une comptabilité plus précise de ceux-ci seront essentielles pour déterminer la véritable "valeur" des entreprises.

Repenser l'avenir

Il est rare d'avoir l'occasion de repenser notre avenir en sachant clairement ce à quoi nous devons nous attaquer. Nous savons qu'un gaspillage excessif est à la fois économiquement inefficace et écologiquement dommageable ; que la pollution nuit à la santé humaine, entraîne une perte de biodiversité et contribue à la crise climatique ; et que l'inégalité et l'injustice ne sont pas de simples concepts mais des problèmes réels qui touchent des centaines de millions de personnes. Alors, sortons ces pratiques non durables de notre système.

Il est logique de prendre en compte ces coûts très réels dans notre analyse (et dans les responsabilités des entreprises). Les entreprises et les investisseurs qui sont en avance sur leur temps tireront profit du changement de prix du capital prévu, tout en signalant au reste du marché que ce modèle peut être un succès.

Il est de notre responsabilité de saisir cette opportunité et de se "redresser" plus durablement, d'intégrer la " résilience " dans la reprise et de " repenser " le système pour un futur avec la durabilité et l'égalité en son cœur.