Le PPIP, antidote pour les actifs toxiques des banques américaines ?

par Estelle Honthaas, économiste au Crédit Agricole

• L’annonce des détails de fonctionnement du PPIP (Public-Private Investment Program) a été saluée par les marchés boursiers, et a largement profité aux valeurs bancaires. Ce programme de rachat des actifs toxiques, qui polluent encore les bilans des banques américaines, est en effet original et a priori suffisamment incitatif pour que ses chances de succès soient réelles.
• Tim Geithner a par ailleurs annoncé un vaste projet de refonte de la régulation financière aux Etats-Unis, visant à mieux contrôler les principales institutions financières et le shadow financial system.

 

Le Financial Stability Plan présenté par le Trésor en février comporte 3 volets majeurs, complémentaires les uns des autres :
Des stress tests, pour identifier la résistance des bilans des 19 principales banques américaines à une conjoncture dégradée et estimer les besoins de capitaux additionnels qui en résulteraient.

Un programme d’injections de fonds propres, pour combler les déficits de capitaux. Un programme de rachat des actifs toxiques, le PPIP, pour assainir les bilans des banques.

L’objectif du PPIP est de permettre un assainissement organisé des bilans bancaires, et de dégeler les marchés du crédit.

La mise en place de ce programme par le Trésor est révélatrice des difficultés auxquelles se heurtent les banques : 18 mois après avoir démarré, non seulement le processus de révélation des pertes n’est toujours pas achevé, mais il s’auto-entretient avec la récession. Il menace du coup le financement de l’économie et réduit les chances de succès du plan de relance.

L’objectif du Trésor est également qu’une fois la question de la valorisation des actifs à leurs bilans réglée, la confiance dans les banques soit rétablie. Ce qui leur permettra à nouveau de lever des capitaux auprès d’investisseurs privés.

Recourir au levier pour faire converger les prix

Le PPIP cible à la fois les prêts douteux et litigieux, et les titres toxiques (essentiellement les structurés de crédit) qui se trouvent encore au bilan des banques.

Pour le rachat des prêts toxiques, la FDIC organisera des enchères et permettra au meilleur enchérisseur d’accéder à un financement garantit par elle, à hauteur au maximum de 6 dollars pour 1 dollar de capital investi. Le Trésor de son côté s’engage à investir 1 dollar de capital pour chaque dollar de capital investi par un investisseur privé.

Pour racheter les titres toxiques, le Trésor a annoncé la sélection prochaine de cinq gestionnaires d’actifs.

Le Trésor fournira 1 dollar de capital pour chaque dollar levé par les gestionnaires. Le capital du fond pourra par ailleurs être renforcé, à hauteur de 50% au maximum, par de la dette senior émise par le Trésor.

Les investisseurs pourront, sous certaines conditions, recourir au financement mis en place dans le cadre de la TALF.

Un programme original 

D’une part, il implique le secteur privé dans le processus de fixation du prix des actifs, selon un modèle de partage des risques original. D’autre part, il propose à ces investisseurs privés un recours massif à l’emprunt, garanti par l’Etat, pour financer leurs acquisitions. L’intérêt de ce levier est qu’il permet aux acheteurs de proposer aux vendeurs un prix d’achat supérieur à ce qu’il serait sans le volet endettement.

De ce point de vue, le Trésor met tout en œuvre pour remédier aux divergences d’intérêt fondamentales entre acheteurs (qui cherchent à minimiser le prix d’achat pour maximiser le rendement de l’investissement) et vendeurs (qui cherchent à obtenir le prix le plus élevé possible pour limiter leurs pertes), qui jusqu’ici pouvaient bloquer la vente des actifs et prêts toxiques.

Quelles chances de succès ?

Côté investisseurs, le montage proposé semble plutôt généreux. La réaction positive des marchés à l’annonce des détails du plan est de ce point de vue significative. Mais l’agitation politique actuelle et la perception d’un risque accru que la législation ne se durcisse dans l’objectif de protéger l’argent public pourraient refroidir l’ardeur de ces investisseurs.

La réussite du programme dépendra par ailleurs de la volonté des banques d’y participer, et d’accepter les tarifications qui leur seront proposées. En fonction de l’ampleur des décotes éventuellement appliquées, elles courent en effet le risque d’enregistrer des pertes importantes sur les actifs les plus toxiques qu’elles conservaient jusqu’alors dans leurs bilans. On ne peut alors exclure du coup qu’elles vendent plutôt les actifs les moins toxiques, afin de minimiser les risques de pertes. L’État pourrait être tenté d’imposer à certaines banques de participer à ce programme, suite aux stress tests par exemple.

Enfin, le programme peut être un succès, mais se révéler insuffisant : le PPIP pourrait permettre de racheter jusqu’à 1 000 milliards de dollars d’actifs, soit seulement la moitié des estimations du montant total des actifs risqués encore au bilan des banques.

Le PPIP ne sera de toutes façons pas effectif avant plusieurs semaines. D’ici là, les banques américaines auront publié leurs résultats du 1er trimestre 2009 ce qui donnera un aperçu du chemin qui reste à parcourir pour nettoyer leurs bilans.

Retrouvez les études économiques de Crédit Agricole