Les salariés sont au cœur de la transformation des entreprises

par Marie-Noéline Viguié et Stéphanie Bacquère, Fondatrices de Nod-A

On peut dresser tous les constats sur l’entreprise d’aujourd’hui, mais au fond la réalité tient en quatre mots : Ça ne marche plus ! Le vieux système de l’entreprise hiérarchique et pyramidale craque de partout. Il craque depuis l’extérieur, sous les coups de nouveaux entrants venus du numérique qui bousculent les modèles économiques. Il craque aussi de l’intérieur. Parce que le vieux système conçu pour la production de masse conduit aujourd’hui à l’impasse.

Et sur le plan humain, c’est encore pire. Malgré tous les discours des managers sur l’empowerment ou l’humain au cœur de la stratégie, l’entreprise s’est déshumanisée. Elle n’admet pas l’erreur, elle fantasme sur l’organisation optimale et confond travail et reporting. Résultat : les collaborateurs sont noyés sous des process qui confinent souvent à l’absurde, ils n’en peuvent plus des impératifs de court terme, des N-2 et N+3, du manque de sens, des objectifs inatteignables qu’on fait semblant de poursuivre, de l’inertie, de la paperasse (avec ou sans papier) et des plans à cinq ans.

Tel est donc, en grossissant le trait, le tableau qu’on peut faire de l’entreprise aujourd’hui : un modèle économique qui prend l’eau et des collaborateurs massivement désinvestis ou malheureux. En 2013, l’étude State of the Global Workplace de Gallup affirmait que 87 % des salariés étaient en situation de désengagement. D’autres enquêtes montrent que dans les grandes entreprises, seul un manager sur deux dit avoir confiance en son équipe dirigeante…

Attention aux fausses solutions

« Nous sommes résolument engagés dans la transformation numérique ! », jurent les grands dirigeants. Mais si on gratte la couche de com’ pour regarder de plus près, on réalise que la plupart des transformations en cours dans les entreprises ne sont que de fausses solutions.

  1.  Les grands Plans de Transformation, conçus et accompagnés par de grands cabinets de consultants qui n’ont pas fait leur propre transition numérique. Conceptuellement parfait, concrètement impossible, ce changement pensé en mode top-down constitue une stratégie de domination de l’entreprise par ses « élites », souvent déconnectées du terrain et du quotidien de leurs salariés.
  2. Création d’une « direction de l’innovation » : le mouvement, amorcé dès la fin des années 1980, est en réalité contraire à l’esprit du numérique. Car l’innovation vient de ceux qui font, pas d’une petite caste qui, elle, aurait droit d’être créative tandis que les métiers se contenteraient de suivre et d’appliquer. Les directions de l’innovation étouffent l’innovation ; elles l’assèchent en cantonnant les métiers à de simples tâches d’exécution.
  3. La troisième fausse solution, c’est celle du gadget : comme s’il suffisait d’importer un ou deux éléments de la culture start-up pour que, par miracle, la transformation numérique opère. Il n’y a qu’à voir le nombre de dirigeants d’entreprises qui ont commandé d’urgence un canapé géant, une table de ping-pong ou un baby-foot après avoir vu un reportage sur le siège de Google à Mountain View…

Changer, mais par où commencer ?

Parfois, la révolution peut venir de dirigeants éclairés. Mais ces « leaders éclairés » et ces entre- prises libérées restent une rare exception. Dès lors, il ne reste que deux solutions pour qui ne veut pas se résigner : la fuite… ou le corporate hacking. Corporate hacking ou utiliser les moyens mis à disposition par l’entreprise pour faire bouger les lignes au-delà d’une mission donnée : c’est aussi s’autoriser à travailler en dehors des règles de l’entreprise pour bien faire son travail quand ces règles sont des freins, des empêchements, des facteurs de démotivation.

Disons-le clairement : la révolution numérique devra venir des collaborateurs eux- mêmes. De nous tous. De vous. Bien sûr, cette conclusion fait peur. On a tellement pris l’habitude d’attendre que ça vienne d’en haut. À la limite on milite, on manifeste plus ou moins mollement son mécontentement, on fait remonter des messages et des propositions en espérant qu’elles seront validées. Mais agir… Construire…

La bonne nouvelle que nous voulons apporter, c’est d’abord que ce changement-là est possible. Depuis six ans, nous avons travaillé avec de nombreux collaborateurs qui ont pris les rênes et amorcé leur propre révolution culturelle. Ils ont compris qu’il n’y a pas de solution clés en main ou d’autorisation à attendre – ni qu’il n’y a pas besoin de tout comprendre pour commencer à bouger… Parce que c’est ça, la culture digitale : apprendre en agissant, laisser la place à l’impulsion et à la nécessité de vouloir apporter un changement au système en place, se tromper parfois, mais apprendre de ses erreurs, recommencer, et finir par obtenir des résultats.

L’autre bonne nouvelle, c’est que le modèle vers lequel nous tendons est bien plus naturel, bien plus humain que l’ancien modèle basé sur la contrainte et les jeux politiques. Il permet de retrouver ce que nous sommes au fond : des individus qui avons besoin de nous rassembler avec d’autres pour créer et mener à bien des projets. En étant un moteur de cette transition numérique, vous retrouverez non seulement le plaisir de faire avancer les choses, mais aussi le plaisir simple de collaborer avec d’autres, de vous enrichir à leur contact, d’apprendre.

Oser entreprendre, ça n’est pas que créer la prochaine start-up. C’est aussi, et surtout, croire en soi, faire preuve de courage et oser travailler comme on l’entend sans attendre le feu vert du Président ou du énième n+1. C’est faire avec les moyens à sa disposition et oser contourner ou changer les processus quand ils ne sont pas adaptés. C’est oser dire non et savoir se dire oui à soi-même. Cette nouvelle posture se synthétise dans le concept du Corporate Hacking. Et devenir un acteur qui s’impose dans cette révolution, c’est être un corporate hacker, et fier de l’être.

Marie-Noéline Viguié et Stéphanie Bacquère sont les auteures du livre “Makestorming, le guide du Corporate Hacking