Où serait l’euro-dollar sans les interventions des Banques Centrales ?

par Patrick Artus, directeur de la recherche et des études économiques de Natixis

Le dollar recommence à s’affaiblir vis-à-vis de l’euro avec :

  • les sorties de capitaux depuis les Etats-Unis (retour des capitaux vers les pays émergents, carry-trades, inquiétudes sur les politiques économiques des Etats-Unis) ;
  • le maintien d’un déficit extérieur des Etats-Unis et de sorties d’investissement direct ;
  • la recherche à nouveau de rendements élevés (matières premières et monnaies des pays liés aux matières premières, émergents).

Pourtant, l’accumulation de réserves de change est à nouveau très importante, puisque les pays de l’OPEP, la Chine, Hong-Kong, maintiennent des changes fixes vis-à-vis du dollar.

On peut alors se poser la question suivante : sans cette accumulation de réserves de change, à quel niveau serait déjà le taux de change dollar-euro ? La réponse est : au-delà de 2

1. Les causes probables du réaffaiblissement du dollar

Le réaffaiblissement du dollar par rapport à l’euro s’explique par plusieurs causes :

  • retour des capitaux vers les pays émergents avec la baisse de l’aversion pour le risque ; 
  • reprise des carry trades sur le dollar avec le niveau très bas des taux d’intérêt et la recherche par les investisseurs d’actifs à rendements plus élevés, par exemple les devises des pays liés aux matières premières ;
  • les sorties de capitaux liées aux inquiétudes sur le caractère extrêmement expansionniste des politiques économiques menées aux Etats-Unis ;
  • le maintien d’un déficit commercial important des Etats-Unis avec les politiques expansionnistes malgré la remontée du taux d’épargne des ménages, et de sorties d’investissements directs.

2. Pourtant, les interventions de change pour soutenir le dollar sont redevenues très importantes

A partir du moment où les capitaux n’ont plus été rapatriés des pays émergents vers les Etats-Unis, les Banques Centrales (surtout des pays d’Asie, de la Chine) ont recommencé à accumuler des réserves de change pour soutenir le dollar.

Les pays qui ont lié leur monnaie au dollar (Chine, Moyen-Orient, Hong-Kong) n’ont pas d’autre choix que d’acheter des dollars pour l’empêcher de s’affaiblir. La question que nous posons est alors la suivante : que serait la parité dollar-euro sans les interventions de change des Banques Centrales ?

3. Que serait la parité dollar euro aujourd’hui sans les interventions de change depuis avril 2009 des Banques Centrales ?

Les interventions de change des Banques Centrales depuis le 2ème trimestre 2009 sont en moyenne de 120 Mds $ par mois, soit un rythme de 1440 Mds $ par an.

Compte tenu de la part du dollar dans les réserves de change, ceci correspond à des achats de dollars par les Banques Centrales d’environ 80 Mds $ par mois.

Sans ces interventions, il aurait fallu que l’ensemble balance commerciale + sorties de capitaux privés des Etats-Unis devienne nul, pour équilibrer le marché des changes sans interventions.

A court terme, avec une vision pessimiste des marchés financiers sur le dollar, il aurait fallu réduire essentiellement la balance commerciale des Etats-Unis du montant des interventions de change en dollars.

La balance commerciale des Etats-Unis montre aujourd’hui un déficit de l’ordre de 40 Mds $ par mois ; il faudrait donc passer à un excédent de 40 Mds $ par mois.

L’analyse économétrique et l’observation du passé montrent que, toutes choses égales par ailleurs, une dépréciation réelle de 1 % du dollar améliore la balance commerciale annuelle des Etats-Unis de 30 Mds $ à long terme. Pour l’améliorer de 960 Mds $ (12×80), il faudrait donc une dépréciation réelle de 30 % du dollar, soit une dépréciation du dollar par rapport à l’euro de 68 % si on applique la corrélation habituelle $ / € / taux de change effectif du $.

Partant de 1,30, il faudrait que le €/$ aille à 2,18 pour compenser l’arrêt des achats de dollars par les Banques Centrales.

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